RECENSION 1 / REVIEW 1

BORIES

Parution initiale dans L'Architecture vernaculaire, tome 22, 1998

 

Eric Fannière (coordinateur), Bories, collection Luberon images et signes, Parc naturel régional du Luberon et Edisud, 1994, 189 p. (compte rendu : Christian Lassure).

Quand on voit le titre affligeant de l’ouvrage – Bories – et qu’on lit ensuite dans l’Introduction, sous la plume de Florence Dominique (chargée de mission au PNRL) que « Cet ouvrage n’a d’autre prétention que de familiariser le lecteur avec ce type de construction et de mettre en garde contre un certain nombre de propos jusqu’alors avancés, mais pas toujours vérifiés » (p. 9), on se prend à penser qu’il y a là un paradoxe, borie étant justement un de ces « propos pas toujours vérifiés » (et toujours pas vérifiés d’ailleurs).

Quand on lit, page 9, que « peu de recherches ont été consacrées aux bories et bien des mystères les entourent encore », alors que le livre est sorti en 1994, on se demande si Florence Dominique connaît bien la bibliographie sur le sujet. Sans doute la mission qui lui a été confiée n’allait-elle pas jusqu’à la lecture du supplément No 2 de L’Architecture vernaculaire, recensant et analysant, dès 1980, tous les écrits sur l’architecture en pierre sèche de la Provence !

La suite de l’ouvrage, un développement intitulé « architecture, histoire et ethnologie », commis par Marie-Christine Mansuy Chevalier-Drevon (historienne), n’est pas de nature à lever nos préventions. Si elle a pu puiser dans les 56 références que compte sa bibliographie, elle est loin d’avoir eu entre les mains l’ensemble des références disponibles sur le sujet, et en particulier tout ce que le CERAV a publié. Ce qui donne un texte reprenant de vieilles lunes (à commencer par l’emploi du terme pseudo-provençal borie, le caractère prétendument méditerranéen de la technique de voûtement par encorbellement, l’emploi erroné de la désignation « fausse voûte » pour ce type de voûtement, etc.).

Si Mme Marie-Christine Mansuy Chevalier-Drevon avait lu la mise au point sur « la terminologie des édifices en pierre sèche de la Provence » publiée en 1979 dans la revue L’Architecture rurale, cela nous aurait peut-être évité le chapitre vague sinon évasif « Que signifie le terme borie ? ». Certes, elle cite l’abbé Gay qui, dans son Histoire du village, du château et du fort de Buoux (1866), parle de boris pour nommer ce que les paysans provençaux appellent cabanes ou cabanons. Encore faudrait-il ajouter que Gay a cru – à tort – que deux hameaux portant le toponyme « les boris » (c’est-à-dire les fermes), tiraient leur nom de la présence de vastes bergeries en pierre sèche en leur sein. C’est cette erreur métonymique, reprise par divers auteurs, qui a conduit à l’actuel borie, si gaillardement entériné aujourd’hui par le Parc naturel régional du Luberon et Edisud réunis.

L’illustration n’est pas en reste en matière d’à-peu-près et d’inexactitude. À la page 15, le « schéma explicatif de la technique de l’encorbellement » montre une voûte dont les pierres sont certes encorbellées mais ignorent toute inclinaison vers l’extérieur, contrairement à la règle. L’auteur a-t-il jamais observé la position exacte des pierres dans une voûte à moitié écroulée ? De même, à la page 35, l’auteur reprend la carte des zones à cabanes en pierre sèche publiée 16 ans plus tôt (en 1978) par notre Revue, sans se soucier de savoir s’il n’y a pas eu de réactualisation depuis. Pourtant, une nouvelle carte a été publiée dans le tome 11 (1987). Il est vrai qu’on chercherait en vain la référence de ce tome dans la « Bibliographie » de l’étude.

La 2e partie du livre – les planches-relevés (à savoir plans, croquis, texte descriptif) de 30 bories réalisées par deux élèves-architectes – ne déparent pas la 1re partie. La localisation précise des édifices n’est pas donnée, on peut toujours battre la campagne pour les trouver, ce qui, soit dit en passant, va à l’encontre du désir professé par ailleurs (p. 9) d’inviter le public à les découvrir.

La cabane circulaire à couvrement conique en retrait relevée à Caseneuve (pp. 81-84) est en fait une cabane truffière datée de 1770 (dont la monographie a déjà été publiée dans le tome 11 (1987) de L’Architecture vernaculaire. Nos dessinateurs en herbe n’ont pas vu le millésime gravé au-dessus du linteau, ni que le cône, revêtu d’un enduit de chaux, et la corniche, également crépie, au pourtour du cône, servaient tous deux à récupérer les eaux de ruissellement, conduites ensuite par un tuyau en zinc dans une grande citerne enterrée à l’extérieur.

La cabane des pp. 65-68 n’est autre que celle de la Baume d’Estellan, publiée en 1985 dans notre étude Eléments pour servir à la datation des constructions en pierre sèche : alors qu’elle est intérieurement de plan ovalaire dans notre relevé, elle se retrouve ici de plan circulaire ...

La Baume d'Estellan (Bonnieux) : cabane à l'entrée remarquable. © Christian Lassure

Pour conclure : le contenu est bien en rapport avec le titre.

Adresse où (l'on peut ne pas) se procurer l’ouvrage : Edisud, La Calade - 13090 AIX-EN-PROVENCE


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© CERAV

Référence à citer / To be referenced as :

Christian Lassure
compte rendu de Eric Fannière (coordinateur), Bories, collection Luberon images et signes, Parc naturel régional du Luberon et Edisud, 1994, 189 p.
http://www.pierreseche.com/recension_1.html

Parution initiale dans L'Architecture vernaculaire, tome 22, 1998

 

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