UN BATIMENT INTRIGANT :
L'ANCIENNE MAIRIE DE GUICHE (PYRÉNÉES-ATLANTIQUES)
Guiche est un petit bourg des Pyrénées-Atlantiques relevant, sous l'Ancien Régime, de la province basque du Labourd. Il possède divers bâtiments historiques dont un, tout particulièrement, attire l'attention par son architecture singulière : l'ancienne école et mairie, formée d'une salle haute sur un préau ouvert bordé par trois colonnes en pierres de taille.
Deux cartes postales ont été consacrées au bâtiment au cours du XXe siècle : - la première, dans les années 1900, qui qualifie l'édifice de « Mairie et perron » et le fait remonter au XIVe siècle, - la deuxième, dans les années 1930, qui se borne à un laconique « La Mairie » (1).
L'édifice apparaît également dans une carte postale représentant « L'Église » de Guiche mais en tant que détail et sans être signalé.
Carte postale « Mairie et perron »
Carte postale « La Mairie »
À ces deux cartes postales, s'ajoute une troisième qui, tout en se focalisant sur l'église de Guiche, laisse entrevoir l'ancienne mairie sous un angle différent.
Carte postale « L'Église »
Alors que les cartes postales de l'édifice ne désignent celui-ci que sous le vocable de « mairie », la notice que lui consacre la base Mérimée du Ministère de la culture en fait un ancien « pigeonnier » : « Description historique : Le petit bâtiment reposant sur 3 colonnes aurait été selon la tradition orale un pigeonnier dépendant de la maison noble de Labadie (1817 A2 517) [Labadie est un lieudit situé au sud-ouest de léglise, en bordure de la rue du bourg]. Édifié à une époque inconnue, il fait l'objet d'une restauration totale et d'un agrandissement à partir de 1760. Il est aménagé en école communale de 1850 à 1863, puis en mairie » (4).
L'auteur, en 1978, d'une monographie historique et architecturale du village – René Delcassou-Péhaut – voit dans le bâtiment le « Colombier de l'ancien château de Chuhenne » (5), Chuhenne étant un lieudit situé à l'ouest de Labadie, en bordure de la rue du Bourg.
Le blogue paysbasque1900.fr affirme, pour sa part, que « Sous l'Ancien Régime, la salle haute du pigeonnier ser[vai]t de lieu de réunion aux assemblées paroissiales qui regroup[ai]ent les maîtres de maison ». Si cette utilisation semble plausible, l'auteur, toutefois, reste muet quant à ses sources (6),
Cependant, on voit mal comment un pigeonnier, ou colombier, aurait pu être construit à l'entrée du cimetière et à quelques mètres de l'église du village. Au vu d'un tel emplacement, on peut se demander si l'édifice ne serait pas, à l'origine, une seroranea, ou maison de benoîte, femme célibataire chargée des enterrements et de l'entretien du lieu de culte dans les villages basques aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles (3).
Analogies entre le bâtiment à préau de Guiche et la maison de la benoîte à Saint-Pierre-d'Irube
Parmi la trentaine de benoîteries qui ont été recensées, celle se trouvant à Saint-Pierre-d'Irube présente quelques analogies avec le bâtiment qui nous occupe ici : - elle se dresse à l'extérieur du cimetière, à droite de l'entrée ; - elle relève du type de la maison-bloc en hauteur ; - son étage est en pan de bois avec garnissage de briques plates entre les potelets ; - mais surtout, au XVIIe siècle, elle a été agrandie côté cimetière, à partir de trois piliers cylindriques en maçonnerie de pierre, l'espace entre les piliers étant ensuite comblé en maçonnerie de pierre ou de brique au début du XVIIIe siècle, ainsi que nous l'apprend sa description historique dans la base Mérimée (7).
La présence à Guiche d'un préau lié aux usages funéraires plaiderait donc en faveur de l'existence d'une maison de benoîte.
Les trois colonnes
Alors que sur les cartes postales anciennes les trois colonnes du préau de Guiche donnent l'impression d'être chacune d'un seul fût, dans la réalité elles sont toutes composées d'un empilement de trois ou quatre tambours, de différentes hauteurs.
Les colonnes sont de hauteur décroissante de droite à gauche en raison de la déclivité du terrain. L'empilement de tambours de diamètre différent apparaît nettement. On remarque également que les chapiteaux sont sculptés dans de la pierre dont l'origine géologique n'est pas la même que celle des tambours. NOTES
(1) La mairie actuelle se trouve à quelques dizaines de mètres à l'est de l'ancienne, en bordure de la rue du bourg.
(2) en calcaire de Bidache.
(3) Sur les maisons de benoîtes, voir l'ouvrage collectif suivant : Les benoîteries au Pays basque, Ekaina. Revue d'études basques, association culturelle Ekaina, No 37,1991, 80 p. Sommaire : - Michel Duvert, Andere Serora. La femme et le sacré dans la civilisation basque ; - Maïté Lafourcade, La charge de benoîte en Pays basque ; - Charles Martin-Ochoa de Alda, La benoîterie d'Arbonne ; - Gracie Laffite et Josiane Mersch, Occupation de la benoîterie d'Arbonne ; - Hubert Desport, Benoîterie et benoîtes de Saint-Pierre-d'Irube).
(4) pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/IA64000305 - 1817 A2 517 = cadastre de 1817, feuille A2, parcelle 517.
(5) René Ducassou-Péhaut, Images de Guiche, Éditions Elkar, Bayonne, 1978, 40 p.
(6) paysbasque1900.fr/2017/02/pigeonnier-ancienne-mairie-de-guiche.html
(7) pop.culture.gouv.fr/notice/merimee/PA00084552
© Christian Lassure - CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure page d'accueil sommaire architecture vernaculaire |