L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE Christian Lassure PÉRIGORD S'étendant du Limousin à l'Aquitaine, l'ancienne province du Périgord correspond au département de la Dordogne. Ses diverses régions naturelles n'ont pas de maison rurale individualisée, les mêmes types de plan se retrouvant d'une région à l'autre; seuls les matériaux et les aspects extérieurs se différencient. Pour les maçonneries : granite dans le Nontronnais, calcaire tendre dans le Ribéracois et le Périgord central, grès et schiste dans le nord-est du département, pan de bois dans la Double et le Landais, etc. Pour les couvertures : ardoises dans l'est du département, lauses dans le Sarladais, tuiles-canal dans le Périgord Blanc, etc. Encore ne s'agit-il que de la prédominance d'un matériau par rapport à d'autres : ainsi, la tuile plate à crochet est présente, elle aussi, dans ces trois dernières régions. De même, dans la Double et le Landais, de la pierre a été importée des régions voisines. La majorité des maisons rurales visibles dans le Périgord ont été construites ou reconstruites entre 1750 et 1900. Elles reflètent, dans leur typologie, la composition socio-économique de la population rurale et son évolution durant cette période. En bas de l'échelle, on trouve la « borderie » du paysan sans terre, petite maison rectangulaire à pièce unique, isolée sur un lopin loué à un gros propriétaire en échange de journées de travail. Elle n'a aucun bâtiment d'exploitation, le « bordier » cultivant la pièce de terre avec les instruments et les attelages du propriétaire. L'échelon supérieur est occupé par la métairie du locataire à mi-fruits d'une exploitation de 5 à 10 ha, « longère » à pièce d'habitation augmentée d'une étable ou d'une grange-étable sous un seul et même toit. Toutes les ouvertures donnent du même long côté et il n'y a pas de communication intérieure. Plus rarement, au sud-ouest du département, la métairie se conforme à un autre type, celui de la maison à nef et bas-côtés, aux ouvertures en pignon, sous un auvent. À la nef, les fonctions d'aire à battre, de grange, de chai; aux bas-côtés, les fonctions d'habitation des hommes et des bêtes.
Au niveau immédiatement supérieur, on trouve la maison du petit polyculteur ou du petit vigneron, la maison à étage ou salle haute superposant rez-de-chaussée utilitaire et salle à vivre. On accède à l'étage par un escalier extérieur et un palier, parfois couverts d'une avancée du toit soutenue ou non par des poteaux ou des piliers (le bolet). Le rez-de-chaussée sert de réserve, de cellier, plus rarement d'étable. Les artisans et les commerçants des villages et des bourgs ont eux aussi ce type de maison : le bas sert alors d'atelier ou de boutique. Avec d'autres bâtiments (grange-étable, fournil, porcherie, etc.), cette maison forme une cour ouverte ou fermée.
Bien représentée dans le Périgord Noir, la salle haute se rencontre également dans d'autres régions périgourdines, en particulier dans les zones de vignobles. La maison du gros propriétaire ou « maison de maître », relève, dans son plan et sa forme, de l'architecture urbaine : c'est une maison au plan à distribution axiale et à la façade à ordonnance symétrique, généralement à un ou deux étages. Lorsqu'il n'est pas exploité directement par le propriétaire, le domaine est affermé, d'où la présence, à proximité immédiate, de bâtiments agricoles et de logements pour le fermier.
HAUT QUERCY S'étendant, comme le Périgord, du Massif Central à l'Aquitaine, le Quercy est divisé traditionnellement en haut Quercy (centre : Cahors), et bas Quercy (centre : Montauban). C'est du seul haut Quercy, aujourd'hui département du Lot, dont il est question ici. Selon la région naturelle, on note la prédominance de tel ou tel matériau de maçonnerie ou de couverture (maçonneries en pierres calcaires sur les Causses, en plaques de schiste et blocs de granite dans la Châtaigneraie, etc.; couvertures en lauses sur les Causses, en tuiles plates à crochet au nord de la rivière Lot, en tuiles-canal au sud de la rivière Lot, en ardoises au nord de la rivière Dordogne, etc.), de telle ou telle pente de toit (forte pente au nord de la rivière Lot, faible pente dans le sud du département, toit à la Mansart dans le Limargue), mais sans qu'il y ait là une quelconque exclusivité. Les millésimes relevés sur les bâtiments s'échelonnent depuis 1730 jusqu'en 1914, avec une fréquence maximale entre 1840 et 1890.
Comme dans le Périgord, le paysan sans terre louant ses bras chez les autres (le brassié) vit dans une simple pièce rectangulaire, tandis que le journalier ayant un petit lopin, le métayer (plus rare cependant que dans le Périgord) et le petit propriétaire habitent une longère regroupant longitudinalement ou perpendiculairement pièce d'habitation et locaux d'exploitation. Enfin, le paysan moyen (le pagès) possédant terre et instruments de travail mais surtout le petit vigneron, habitent une salle sur rez-de-chaussée. Celle-ci comporte une vaste cheminée avec niches de rangement et cendrier (le « potager ») pour cuisiner sur les braises. Les sièges disposés de part et d'autre forment un coin-foyer (le cantou). Sur un des côtés longs, un renfoncement voûté formant extérieurement avant-corps (la « souillarde ») abrite pierre d'évier et banquettes de pierre pour poser les récipients.
Un élément caractéristique de la maison à étage vigneronne est le pigeonnier-tourelle construit en bout de galerie, aux proportions parfois monumentales, dont les hôtes fournissent un engrais recherché, la « colombine ». Hormis le causse au nord de la rivière Dordogne où elle est rare, la maison à étage est courante partout mais avec des différences dans la morphologie extérieure (présence ou absence de pigeonnier-tourelle, poteaux en bois ou piliers en pierre pour la galerie, etc.). Elle est très répandue dans l'aire de l'ancien vignoble cadurcien. On a voulu faire de ce type la maison quercinoise par excellence : les statistiques infirment cette assertion. En 1862, l'Annuaire du Lot précise que sur 70 186 maisons rurales recensées, 31 862 ont un rez-de-chaussée et un étage contre 34 447 qui n'ont qu'un rez-de-chaussée. Un type d'architecture populaire répandu sur les causses périgourdins et quercinois est constitué par les cabanes de pierre sèche, chabanos en Dordogne, cabanos et casèlos dans le Lot : guérites de défricheurs (gariotos, cabanes de vignerons, bergeries, poulaillers (galinièros), etc., pour la plupart, mais aussi, pour certaines, habitations d'indigents ou habitations provisoires avant la construction d'une maison.
BIBLIOGRAPHIE CAYLA Alfred, 1979, Habitat et vie paysanne en Quercy (Paris: Garnier Frères) FENELON Paul, 1969, 'La maison rurale périgourdine', in Norois, vol. 16, pp. 265-298 LASSURE Christian (ed.), 1986, Architectures, techniques et arts populaires en Périgord (Paris: CERAV) SIMON Jean-Paul, 1991, L'architecture paysanne en Périgord et sa restauration; introduction de Denis Soulié (Périgueux: Pierre Fanlac) © CERAV À référencer comme suit :
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