L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE DE LA GASCOGNE ET DE L’AQUITAINE Christian Lassure Les anciennes provinces de Gascogne et d'Aquitaine recoupent plus ou moins les départements actuels du Gers et des Landes pour la première, et du Lot-et-Garonne et de la Gironde pour la seconde. Ces provinces sont terre d'élection de la maison à nef et bas-côtés, dont l'aire d'extension s'étend d'ailleurs au-delà (jusqu'en Périgord et en Charente au nord, en bas Quercy au nord-est et au Pays Basque et au Béarn au sud). Dans la Grande Lande, où la petite polyculture vivrière et l'élevage ovin avaient longtemps dominé‚ avant le développement de la pinède (pignada) dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la forme la plus courante de l'exploitation agro-pastorale était la métairie, maison à nef et bas-côtés caractéristique, vaste bloc rectangulaire en profondeur, sans étage, en pan de bois et torchis, sous un toit à deux versants faiblement inclinés et couverts en tuiles-canal, avec une façade en pignon. La structure porteuse est une charpente de couples de poteaux supportant des fermettes. La façade, tournée vers le Levant, abrite un portique ou auvent central (estantade) (1), qui bénéficie du soleil le matin, tandis que le pignon arrière, exposé aux pluies de l'Atlantique, s'abrite souvent sous une croupe (« queue de pigeon »). Selon la nature des occupants – un ou deux métayers (bourdilé), un seul métayer plus le propriétaire ou « maître » – la nef était occupée par une grande salle unique ou bien adossée à une deuxième salle, les bas-côtés abritant une « souillarde », des chambres, un débarras, parfois une étable (boujalet) pour une paire de bœufs de travail ou d'embouche. L'espace sous comble servait de grenier. Ces métairies furent construites, pour les plus anciennes entre 1750 et 1800, pour les plus récentes entre 1800 et 1850, par des notables ruraux ou urbains, sur le modèle des maisons qu'eux-mêmes habitaient dans les bourgs.
Dans les Petites Landes (est du département), de tripartite le plan est devenu ultérieurement bipartite, un mur de refend étant construit à l'aplomb du faîtage. Ce réaménagement tardif a permis l'adjonction d'un boujalet sur le côté de la salle commune, d'où l'on pouvait gaver la paire de bœufs à travers une double ouverture (estaoulis) réservée dans le gouttereau. Région d'extrême dispersion de l'habitat, les Landes étaient caractérisées par l'implantation et la dissémination de plusieurs métairies et de leurs dépendances à la surface d'une vaste pelouse plantée de chênes et dépourvue de clôtures et de haies : c'est l' « airial », autrefois espace de circulation entre les bâtiments, zone de pacage pour les ovins, de préparation de la litière des bêtes et du fumier (soutrage), de dépiquage du seigle, etc. Les bâtiments d'exploitation disséminés sur l'« airial » étaient les bergeries ou « parcs », également à structure tripartite, les écuries-charreteries, à file de poteaux de faîte, les « bordes », hautes bâtières à abside couvertes de chaume, à usage de bergerie, d'étable et de remise, les poulaillers perchés, les fours à pains, les loges à porcs, le puits à balancier. « Parcs » et « bordes » se retrouvaient aussi sur les parcours à ovins.
En Chalosse, aux confins du département des Pyrénées-Atlantiques,
la métairie à nef et bas-côtés est également le type dominant, non
sans présenter toutefois quelques différences :
Dans le Gers, la maison tripartite, si elle n'est plus le type dominant, est encore repérable autour des villes de l'est du département. Les exemples en sont en pierre et pan de bois. Enfin, le type architectural est aussi observable dans les Landes du Médoc et de la Gironde sous la forme de bergeries, et dans le Lot-et-Garonne sous la forme de vastes granges à auvent en pignon ou à galerie latérale.
La maison à nef et
bas-côtés des Landes, improprement baptisée « maison
landaise », coexiste toutefois avec d'autres types architecturaux mis
à la mode assez tardivement (2e moitié du XIXe
siècle); ainsi, dans le Pays de Born (sur le littoral) : Le modèle architectural urbain
se retrouve dans la Gironde viticole, où il s'est conjugué selon les
différents niveaux de la hiérachie socio-professionnelle du vin, avec
pour matériaux la pierre et la tuile-canal : Les modèles urbains dominent dans la
Gascogne gersoise, où ils sont très tardifs. Leur originalité vient
de leur articulation avec les dépendances : On mentionnera, pour finir, aux confins du Lot-et-Garonne et de la Dordogne, un isolat de maisons bâties par empilage, sur la tranche, d'épais madriers sciés, petits rectangles sans étage, à façade en gouttereau sous toit surbaissé de tuiles-canal ou toit aigu en tuiles plates, dont l'origine reste incertaine (maisons de défricheurs du XVIIe siècle, maisons plus tardives de bûcherons ou de scieurs de long ?).
NOTE (1) Le terme « estantade » désigne l'ensemble des « estan », poteaux de bois de l'auvent s'ouvrant au centre du pignon-façade des anciennes métairies de la Grande Lande. C'est le participe passé substantivé du verbe « estanta » (étayer). Dans les Petites Landes, le terme « emban » (auvent) était employé. Source : Dictionnaire gascon-français de Pierre Méaule (Escource 1894-1992), p. 280). BIBLIOGRAPHIE BIDART, Pierre, COLLOMB, Gérard, 1984, Pays aquitains, L'Architecture rurale française, corpus des genres, des types et des variantes (Paris: Berger-Levrault) CAYLA, Alfred, 1977, Architecture paysanne de Guyenne et Gascogne (Ivry: SERG) LASSURE, Christian, 1981, 'Les maisons rurales du Gers aux XVIIIe et XIXe siècles : modèles bourgeois et modèles paysans', in L'Architecture Vernaculaire, vol. 5, pp. 46-51 (Paris: CERAV) TOULGOUAT, Pierre, 1977, La maison de l'ancienne Lande (Pau: Marrimpouey Jeune) © CERAV Référence à citer : Christian Lassure page d'accueil sommaire architecture vernaculaire
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