RECENSION 29 / REVIEW 29 ARCHITECTURE PRÉHISTORIQUE : ESSAI SUR LES PROCESSUS DE DÉGRADATION Parution initiale dans L'Architecture vernaculaire, tome 18, 1994 Gaston-Bernard Arnal, Architecture préhistorique : essai sur les processus de dégradation, dans Archéologie en Languedoc, revue de la Fédération archéologique de l'Hérault, t. 17, 1993, pp. 66-81 (compte rendu / review : Christian Lassure). Dans cette étude des plus originales, le professeur Arnal analyse les processus de dégradation naturelle des constructions funéraires préhistoriques (menhirs, dolmens, tumulus), dont il a pu observer les effets sur un certain nombre de monuments languedociens. C'est une théorisation méticuleuse et exhaustive qui nous est livrée ici et qui ne manquera pas d'intéresser également le spécialiste des constructions en pierre sèche des époques historiques. En premier lieu sont rappelés les "agents de la dégradation" : Sont ensuite énumérés les différents types de déséquilibre ou mouvement imprimés au monument ou à un élément de celui-ci par les poussées latérales en fonction de l'horizontalité ou de la déclivité du sol et de l'ancrage total, partiel ou inexistant, de l'"élément solitaire" ou du "monument composite". Par "élément solitaire", Gaston-Bernard Arnal entend un monument comportant un article unique et ayant de ce fait une seule orientation. Plusieurs cas de figure sont détaillés : 1/ l'élément érigé d'une seule pièce, par exemple une dalle dans un tumulus soumise à différents mouvements 2/ l'élément couché d'une seule pièce : 3/ l'élément articulé fait de plusieurs pièces (par exemple le mur de pierre sèche) : 3a/ l'élément articulé à développement rectiligne : 3b/ l'élément articulé à développement courbe : 4/ l'élément articulé à développement latéral (par exemple le tumulus de pierres sans structure de soutien), s'étalant de façon centrifuge sur un sol horizontal ou de façon latérale sur un sol déclif. Par "structure composite", le professeur Arnal entend un monument résultant de l'assemblage de plusieurs éléments de différentes orientations et conservant son équilibre initial (ainsi le monument dolménique). Une "structure composite" est faite d'une enveloppe — "la composition secondaire" — qui subit les premières détériorations, et d'une ossature — "la composition primaire" — organisée autour d'un espace vide fonctionnel (du moins à l'origine, avant la constitution d'un dépôt anthropique ou d'un remplissage de sédiment provenant de la dégradation du tumulus). Deux types d'ossature sont identifiables : - celles à éléments rigides (table(s) recouvrant des parois ou des piliers délimitant côtés, porte et chevet) ; l'érosion de l'enveloppe, dégageant la table, augmente la pression de celle-ci sur les parois ou les piliers et transforme l'ossature en "château de cartes" qui s'effondre ; - celles à éléments articulés (suite de blocs ou mur de pierres sèches à parement externe retenant un blocage). Selon que l'on ait affaire à une élévation verticale ou à une élévation encorbellée, les effondrements obéiront à l'un des deux schémas vus à propos de de la paroi verticale de pierres sèches de même module soumise à déversement. Dans le cadre des élévations verticales, M. Arnal distingue : - la construction coiffée d'une toiture de lauses à double pente, où l'effondrement donne une masse plus grande au centre qu'à la périphérie et où les lauses au sol s'ordonnent selon une direction centripète (cf. fig. 15a) ; - la construction coiffée d'une couverture à une seule pente, où l'orientation des lauses au sol se définit en fonction de leur pendage d'origine (fig. 15b). Dans le cadre des élévations encorbellées, présentes en Préhistoire sous la forme de l'encorbellement total sur plan circulaire (le "tholos" dolménique) et sous celle de l'encorbellement partiel sur plan rectiligne (l'encorbellement total sur plan rectiligne n'apparaissant qu'à l'époque post-médiévale), M. Arnal décrit la structure en équilibre des chambres dolméniques du cairn de Barnenez en Plouezoc'h (Finistère), insistant sur le fait que la dégradation d'un seul corbeau d'une assise entraîne la désorganisation de l'ensemble. Il en profite pour faire un sort à la fable — toujours propagée par les fouilleurs du site chalcolthique d'Argelliers dans l'Hérault — des six "tholos" disposées à intervalles réguliers, en décrochement extérieur, sur le mur d'une enceinte en pierre sèche entourant des cabanes d'habitation. Le remplissage des petits édifices par un amas de dalles fines, différentes de celles du mur, le dôme formé par les pierres au sol, sont caractéristiques de l'effondrement d'un couvrement de lauses sur charpente. Cette partie de l'étude étant reprise dans le présent tome de L'Architecture vernaculaire sous le titre "Critique sur une interprétation équivoque. Etat de la question sur les substructions du site chalcolithique de Boussargues", nous ne nous la déflorerons pas davantage. Incontestablement, le professeur Arnal s'est engagé dans une voie de recherche insuffisamment frayée jusqu'ici, celle de l'étude des constructions en pierres sèches ruinées depuis les "tholos" préhistoriques jusqu'aux "capitelles" historiques. L'examen systématique des processus de dégradation auxquels ces dernières sont soumises, sera d'un utile secours pour la compréhension des vestiges des premières. Pour imprimer, passer en mode paysage © Christian Lassure - CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure, compte rendu de Gaston-Bernard Arnal, Architecture préhistorique : essai sur les processus de dégradation, dans Archéologie en Languedoc, revue de la Fédération archéologique de l'Hérault, t. 17, 1993, pp. 66-81 page d'accueil sommaire recensions
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