Compte rendu de : BILLON Claire, Abris et cabanes de la côte. Les infraconstructions dans la société littorale traditionnelle, dans Le chasse-marée, revue d’histoire et d’ethnologie maritime, No 13, 4e trim. 1984, pp. 44-57. Parution initiale dans L’Architecture vernaculaire, tome IX, 1985, pp.96-97 Le sous-titre pose d’emblée une société « traditionnelle » de la côte : on s’attend à ce que les « abris et cabanes » annoncés dans le titre soient ceux des populations côtières de pêcheurs sur l’Atlantique depuis au moins le début des Temps Modernes. Hélas, dès les premières lignes du texte, l’on déchante : « l’intérêt pour le monde maritime ne s’est développé que récemment en France, et l’on manque de documents pour connaître avec précision les conditions de la vie quotidienne sur nos côtes avant 1850 ». Cette « société littorale traditionnelle » n’est donc, en fait, que celle de l’époque contemporaine, voire de la partie « subactuelle » de cette époque. On devine le postulat de l’auteur : ce qu’on observe de l’« infra »-habitat côtier à partir de 1850 est représentatif de ce qu’il y avait avant, aux XVIIIe, XVIIe et XVIe siècles. Nous ne le suivrons pas sur ce terrain miné, d’autant plus qu’un encadré sur les « Huttes et cabanes sur la côte française au VIIIe siècle » se plaint de l’absence, dans les documents écrits, de descriptions précises de l’habitat des pêcheurs (il est question tout au plus de «huttes ») et regrette la « sobriété » des représentations cartographiques (où sont pourtant dessinés avec soin les tracés orographiques et les habitations proches du rivage « mais rien de plus »). Les cartes postales du début du siècle dont est émaillé l’article et qui montrent force « quilles en l’air » et trous de falaises servant d’habitations permanente à une population indigente, ces cartes postales ne dépeignent rien d’autre que les conditions sociales et démographiques de la 2e moitié du XIXe siècle, époque qui vit l’apparition d’un sous-prolétariat de pêcheurs réduit à des expédients pour se loger (appropriation d’anciennes carrières, récupération de quilles abandonnées, occupation de lieux à la propriété mal définie). Quelques mentions éparses dans l’article ne disent d’ailleurs pas autre chose: - les « gobes » (anciennes carrières de marne) « du Pollet » ( à Dieppe) « ne semblent pas utilisées en tant qu’habitations permanentes avant le dernier quart du XIXe siècle » ;
- « dans le cas des 'quilles de l’air' d’Equihen » (à Boulogne-sur-Mer), « il semblerait que ce type d’habitat ait été très limité dans le temps (fin XIXe siècle, début XXe siècle) ; il pourrait avoir été favorisé par le développement de la pêche industrielle privant prématurément les barques de pêche artisanale de leur travail ».
Plus instructifs que l’illustration misérabiliste quant à la forme et aux matériaux de l’« infraconstruction » côtière, nous paraissent être quelques dessins de V.-J. Vaillant et de G. de Galard datant du milieu du XIXe siècle : - à Capecure, près de Boulogne, une hutte en forme de bâtière posée au sol, dont la structure porteuse consiste en trois couples de chevrons entrecroisés et portant faîtière ; les pièces de bois sont des branches laissées brutes ; les pignons sont fermés par des claies, dont l’une est renversée, laissant voir l’armature intérieure ; - dans la même région, une curieuse hutte montée sur une sorte de catamaran et aux parois et à la toiture couvertes de javelles de chaume, peut-être le pendant flottant, pour le pêcheur, de la cabane ambulante du berger ; - les cabanes en dôme des pêcheurs de Buch sur les bords du bassin d’Arcachon, à ossature de perches recourbées et à couverture de roseaux maintenus par un filet lesté. Illustration également intéressante mais relative à un niveau de construction supérieur à celui des huttes précédentes : des clichés des maisons semi-enterrées, à usage saisonnier, de l’archipel des Chausey, avec leurs pignons en pierre, dont l’un portant cheminée, et leur bâtière de fougères.
Au bout du compte, il reste à l’auteur à poursuivre et à étendre son enquête avec la rigueur scientifique souhaitée, en recherchant et en collationnant de nouveaux documents pour les périodes antérieures à 1850. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Catherine Ropert Parution initiale dans L’Architecture vernaculaire, tome IX, 1985, pp. 96-97
page d'accueil sommaire architecture vernaculaire
|