« LES TROIS SOLDATS » À GORDES (VAUCLUSE) "The Three Soldiers" at Gordes, Vaucluse Texte de Christian Lassure, photo de Jean Laffitte
À notre connaissance, l'ethnologue provençal Pierre Martel est le premier à avoir signalé l'existence de ce pittoresque ensemble situé sur la commune de Gordes, en bordure de la D. 2 entre Cavaillon et Saint-Saturnin-lès-Apt (Vaucluse). Il en attribue la paternité à « un certain Imbert, dit lou Dôle (Isidore probablement) », un siècle plus tôt, soit sous le Second Empire, l'auteur écrivant en 1967. Cependant, le site était loin d'être inconnu puisque des cartes postales des années 1950-1960 (en noir et blanc et aux bords chantournés) le représentaient déjà. L'ensemble se trouve en bordure d'un flanc de colline anciennement aménagé en larges terrasses de culture, face au Sud. La bâtisse centrale avance légèrement par rapport aux deux autres, auxquelles elle est rattachée par un petit mur. Nous ignorons l'origine du surnom populaire « Les trois soldats » (ce pourrait-être tout aussi bien « les trois vigies »), mais à l'évidence le « soldat » du milieu n'a pas le même grade que les deux autres : à en juger d'après la forme et les aménagements fonctionnels, le bâtiment central est un abri de paysan tandis que les bâtiments qui l'encadrent sont des pigeonniers. Si les édifices ont tous le même plan circulaire (diamètre intérieur : 1,70 m, 1,90 m, 1,90 m de droite à gauche), les élévations diffèrent : cylindre surmonté d'une ogive ramassée pour l'abri paysan (haut. ext. : 3,05 m, épis non compris), cylindre surmonté d'un cône élancé pour les pigeonniers (haut. ext. : 3,40 m, épi non compris). Entre cylindre et ogive ou cône, aucun hiatus, le passage se faisant insensiblement de l'un à l'autre. Un épi taillé en forme de pion de jeu d'échecs vient coiffer chaque édifice. Il n'en fut pas toujours ainsi : proies tentantes pour les amateurs de sculptures rustiques, ils ont dû être remplacés à la suite d'un vol. Pour la construction, le bâtisseur a fait appel à plusieurs types de matériau : pierres calcaires plates pour les parois verticales et le revêtement des couvrements, pierres de taille en molasse calcaire (sans doute de récupération) pour les piédroits du pigeonnier, grandes dalles plates pour les linteaux. Le linteau de la cabane, n'étant pas déchargé, a été choisi beaucoup plus épais que les linteaux des pigeonniers. Les côtés de l'entrée sont confectionnés en pierres plates et beurrés avec du mortier. Les deux pigeonniers sont aisément reconnaissables à leur dispositif d'envol au-dessus du linteau de l'entrée : au fond d'un vide rectangulaire, une dalle en molasse calcaire posée de chant est percée de deux trous au carré pour le passage des volatiles. Le pigeonnier de droite est muni d'une porte en bois grillagée. S'il est certain que nos « trois soldats » sont de la même main – nous avons le témoignage de Pierre Martel, corroboré par la facture identique des trois bâtisses –, les informations manquent quant à la nature du premier bâtiment à avoir vu le jour : logiquement, ce doit être la cabane paysanne, élément indispensable pour pouvoir travailler sur place et entreposer des outils. Mais c'est là un détail. Par sa qualité d'exécution, sa composition symétrique et sa fonctionnalité bien pensée, l'ensemble a tout ce qu'il faut pour être un des hauts lieux de l'architecture de pierre sèche de la Provence.
Sources :
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