LES "BOUTIGONS" D'EGUILLES (BOUCHES-DU-RHÔNE) 1re partie - Christian Lassure et Jean Laffitte

LES BOUTIGONS EN PIERRE SÈCHE DE LA COMMUNE D'ÉGUILLES (BOUCHES-DU-RHÔNE) :
APERÇU MORPHOLOGIQUE
1re partie : plans quadrangulaires

A morphological survey of the dry stone boutigons at Éguilles, Bouches-du-Rhône
Part 1: quadrangular plans

Texte de Christian Lassure et Jean Laffitte,
photos de Louis Gentilhomme et Jean Laffitte

La commune d'Eguilles est située à l'ouest d'Aix-en-Provence, à une altitude de 30m.

Une centaine de cabanes en pierre sèche y ont été recensées par M. Louis Gentilhomme. 

Leur nom vernaculaire (peut-être ironique) est boutigoun (francisé en boutigon), diminutif du provençal boutigo, boutique, échoppe, atelier; leur nom savant (issu d'un contresens), puis touristique, est bori, masure au sens premier, cabane en pierre sèche au sens contemporain; leur nom générique est cabane en pierre sèche.

Ces cabanes se trouvent principalement dans quatre zones :
- au nord : Les Plaines - Les Taulets - Saint-Jaume (44 cabanes),
- au nord-est : les Hauts de Fourques - La Cébo nord (5 cabanes),
- au sud-est : les Hauts de Jipières - La Cébo sud (25 cabanes),
- au sud-ouest : L'Andon - Fabrègues - Le Rastel (30 cabanes).

Les cabanes sont construites généralement avec des pierres calcaires en forme de lauses plus ou moins épaisses, assemblées en lits réguliers aussi bien dans la partie de base (les murs porteurs) que dans la partie de couvrement (la toiture). L'inclinaison des lauses de la toiture vers l'extérieur est à peine marquée. Ces caractéristiques donnent aux édifices une certaine homogénéité.

L'étude qui suit se propose de dégager une typologie morphologique provisoire des cabanes, du moins celles dont les photos sont disponibles, provenant des prospections de Louis Gentilhomme ou des visites de l'un des auteurs (Jean Laffitte), soit 22 cabanes. 

Le principal critère dont il a été tenu compte est le plan au sol du corps de base, qui se trouve être soit quadrangulaire, soit circulaire. 

La forme du couvrement et la jonction entre base et couvrement interviennent ensuite comme critères de différenciation.

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1. PLANS QUADRANGULAIRES

1.1 BASE QUADRANGULAIRE AUX ANGLES ARRONDIS,
COUVREMENT EN PYRAMIDE SURBAISSÉE AUX ARÊTES ARRONDIES, TENDANT VERS LE CÔNE

CABANE DE LA CARTE POSTALE DU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

Pour que cette cabane – qualifiée du terme savant bori pour l'occasion – fasse l'objet d'une carte postale, il fallait d'une part qu'elle soit considérée comme un spécimen achevé de ce type de bâtiment, d'autre part que ce type de bâtiment ait encore joui à cette époque d'une certaine faveur ou que le souvenir était encore vif du temps où ses semblables étaient à la mode. De fait, au moment de la photo, la cabane est encore en très bon état, simplement un peu patinée.

Le corps de base est de plan quadrangulaire, avec des angles arrondis et un fruit très marqué. Les pierres les plus grosses y ont été réservées.

Le couvrement est en forme de pyramide surbaissée aux arêtes arrondies. Il est monté en assises régulières de lauses posées avec une très légère inclinaison. Il n'y a pas de collerette ou de rive saillante à la base du couvrement.

L'entrée, aux piédroits verticaux, a la grande dalle qui lui sert de linteau soulagée par un vide rectangulaire (petite dalle posée sur deux piles).

Un orifice est visible dans la toiture, au-dessus de l'angle gauche de la façade : sans doute trou d'évacuation de la fumée d'une cheminée.

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Cette belle cabane, à la façade encadrée de deux murets bâtis sur une petite esplanade, n'est plus : en une nuit, elle a été démolie au tracto-pelle et ses pierres ont été évacuées.

Pour autant qu'on puisse en juger, l'édifice relevait du type à base quadrangulaire aux angles arrondis et à couvrement en pyramide surbaissées aux arêtes arrondies, avec passage progressif d'une forme à l'autre.

Les dalles les plus grosses se rencontraient dans la partie de base, les plus fines et les plus plates dans la partie de couvrement, où elles étaient disposées en assises régulières. Le haut du couvrement était coiffé d'une grosse dalle circulaire.

Les montants de l'entrée, légèrement convergents, soutenaient une épaisse dalle bien plate en guise de linteau.

La faible patine des pierres à peine grisées par l'exposition à l'air, ne plaide pas pour une grande ancienneté.

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AVANT D'ARRIVER À SAINT-MARTIN

SAINT-MARTIN

Cabane au corps de base quadrangulaire aux angles arrondis et au couvrement en forme de pyramide surbaissée aux arêtes arrondies tendant vers le cône.

Les pierres les plus grosses et les moins bien litées ont été employées dans la partie de base; le couvrement est fait d'assises de dalles bien plates. On remarque le peu de patine des pierres.

L'entrée a ses montants qui convergent légèrement l'un vers l'autre, jusqu'à hauteur du linteau, grande dalle que ne vient soulager aucun rectangle ou arc de décharge.

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Pour autant qu'on puisse en juger d'après cette seule et unique photo, le présent boutigon relève du type à base quadrangulaire aux angles arrondis et à couvrement en pyramide surbaissée aux arêtes arrondies tendant vers le cône.

Les pierres les plus grosses et les moins plates servent dans la maçonnerie du corps de base, tandis que les pierres bien litées servent aux assises du revêtement de la partie de couvrement. On observe quelques arrachements à l'angle de droite de l'édifice.

L'entrée, aux montants verticaux, est couverte d'une grande dalle surmontée d'un orifice de décharge au carré (petite dalle reposant sur deux piles).

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A LA LIMITE DU DOMAINE DE VERGON

LES TAULETS

Boutigon de plan quadrangulaire, aux angles arrondis et au fruit très marqué. Le couvrement est en forme de pyramide tronquée, aux arêtes arrondies, tendant vers le cône.

Le matériau est un calcaire qui se débite en blocs et dalles bien lités. Les plus gros éléments sont réservés à la partie de base, les plus petits servant au revêtement de la partie de couvrement.

Le côté droit de l'entrée fait une avancée par rapport au nu de la façade, sans doute en guise de protection. Le linteau de l'entrée est porté par des piédroits légèrement convergents. Une sorte d'arc de décharge rudimentaire repose sur la dalle formant le linteau : sans vide intermédiaire, il ne joue pas son rôle.

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Le même boutigon, après le passage de récupérateurs de pierres...

La vue de la cabane éventrée permet de se rendre compte qu'un mortier de terre - non visible depuis l'extérieur - a été employé dans sa maçonnerie pour liaisonner les pierres de la paroi intérieure et de la voûte.

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LES TAULETS (SUITE)

 

LES TAULETS (SUITE)

A l'intérieur, sur le parement d'une pierre appartenant au montant d'une niche, est gravé le nom du propriétaire-constructeur, Henri Tournel, et l'année d'achèvement, 1882 (on est sous la Troisième République, Jules Grévy étant président).

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L'inscription :

HENRI
TOURNEL
1882

 

 

 

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LES TAULETS (FIN)

1.2 BASE QUADRANGULAIRE AUX ANGLES ARRONDIS,
COUVREMENT EN TRONC-DE-CÔNE AU PROFIL CONCAVE

LE RASTEL

Cabane en forme de cylindre à fruit surmonté d'un tronc-de-cône à la paroi incurvée. Il n'y a pas de solution de continuité marquée entre base et couvrement.L'ensemble évoque un fourneau.

Les blocs les plus gros ont été réservés à la base. Le haut de la base, tout comme le couvrement, sont en assises de moellons plats; les différences d'épaisseur sont rattrapées par de petites cales plates.

Les montant de l'entrée sont verticaux: Elle est recouverte par un épais linteau.

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Cabane accolée au pignon ouest d'une habitation temporaire à façade en gouttereau (contre le pignon opposé est accolé un appentis à usage de bergerie).

Entièrement ceint d'une épaisseur de maçonnerie sèche ajoutée ultérieurement, le corps de base semble être un parallélépipède aux angles arrondis. Le contrefort périphérique se transforme, au nord, en une excroissance hémicirculaire abritant un réduit. Un mur bahut prolonge, vers le sud, le côté ouest de la cabane, dont il protège l'entrée.

La partie haute de la cabane est en forme de cône tronqué. Les pierres du revêtement, ou plus exactement de l'extrados de la voûte d'encorbellement, sont plus ou moins bien assisées. S'il y avait une couverture de lauses, elle a disparu.

L'entrée, de chaque côté de laquelle s'interrompt le contrefort, a ses côtés verticaux. Une grande dalle lui sert de linteau. L'entrée donne dans une pièce carrée dont l'angle nord-ouest abrite une cheminée et son conduit.

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LA BASTIDE DE CARTOUX AUX PONTEILS

LA BASTIDE DE CARTOUX AUX PONTEILS (SUITE)

Vue de l'ensemble, côté sud, lors de son étude et son relevé

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LA BASTIDE DE CARTOUX AUX PONTEILS (SUITE)

Cabane, habitation et bergerie ont été démolies en 1996 pour faire place à la ligne du TGV Méditerranée

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Vue de la cabane depuis l'ouest : le haut de la partie de base et la toiture conique dépassent du contrefort périphérique.

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LA BASTIDE DE CARTOUX AUX PONTEILS (FIN)

 

1.3 BASE QUADRANGULAIRE SANS ARRONDISSEMENT DES ANGLES,
COUVREMENT EN PYRAMIDE AUX FACES CONVEXES, TENDANT VERS L'OGIVE

CHEMIN DU VERGON

Cabane au corps de base quadrangulaire et au couvrement en pyramide aux faces convexes, tendant vers l'ogive, avec passage progressif d'une forme à l'autre. Les angles côté façade sont bien marqués sur toute la hauteur de la base.

Le matériau employé consiste en dalles et blocs bien lités disposés en assises. La maçonnerie de la partie de couvrement semble moins bien assisée.

L'entrée, aux montants légèrement convergents, est coiffée d'une dalle formant linteau.

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À première vue, et pour autant qu'on puisse en juger d'après cette seule et unique photo, ce boutigon a un corps de base quadrangulaire, dont le seul angle visible est bien marqué. Le couvrement est en forme d'ogive ramassée (sinon de pyramide aux faces convexes et aux angles arrondis). La transition entre le bas et le haut est progressive.

Le matériau consiste en dalles et moellons plus ou moins lités. Le constructeur semble avoir manqué de lauses bien plates pour faire le revêtement du couvrement.

L'entrée est couverte par une dalle formant linteau.

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CABANE NON LOCALISÉE

QUARTIER DE GAY

Pour autant qu'on puisse en juger d'après cette photo prise de face, cette cabane semble relever du type à base quadrangulaire aux angles arrondis et à couvrement en pyramide convexe tendant vers l'ogive, avec passage graduel de la base au couvrement.

Les blocs et les dalles les plus gros ont été réservés à la partie de base tandis que les dalles ou lauses les plus plates ont été affectées à la partie de couvrement, où elles sont disposées en assises.

Les côtés de l'entrée sont très légèrement convergents et soutiennent deux dalles superposées en guise de linteau, la première dalle ayant été jugée trop mince pour remplir à elle seule cette fonction. (un dispositif semblabe est observable sur une cabane de la commune de Saint-Médiers dans le Gard).

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Deux linteaux superposés à Montaren-et-Saint-Médiers (Gard).

(Photo Dominique Repérant)

MONTAREN-ET-SAINT-MÉDIERS (GARD)

© Photo Dominique Repérant


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© Christian Lassure - CERAV
Mis en ligne le 18 octobre 2004 / Posted on October 18th, 2004 - Augùmenté le 29 novembre 2022 / Augmented on November 29th, 2022

Référence à citer :
Christian Lassure et Jean Laffitte
Les boutigons en pierre sèche de la commune d'Eguilles (Bouches-du-Rhône) : aperçu morphologique, 1re partie : plans quadrangulaires (A morphological survey of the dry stone boutigons at Éguilles, Bouches-du-Rhône. Part 1: quadrangular plans)
http://www.pierreseche.com/boutigons_d'eguilles_a.htm
18 octobre 2004

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