GÉOLOGIE ET CABANES EN PIERRE SÈCHE Geology and dry stone huts Christian Lassure
Selon Albert Dupont, presque toutes les formations géologiques sont susceptibles de se prêter à la construction de cabanes en pierre sèche. Ni le débitage des pierres (donnant parfois des blocs polyédriques ou aux formes incurvées), ni leur dureté n'ont rebuté les bâtisseurs : ces derniers ont toujours su tirer parti des roches qu'ils avaient arrachées au sol. 1. En maçonnerie à pierre sèche, tout est bon : l'exemple de la Montagne Noire dans l'Aude A titre d'exemple, l'auteur donne les différents faciès du versant audois de la Montagne Noire où il a trouvé des édifices : 1/ dans les terrains anciens : - le granite (Massif de Brousses), 2/ dans les terrains sédimentaires (Eocène) : - les calcaires lacustres du Thanétien, Source : Albert Dupont, Travaux de restauration de cabanes en pierres sèche sur le versant audois de la Montagne Noire, dans L'architecture vernaculaire, t. 20, 1996, pp. 118-129, en part. pp. 124 et 129. 2. Les matériaux les plus représentés dans la construction à pierres sèches Pour l'ensemble de la France, les matériaux les plus représentés dans la construction à pierres sèches sont le calcaire, le grès, le schiste et le basalte.
2.1 Le calcaire Le calcaire est le matériau le plus fréquemment rencontré, simplement en raison de l'étendue des zones calcaires en France. Caractéristiques La diversité des faciès géologiques du calcaire se traduit - non seulement par une diversité des formes sous lesquelles il se débite dans ses strates de surface : blocs et moellons réguliers (parallélépipèdes cubiques ou rectangles), blocs et moellons irréguliers, plaquettes (ou lauses),
- mais aussi par une dureté variable (on trouve ainsi, dans le seul département du Gard, des calcaires coquilliers tendres dans les régions de Sommières et d'Uzès mais un calcaire dur et cassant dans la région de Nîmes). Les calcaires tendres, disposés en lits peu épais, se débitent sous forme de lauses, les calcaires marneux et gréseux, disposés en bancs épais, se débitent en blocs plus ou moins volumineux. Cependant, certains calcaires, très friables, se prêtent mal à une exploitation à sec. C'est le cas des calcaires marneux comportant une faible proportion d'argile : les pierres voient leurs surfaces les plus exposées s'effriter par thermoclastisme. Exemples d'emploi En Provence, les couches de surface de la molasse burdigalienne se délitent facilement en éclats plus ou moins réguliers, pouvant être dégrossis à la martelette pour utilisation dans les appareillages, voire retaillés pour emploi dans les parties élaborées ou sensibles des édifices : chaînes d'angle, piédroits, linteau. Dans la partie centrale de la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), entre 1100 et 1350 m d'altitude, les voûtes clavées en berceau ou les successions de coupoles encorbellées des bergeries, tirent leur matériau des affleurements rocheux du Barrémien supérieur, lesquels se délitent en plaquettes et écailles. Les gisements sont visibles sous la forme de petites excavations à côté des bâtiments. On y débitait de longues dalles atteignant jusqu'à 1,20 m pour des parements de 10 x 10 cm. Par contre, les lauses des couvertures ont été acheminées sur place depuis la partie supérieure du massif, entre 1400 m et le sommet, où règne l'étage géologique du Barrémien inférieur. A Fitou (Aude), le calcaire superficiel se débite en blocs très irréguliers (calcaire d'époque mésozoïque, allant du Trias au Crétacé inférieur), d'une mise en œuvre difficile, d'où le recours, par les constructeurs, à des arcs de moellons pour la voûte (arceaux juxtaposés) et pour le couvrement de l'entrée.
A Nîmes (Gard), le calcaire superficiel donne des dalles minces, dures mais cassantes, peu aptes à servir de linteaux. Les bâtisseurs ont tourné la difficulté en protégeant ces dalles de la rupture au moyen de divers procédés de décharge.
2.2 Le grès Caractéristiques En tant que matériau de construction à sec, le grès présente un inconvénient : ses moellons ont tendance à évoluer vers des formes proches de celles du galet car leurs angles s'émoussent facilement sous l'action du vent et du gel. Le grès est à éviter pour la confection du linteau sinon celui-ci en s'effritant, risquerait de casser un jour ou l'autre. Il vaut mieux affecter un bloc calcaire à cet usage. Par contre, dans les piédroits de l'entrée, la pose de quelques blocs de grès équarris, voire taillés, a son intérêt : pouvant être percés, ils seront en mesure de recevoir les gonds d'une éventuelle porte en bois. Exemples d'emploi Des cabanes en grès sont signalées dans divers départements : Dordogne, Ardèche, Hérault, Aveyron. François Poujardieu mentionne une cabane édifiée en grès hématisé à Fongalop (Dordogne), à l'exception toutefois de ses lauses de couverture, en calcaire santonien. Michel Rouvière signale des cabanes bâties en grès rubéfié (dur et compact) du Permo-Trias dans la région des Vans et de Vinezac (Ardèche). Ce grès donne, en surface, des plaques délitables de faible épaisseur qui font de solides lauses.
André Cablat recense des cabanes en grès dans l'Hérault à Saint-Pargoire (Gignacois), à Soubès et à Poujols (Lodévois), ainsi qu'à Saint-Jean-de-la-Blaquière où la maçonnerie en grès rouges (ou ruffes) des cabanes de vignerons est égayée par des blocs de grès blanc.
Bernard Monestier signale que, dans les grandes et belles caselles calcaires du Causse Rouge dans l'Aveyron, il a été fait appel à de grosses pierres de grès taillées pour les encadrements d'ouvertures (entrées, fenêtres) et, dans le cas de bâtisses quadrangulaires, pour les chaînes d'angle. Ces pierres de grès proviennent des Monts du Lévézou proches ou ont été récupérées sur des constructions anciennes en ruine. 2.3 Le schiste Caractéristiques Le schiste est une roche qui se délite aisément en plaquettes ou feuillets d'épaisseurs et de longueurs diverses, faciles à mettre en œuvre. Ces éléments cependant sont sensibles aux agressions climatiques, en particulier le gel qui va les fendre. Ils constituent donc un médiocre matériau. Les schistes feuilletés se prêtent mal au ragrément des saillies car ils tendent à se fendre longitudinalement. Certains schistes très compacts donnent, moyennant un ébauchage au marteau, de véritables moellons. Exemples d'emploi L'emploi du schiste dans des ouvrages en pierre sèche est attesté dans les massifs cristallins de la Provence, dans les Cévennes schisteuses, dans le piémont de la Montagne Noire, dans les Hautes Corbières, dans les Albères. 2.4 Le basalte Ce matériau d'origine volcanique figure également parmi les matériaux ayant servi à bâtir des cabanes de pierre sèche mais il est loin d'être aussi répandu dans cet usage que le calcaire et, à un degré moindre, le grès ou le schiste. Caractéristiques C'est un matériau non pas d'épierrement proprement dit mais de dérochement; c'est-à-dire issu du décollement ou de l'éclatement de la roche superficielle en vue de la création de parcelles agricoles. Exemples d'emploi A Vals-près-le-Puy (Haute-Loire), le parement intérieur et la voûte des tsabones ont été construits en dalles et lauses assez larges, peu épaisses, tandis que des blocs et des moellons irréguliers étaient réservés au parement extérieur et à leur couverture.
Sur le Plateau de l'Auverne (Hérault) et à sa périphérie (Nébian, Clermont-L'Hérault, La Coste et Octon), des cabanes sont édifiées en moellons, dalles et blocs de basalte; les moellons, généralement arrondis (d'où leur nom de bombes) mais aussi parfois parallélépipédiques, servent à monter les murs, les dalles sont réservées aux voûtes et les grands blocs font fonction de linteaux; quant aux pierres de petit calibre, celles sans forme définie sont employées au remplissage intérieur des murs, celles de forme aplatie sont affectées au calage des gros blocs et au bouchage des interstices.
On note qu'à Vals, pour les encadrements de l'entrée, ce sont des blocs de brèche basaltique, plus rarement de ponce volcanique, qui ont été retenus car pouvant être façonnés. 3. Autres matériaux 3.1 Le gneiss Le gneiss est employé comme matériau dans la Montagne Noire (Aude), dans le Fenollède (Pyrénées-Orientales). Il donne des plaquettes rappelant celles du schiste mais aussi des pierres aux formes irrégulières. 3.2 Le granite En tant que matériau de construction à sec, le granite se rencontre dans certaines parties du Massif Central, des Pyrénées et de la Bretagne. Il a été obtenu par un débitage à la masse, au pic, plus rarement à la poudre. Il permet de monter des murs de soutènement de grande stabilité, ayant un fruit moins marqué que ses homologues en calcaire ou en schiste. 3.3 Les marnes Ces roches sédimentaires sont peu utilisées dans la construction en pierre sèche car trop tendres et friables. 3.4 Le tuf Ce n'est pas un matériau courant. Un exemple de cabane en tuf est signalé à Soubès dans l'Hérault. 3.5 Les galets S'il arrive de rencontrer, en bas de versants proches d'une rivière, des murs de terrasses de culture en gros galets, ce matériau est exclu, pour des raisons évidentes de morphologie, de la construction de cabanes voûtées à pierres sèches. Faute d'angles vifs, il ne peut s'accommoder que d'un liant.
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