LES CABANES DE SAGNE DE FOS-SUR-MER (BOUCHES-DU-RHÔNE) The reed-built huts of Fos-sur-Mer, Bouches-du-Rhône) as shown in old postcards Christian Lassure Le nom de Fos-sur-Mer évoque aujourd'hui implantations industrielles et portuaires. Il n'en a pas toujours été ainsi. Les cartes postales anciennes peignent un paysage moins artificiel et des activités plus traditionnelles, comme la pêche... et son lot de cabanes de pêcheurs, aujourd'hui bien oubliées. Ces dernières se répartissent en deux emplacements, d'une part « les bords de l'étang », d'autre part « la plage Saint-Gervais », aussi dénommée « calanque de Saint-Gervais » ou encore « pointe de Saint-Gervais », autrement dit « le bord de mer ». Note : le côté illustré de la carte postale étant la matière première du présent article, il est dit « recto » par commodité, contrairement à l'usage courant pour ce support ; l'autre côté est dit « verso ». « Les bords de l'étang » Document No 1 Sur cette carte postale des années 1900, deux cabanes se dressent, nous dit-on, « sur les bords de l'étang », mais sans plus de précision. La cabane au premier plan fait penser à celle tout en roseau du mas de l'Amarée aux Saintes-Maries-de-la-Mer (1), sauf que l'élévation du pignon est moindre, les versants de la toiture sont moins pentus et la saillie du chevron axial de croupe se termine en pointe et non par une croix. La concavité du faîtage est le signe d'une faîtière fatiguée. La cabane au deuxième plan diffère quelque peu de la première : les versants de la toiture sont plus pentus et semblent descendre jusqu'au sol, le pignon est enduit extérieurement et les rives de la toiture s'avancent légèrement pour protéger le pignon du vent et de la pluie. Dans les deux cas, le faîtage est protégé des infiltrations de l'eau de pluie par une chape de plâtre. (1) Cf. notre étude L'évolution de la cabane camarguaise au XXe siècle d'après des cartes postales et photos anciennes, II - Le mas de l'Amarée et ses deux cabanes, http://www.pierreseche.com/le_mas_de_l_amaree.htm, 5 septembre 2008.
Document No 2 Les deux cabanes visibles sur cette carte du tout début du XXe siècle ne sont pas les mêmes que les précédentes mais elles se dressent indubitablement à proximité, en bordure de ce qui est en fait un chenal, une cinquantaine de mètres plus en aval et non loin de la maisonnette à toit de tuiles qu'on aperçoit à l'arrière-plan de la vue précédente. La cabane la plus proche de nous semble avoir reçu une nouvelle couverture de sagne et une nouvelle chape de plâtre alors que la plus éloignée a une toiture de feutre goudronné, qui a peut-être remplacé une couverture de roseaux. La première cabane comporte quatre rangées de javelle, celle faisant office de chemise étant maintenue en place par une gaule. Neuf tuiles canal emboîtées l'une dans l'autre protègent le faîtage. L'arbalétrier-chevron de croupe, qui dépasse d'une cinquantaine de centimètres, est enrobé de plâtre. Les côtés de la cabane sont en claies de roseaux et protégés à la base par une accumulation de terre. Le pignon est en planches de bois disposées horizontalement. Il est protégé par l'avancée des rampants de la toiture. La porte d'entrée, en planches disposées verticalement, s'ouvre dans la partie gauche du pignon en raison de la présence du poteau axial. Si l'on avait un doute quant à la fonction du bâtiment, il est levé par la présence d'un portique à filets de pêche du côté non visible. La deuxième cabane a son pignon et ses côtés bardés de planches de bois, sa porte d'entrée décalée à droite du poteau axial, sa couverture de toile ou de feutre goudronné maintenue en place par des baguettes de bois clouées à intervalles régulier du faîtage à la rive de chaque versant.
Document No 3
Le point de vue a changé mais nous sommes toujours au bord du même chenal bordé de cabanes, simplement plus en aval... et quelques années plus tard : les deux cabanes de la carte précédente sont toujours là mais une moderne cabane de planches s'est glissée en intruse entre les deux. L'intervalle entre la cabane de planches et la cabane de sagne en amont est occulté par une clôture de claies de cannes. Un peu plus bas, s'alignent trois cabanes de sagne où l'on reconnaît les deux cabanes du document No 1. L'intérêt de cette carte postale par rapport aux précédentes est de fournir une vue moins fragmentée de ce premier emplacement à cabanes. « Le bord de mer » Document No 4 Cette carte postale nous restitue la plage de l'anse de Saint-Gervais telle qu'elle se présentait au tout début du XXe siècle. Là aussi, on découvre la toiture à croupe arrondie et le pignon droit d'une cabane de pêcheur entièrement végétale, laquelle n'est pas sans rappeler les cabanes camarguaises tout en sagne de la même époque : le bout saillant du chevron de croupe est bien reconnaissable ainsi que la chape de plâtre protégeant le faîtage. Les murs toutefois ne sont pas visibles, cachés qu'ils sont par un talus. La fonction du bâtiment ne fait aucun doute: sur la plage, un peu en avant par raport à la cabane, se dresse un portique où pendent des filets tandis que des pêcheurs prennent la pose dans leurs barques.
Document No 5 Sur une autre carte postale de la plage Saint-Gervais, antérieure de quelques années, on découvre, à l'extrême droite, la même cabane à croupe, dans sa quasi-totalité, mais aussi, à gauche, à l'emplacement de la cabane moderne en planches, la cabane à croupe qui la précédait, avec son faîtage dégarni augurant une fin prochaine.
DOCUMENT No 6 L'anse de Saint-Gervais est dénommée ici « calanque » de Saint-Gervais. On aperçoit à l'extrême droite, coupée par le cadrage, la croupe de la cabane tout en sagne des documents Nos 4 et 5 avec son arbalétrier-chevron pointant vers le ciel.
Sur un agrandissement, on compte 5 rangées successives de roseau sur le versant visible (chemise comprise). Un fil de fer court à mi-hauteur de la chemise et une couche de plâtre recouvre le faîtage.
À l'extrême gauche, on observe un autre bâtiment intéressant architecturalement, déjà aperçu dans les documents Nos 3 et 4 : une maisonnette en dur, de plan rectangulaire, à la bâtière couverte de roseau, entre deux pignons maçonnés. Hormis l'absence d'une abside à l'arrière, les ressemblances sont nombreuses avec la cabane camarguaise classique. Les rampants des pignons sont dégagés (apparemment), il y a 5 rangées de manons sous la chemise, elle-même protégée par une chape de plâtre. Du plâtre a été appliqué également aux points de jonction des rangées de manons et des rampants des pignons. Une file de tuiles canal emboîtées entre elles court sous la faîtière. Dans l'axe médian du pignon avant, s'ouvre une entrée dont la porte en bois est en retrait. Le gouttereau visible est percé d'un fenestron. Il y a comme une souche de cheminée qui saille contre le pignon arrière. Cet emplacement de la cheminée est rendu possible par le remplacement de l'abside par un pignon droit. On distingue un muret de pierres sur le devant et les côtés de l'édifice. Une gaule, à l'usage indéterminé, est fichée verticalement à la pointe du pignon-façade. Enfin, entre la maisonnette et la bordure de la plage, se dresse une sorte de portique fait de piquets alignés portant une pièce de bois horizontale (support à filets ?).
DOCUMENT No 7 Dans cette carte postale de la première décennie du XXe siècle, le photographe a posé son appareil devant une structure plutôt fruste, tenant à la fois de l'auvent et de la cabane végétale. Édifiée dans la continuation du pignon d'une cabane en bois couverte, semble-t-il, en tôle ondulée, cette structure au toit à double pente, est fermée et couverte de claies de roseaux, à l'exception de la moitié gauche de son pignon, occupée par une porte à claires-voies articulée apparemment sur le poteau de faîte. La faible pente des versants de toiture augure mal de l'étanchéité de l'installation. Le couple abrité par ce modeste logis semble avoir été surpris dans ses occupations par le photographe : on a comme l'impression que madame compte sur une prochaine prise de monsieur, en tenue de pêcheur à la ligne, pour préparer le repas...
Conclusion Les cartes postales du début du XXe siècle nous font découvrir l'existence autrefois de cabanes tout en roseau servant à la pêche, à l'est du delta du Rhône, à Fos-sur-Mer, au bord d'un étang (dont le nom n'est pas indiqué) et au bord du golfe de Fos, à l'anse de Saint-Gervais. Il convient de rappeler que les zones palustres du littoral méditerranéen depuis les Pyrénées-Orientales jusqu'aux Bouches-du-Rhône ont connu ce type de cabane. Celles de Fos-sur-Mer, pour autant qu'on puisse en juger d'après ces trop rares traces photographiques, ne sont guère éloignées, au plan architectural, de leurs consœurs de Camargue à la même époque. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure page d'accueil sommaire architecture vernaculaire
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