Recension Michel Carlat, Aux sources de l’architecture rurale vivaroise, dans Architecture ancienne et urbanisme en Ardèche,
Parution initiale dans L’Architecture vernaculaire, tome XVII, 1993, p. 16 Se plaçant dans une perspective « anthropologique » totale, M. Michel Carlat, dont on connaît les estimables travaux sur l’architecture rurale en Ardèche, se propose d’examiner ici l’apport ou « héritage » de plusieurs époques historiques dans le domaine d’étude qu’il a fait sien. Tour à tour, il évoque les strates « celte », « gallo-grecque » et « gallo-romaine », médiévale et moderne décelables dans les édifices visibles actuellement. En fait d’« héritages », l’auteur nous livre surtout une série d’états des lieux montrant que quasiment tout reste à faire, qu’il s’agisse de l’archéologie en dessous du sol ou de celle de l’au-dessus du sol (c’est-à-dire l’analyse architecturale des bâtiments), de l’exploitation des archives notariales ou autres. Dans son désir de ressourcer chez les Celtes son sujet d’étude, l’auteur met en avant une colonne avec masque solaire du dieu Belenus autrefois découverte au hameau de Balayn à Saint-Félicien. En fait il s’agit des vestiges d’un cadran solaire où se lisent les millésimes 1810 et 1806. Quand bien même cette colonne en pierre serait celte et cultuelle, on voit mal son rapport avec l’architecture rurale en Ardèche. Pour ce qui est de l’ « héritage gallo-grec » et « gallo-romain », l’auteur se contente de citer l’érudit vellave Albert Boudon-Lashermes dont on connaît les efforts pour trouver des traces tangibles de la civilisation grecque dans le Velay. À ce sujet, il faut savoir que l’argumentation de Boudon-Lashermes reposait, entre autres, sur l’antiquité supposée des « chibottes » ou cabanes de pierre sèche (que les paysans vellaves appelaient « sabones » ou encore « cazournes »), édifices dont des recherches récentes ont montré l’origine subactuelle et le lien avec la viticulture. Plus convaincant est le traitement réservé à l’« héritage » du Moyen Age. Pour favoriser une meilleure connaissance de celui-ci, l’auteur évoque successivement l’apport éventuel des sources monastiques (actes des abbayes bénédictines, cisterciennes et carthusiennes des XIIIe-XIVe siècles), des « Estimes » de 1464 (qui donnent la nature des matériaux de couverture), des fonds privés, pour peu qu’ils soient sollicités. Comme il le souligne, tout est à faire. L’« héritage » moderne, quant à lui, est évoqué tout d’abord au travers de la question de la date d’apparition de la génoise en Vivarais. Là encore, des recherches archivistisques, à l’instar de celles menées sur les génoises en Provence, devraient apporter un début de réponse. En attendant, l’observation du bâti existant peut amener quelques éléments de réponse. M. Carlat a ainsi remarqué la présence de génoises sous certains auvents ou balcons à arcades (les couradous) construits à l’âge d’or de la sériciculture, peut-être dans la première moitié du XIXe siècle. La génoise serait donc attestée au moins dès le XVIIIe siècle en Ardèche. L’étendue et les limites de l’apport des actes notariés (baux à ferme, prix-faits et inventaires après décès) sont à juste titre signalées par l’auteur : « S’ils nous permettent de connaître avec précision les constructions ou les remaniements effectués sur un bâtiment à une époque donnée, ils ne sauraient nous livrer avec certitude la datation exacte de la construction que nous pouvons avoir sous les yeux. Les guerres, les incendies, les modifications ont le plus souvent profondément affecté l’extérieur, voire l’emplacement même de l’édifice. Les actes peuvent se suivre, les prix-faits ne pas être suivis d’effet, les constructions se faire ou se défaire ». L’auteur en fournit deux illustrations mais elles concernent – il faut le reconnaître – les échelons supérieurs de la hiérarchie sociale, à savoir des maisons fortes, dont on retient surtout qu’on en construisait encore dans la Montagne vivaraise au début du XVIIe siècle. Cette dernière partie se termine par une allusion au rôle encore peu connu des maçons limousins dans la construction rurale principalement au début du XIXe siècle. L’article est orné de dessins à la plume dont certains sont des repiquages de photos prises avec un grand angle si l’on en juge d’après le fruit excessivement marqué des murs. Manifestement M. Carlat ouvre de nombreuses pistes et pose quelques jalons en vue d’une véritable histoire de l’architecture rurale en Ardèche. On sent qu’il serait prêt à s’y atteler si des moyens lui étaient accordés. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure Parution initiale dans L’Architecture vernaculaire, tome XVII, 1993, p. 16
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