LE GRAND CABANON POINTU DES EYROUSSIERS À MANE (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE) The large "cabanon pointu" of Les Eyroussiers at Manes, Alpes-de-Haute-Provence Christian Lassure (texte), Dominique Repérant (photos)
Signalé dans les années 1960 par l'ethnologue provençal Pierre Martel, ce cabanon pointu, pour reprendre une désignation mise à la mode par les cartes postales du début du XXe siècle, est remarquable tant pas son ampleur – que par sa grâce : le cône de la couverture de lauses a son profil qui s'incurve légèrement en coyau au-dessus du cylindre de base, au fruit à peine marqué.
Une restauration récente a gratifié cette belle bâtisse non seulement d'un avant-linteau tout neuf, passé à la cire d'abeille et digne d'une isba, mais aussi d'une placette bordée de murettes bien sages et où poussent quelques chênes maigrelets. Une carte postale de 1971 atteste que l'ancien linteau était protégé par l'avancée d'une rangée supérieure de lauses.
Il est difficile de ne pas voir dans ce grand cabanon en pierre sèche l'œuvre d'un professionnel, maçon ou carrier : plaident dans ce sens les piédroits de l'entrée, aux pierres parementées sur les deux faces visibles et taillées pour recevoir la feuillure d'une porte en bois, ainsi que la double pierre faîtière taillée à la courbe qui trône en haut de l'édifice.
Intérieurement, l'encorbellement amorce sa courbe à une cinquantaine de centimètres du sol. Le diamètre est de 6 m et la hauteur de flèche de 5,80 m, ce qui donne une circonférence intérieure de 18,85 m.
Les aménagements consistent en un placard mural à mi-hauteur et quatre fenestrons ou regards.
Pierre Martel décrit ainsi la fonction et les aménagements des cabanons pointus entre Lincel et Forcalquier : ce sont « de modestes abris, destinés à protéger les outils d'un jardinier, la provision de bois ou les ruches d'un paysan, ou encore son repos les jours de canicule au moment de la 'méridienne' ; parfois ils étaient destinés à servir d'abri pour un âne, un mulet ou un petit troupeau ». « Le plus petit a 8 m de circonférence extérieure, le plus grand 45; leur hauteur varie entre 2 et 7 m ; presque tous ont une seule porte, des placards, des fenêtres étroites, parfois une cheminée ou des étagères ».
Couvert aujourd'hui de chênes blancs, le quartier des Eyroussiers était encore entièrement cultivé il y a 125 ans ainsi que l'attestent les terrasses, les pierriers et les dizaines de cabanes des champs encore visibles. La molasse miocène, laissée nue par endroits, servait de carrière domestique.
Sources
Pierre Martel, Le sentier des cent cabanons, cahier No 5 de Sentiers de Haute Provence, I, Pays de Forcalquier, Les Alpes de Lumière, Nos 47-48, automne-hiver 1969.
Pierre Coste, Pierre Sèche en Provence, Les Alpes de Lumière, No 89-90, 1er et 2e trim. 1985, pp. 3-80.
Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure (texte), Dominique Repérant (photos)
page d'accueil sommaire témoins
|