RECENSION 5 / REVIEW 5 ORRIS D'ARIÈGE Parution initiale dans L'Architecture vernaculaire, tome 22, 1998
Jean Besset, Orris dAriège. Itinéraires en pays dAuzat et du Vicdessos en Couserans et haute Ariège, Foix, 1995, 96 p. (compte rendu : Christian Lassure). Avec cette brochure à la présentation élégante et au format pratique (19,8 x 20 cm), M. Jean Besset nous livre un ouvrage double, comportant dune part une étude des vestiges de lancienne économie pastorale du haut Vicdessos, dautre part une série ditinéraires de découverte permettant de visiter les sites dorris dans la montagne ariégoise. Les vestiges architecturaux des orris son décrits à travers un exemple, celui de lorri de Riouffat dans la vallée de Soulcem : voies daccès, architecture, les différents bâtiments (la cabane dhabitation, le mazuc ou cave à fromages, le cabanat pour lâne, le parc ou enclos, la marga ou couloir de traite). Sont ensuite rappelées les activités pastorales liées à lorri. Les itinéraires proposés, assortis de cartes, ont pour but de faciliter laccès aux bâtisses encore debout ou restaurées ces dernières années. Ils seront nul doute appréciés des randonneurs amateurs de beaux paysages. Sachant que les quelques données disponibles jusquici sur les orris ariégeois provenaient de sources disparates (principalement M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, 1956; J. Dangerma, Il était une chapelle au fond dune vallée, 1979; volume Midi toulousain et pyrénéen du Corpus de larchitecture rurale française, 1979), on conçoit que cette brochure sera utile au spécialiste de la construction en pierre sèche soucieux de compléter sa documentation. Ceci dit, on peut émettre quelques réserves sur certaines affirmations dordre terminologique et architectural. Lappellation orri est systématiquement prise dans le sens de « construction en pierres sèches, sans liant, avec voûte en tas de charge (ou encorbellement) » (p. 11) alors quen réalité elle désigne, comme dans les Pyrénées-Orientales voisines, lensemble de linstallation destive. Paradoxalement, lauteur fournit les preuves que cest bien cette dernière acception qui est la bonne lorsquil explicite le sens de lexpression traditionnelle « faire lorri » : « 'faire lorri', cest vivre avec et pour le troupeau, en montagne, du mois de juin à fin septembre (...) »; « cest vivre à lorri, en soccupant des bêtes (...) »; « cest aussi surveiller et suivre le troupeau dans ses déplacements (...) »; « ce fut aussi, naguère, la marque et la tonte des troupeaux » (pp. 45 et 46) : à aucun moment, il nest dit que « faire lorri », cest construire une cabane dhabitation en pierre sèche. Mieux, lauteur reconnaît lui-même cette réalité lexicale lorsquil rapporte que le hameau destive du Soulcem « était communément appelé lorri » (p. 33). Une telle dérive métonymique était-elle donc véritablement nécessaire ? Létude architecturale des voûtements des édifices se limite à deux lignes où rien moins que quatre techniques différentes sont citées directement ou indirectement : « Le système de construction est 'la voûte en tas de charge' ou 'encorbellement', sans clé de voûte : la construction est 'auto-charpentée' ». Il se trouve que le « tas de charge » est un appareil propre à larchitecture savante, dont le surplomb nexiste que parce quil est compensé par un alignement des assises à la verticale du parement extérieur du support : cet alignement étant absent des cabanes, lexpression ne convient pas. L « encorbellement », quant à lui, nest quun des deux principes combinés permettant de construire une voûte en pierre sèche par encorbellement : il va de pair avec le principe de linclinaison des pierres de chaque assise vers lextérieur (ou dévers extérieur). Labsence de « clé de voûte » va de soi dans une voûte en pierres sèches encorbellées et inclinées vers l'extérieur, laquelle na rien à voir avec la voûte en pierres sèches clavées. Enfin, lexpression « auto-charpentée » est bien peu indiquée dans la mesure où les techniques de voûtement à pierres sèches sont à des lieues des techniques de charpenterie. Sans doute faut-il comprendre « auto-bloquée ». Lorigine de telles affirmations dans un ouvrage paru en 1995 séclaire lorsquon compulse la bibliographie sur laquelle il se conclut : à lévidence, lauteur est resté en dehors du mouvement de recherche, détude et de publication sur larchitecture de pierre sèche qui se poursuit depuis maintenant plus de deux décennies dans lhexagone. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure Parution initiale dans L'Architecture vernaculaire, tome 22, 1998
page d'accueil sommaire recensions
|