RECENSION 12 / REVIEW 12 LE VLLAGE DES BORIES À GORDES DANS LE VAUCLUSE Parution initiale dans L'Architecture rurale en pierre sèche, t. 1, 1977
Pierre Viala, Le village des bories à Gordes dans le Vaucluse, éd. « le village des bories », Gordes, 1976, 16 pages, 12 photos, 1 plan (compte rendu : Christian Lassure). Ce titre est celui d’une fort belle plaquette due à l’heureuse initiative de Monsieur Pierre Viala, de son métier exploitant agricole aux Savournins près de Gordes, mais, par passion pour l’architecture rurale en pierre sèche, restaurateur d’un des nombreux groupements de cabanes en pierre sèche des environs de Gordes. Mariant avec bonheur un texte instructif, un plan d’ensemble et des photos éloquentes, cet opuscule est destiné à guider les visiteurs du site que Monsieur Viala a restauré au prix de vingt ans d’effort et qui à présent abrite une collection d’objets usuels et d’outils traditionnels de la région de Gordes. Le « village des bories » n’est autre que le hameau dit Les Cabanes, situé à trois km à l’ouest de Gordes à vol d’oiseau, entre Gordes et le vallon de la Sénancole, et déjà décrit par d’autres auteurs (1). Il regroupe cinq ensembles de cabanes organisés autour de cours et constituant autant d’anciennes habitations saisonnières avec leurs dépendances (la liste de ces dernières comprenant : bergerie, cuve à vin et fouloir, chevrière, four, grange, grenier, magnanerie, resserre, soue). Dépourvu de cimetière et d’église, ce hameau est typique de l’habitat temporaire qui, dans les pays méditerranéens, venait doubler le village permanent et était lié aux travaux agricoles saisonniers (2). Le texte qui présente ce groupement débute par un rappel sommaire de la technique de la voûte en encorbellement et par une description de l’intérieur des cabanes d’habitation avec leur étage. Suit une tentative de datation s’appuyant sur la tradition orale (abandon du hameau il y a plus d’un siècle), la nature et l’âge des vestiges céramiques trouvés sur place (vaisselle de terre du Pays d’Apt des XVIIIe et XIXe siècles), les pièces de monnaies recueillies (lesquelles s’échelonnent de Louis XI – XVe siècle – à Louis XVI – XVIIIe siècle) et les opinions de la majorité des auteurs (les cabanes visibles actuellement ont été construites au XVIIIe siècle, « époque de grande activité et de renouveau agricole de la région »). Le spécialiste regrettera sans doute que le texte soit, à cet égard, par endroits quelque peu ambigu et pas assez net : le numéraire trouvé en surface, en dehors de tout contexte archéologique, est inutilisable comme élément de datation (il a fallu attendre le Second Empire, voire 1914, pour que les monnaies anciennes employées dans les campagnes françaises soient démonétisées), de même que la trouvaille, mentionnée au passage, d’une hache et d’anneaux de bronze sous un dallage et de silex taillés (des objets de bronze ne sont pas nécessairement de l’âge du bronze, des silex taillés ne sont pas nécessairement préhistoriques : le silex a été employé par les paysans comme pierre à briquet, pierre à fusil et même, au Moyen Âge, comme couteau) (3). Après cet essai de datation, l’auteur s’efforce de replacer le hameau dans son contexte agricole et économique : culture de céréales dans les champs en terrasses (ou restanques), associée à l’olivier, à l’amandier, au murier et à la vigne; truffe, plantes aromatiques, miel, polyculture typiquement méditerranéenne, nécessitant une présence saisonnière (et non point « sédentaire » comme il est dit) et à laquelle s’ajoutent l’élevage du vers à soie et le travail du cuir à façon, activités qui attestent une certaine ouverture (plutôt qu’une « économie fermée » comme cela est écrit). Une étymologie du terme borie est avancée : c’est celle, malheureusement fantaisiste, de F. N. Nicollet qui y voyait un terme ligure signifiant cavité (en fait, borie, équivalent français du languedocien borio désignant une ferme et du provençal bori désignant un mas, vient du médiéval boveria, boria, étable à bœufs puis exploitation cultivée avec une ou des paires de bœufs). L’auteur, toutefois, note très justement que le terme générique local de ce type de construction est tout simplement cabane. D’autres manifestations de l’architecture rurale en pierre sèche en France sont ensuite évoquées : chibottes, capitelles, orris. On suit plus difficilement l’auteur lorsqu’il évoque des bâtiments de pays étrangers à la fonction et à l’architecture tout à fait différentes : ainsi l’oratoire de Gallarus en Irlande (le rapprochement serait plus logique avec les booley huts, les cabanes et laiteries de transhumants de la péninsule de Dingle où se trouve l’oratoire) et les nuraghes de Sardaigne (laquelle a pourtant ses pinnette et barracas, demeures temporaires liées au semi-nomadisme). Pour conclure, Monsieur Viala fait part de son intention de faire du « village des bories » non seulement un centre de documentation « sur les bories et toutes les constructions de pierre sèche signalées en France et à travers le monde » (en plus d’un musée d’art et de traditions populaires locales), mais aussi un centre d’animation artistique. À cet égard, signalons qu’une « Association d’animation artistique et culturelle du village des bories » (4) a été créée en décembre 1976 et qu’à son programme pour l’été 1977 figurent plusieurs expositions (architecture, peinture, sculpture) et manifestations (musique, dance, poésie). Enfin, juste récompense des efforts de préservation de Monsieur Viala, signalons que le « village » est en instance de classement. NOTES 1- En particulier par Pierre Delaire dans Les boris du Pays d’Apt, dans La Vie Urbaine, Organe de l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris, nouvelle série, janvier-mars 1964, pp. 7-62, en part. pp. 47 et 49 et figs. 33 à 35. 2 - On consultera à cet égard Fernand Benoît, La Provence et le Comtat Venaissin, Paris, Gallimard, 1949, 5e édition, pp. 68-74. 3 - Sur ce délicat problème de la datation, on se reportera à notre étude « Éléments pour servir à la datation des constructions en pierre sèche », insérée dans le présent ouvrage. 4 - A.A.A.C.V.B., B.P. 11, 84220 GORDES. Cotisation annuelle 30 F. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure Parution initiale dans L'Architecture rurale en pierre sèche, t. 1, 1977 le « village des bories » en images en 1976-1978 the 1976-1978 "village des bories" in pictures
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