RECENSION 6 / REVIEW 6 LES CABANES D'AUBAIS (GARD) Parution initiale dans L'Architecture vernaculaire, tome 15, 1991
BOUET Claude, Les cabanes d'Aubais (Gard), polycopié, l'auteur, juin 1990, env. 50 p., nombreuses cartes et planches photos h. t. (compte rendu : Christian Lassure) Chaque annnée voit de nouveaux chercheurs apporter leur contribution à l'étude des cabanes en pierres sèches. À ces nouveaux venus, les publications du CERAV fournissent, depuis 1977, une base solide leur permettant d'éviter un certain nombre d'ornières où nombre de leurs prédécesseurs s'étaient embourbés. Encore faut-il pouvoir accéder aux dites publications, dont les premières en date et les plus fondamentales sont depuis longtemps introuvables, et par ailleurs éviter comme la peste le livre de Pierre Dessaulle, toujours édité (Les bories de Vaucluse). La lecture d'une monographie gardoise toute récente a inspiré à l'auteur du présent compte rendu un certain nombre de remarques susceptibles de servir de garde-fou aux chercheurs. Voici ces observations telles qu'elles nous sont venues à l'esprit en parcourant le livre de M. Bouet. On voudra bien excuser le caractère décousu de ces remarques. - Il conviendrait de ne pas « archéologiser » des vestiges qui appartiennent à l'histoire rurale des XVIIIe-XIXe siècles principalement. Rien ne permet de dater des XIIIe-XIVe siècles une quelconque cabane encore debout actuellement. - Il faut distinguer le mode de construction à pierre sèche, qui est vieux comme le monde, du phénomène des cabanes agricoles en pierres sèches qui, lui, est parfaitement historicisé. - Les cabanes agricoles en pierres sèches constituent un phénomène post-médiéval correspondant à l'extension des terres cultivées autour des villages et aux manifestations de l'individualisme agraire pendant le XIXe siècle (cf. les travaux du géographe Marres). L'étude de ce phénomène doit être dissociée de celle de l'évolution de l'habitation permanente de la préhistoire à nos jours. - Pour affirmer que les cabanes en pierres sèches d'aujourd'hui ont eu des ancêtres il y a 4 000 ans, il faudrait prouver une filiation ininterrompue sur 4 millénaires (pas moins) avec des jalons dûment identifiés et attestés (grâce à des fouilles probantes et à des recherches d'archives). - La cabane champêtre en pierres sèches en Languedoc est une construction individuelle temporaire, elle ne peut être comparée qu'à d'autres constructions individuelles temporaires dans le temps et dans l'espace. Les cabanes chalcolithiques, qui sont un habitat permanent et groupé, ne sauraient être comparées qu'à des hameaux ou des villages permanents à d'autres périodes et en d'autres endroits. - La proximité de sites préhistoriques d'une zone à cabanes de pierre sèche n'est pas un critère d'ancienneté (et a fortiori d'antiquité). - Les clapas ne sont pas automatiquement d'anciennes cabanes ruinées, ils peuvent être simplement des résidus d'épierrement et des réserves de pierres pour les paysans. - Pour construire à pierre sèche, il faut de la pierre provenant des strates superficielles du socle rocheux et, pour obtenir cette pierre, il faut avoir des piochons en fer et des barres à mine (à l'exemple des vignerons du XIXe siècle, grands épierreurs et constructeurs de guérites et de cabanes en pierre sèche). Les outils en fer ne se sont répandus dans les campagnes françaises que tardivement. Au Moyen Âge, les instruments aratoires, les outils agricoles étaient en bois durci au feu, avec des renforts en métal. - Les guérites, toujours associées à des murs de clôture, à des murailles et à des tas d'épierrement, sont le signe d'une conquête de terres, d'un défrichement et d'un défonçage du sol par des manœuvres pour le compte de riches propriétaires ou par des « accédants à la propriété ». Ces guérites-là n'ont pas besoin d'être remarquables architecturalement, servant seulement d'abris à ces personnes lors de la création de parcelles; par contre, les cabanes isolées, bien construites, sont le fait de propriétaires, de familles jouissant depuis longtemps de leur parcelle et voulant manifester leur individualisme et leur singularité dans un acte architectural. - Dans l'expression « fausse voûte d'encorbellement », « fausse » est erroné. Il n'y a ni « fausse » ni « vraie » voûtes d'encorbellement. Une « fausse voûte » est une construction en bois dont l'intrados est peint pour imiter une « vraie » voûte en pierres de taille. - La démarche desaullienne consiste à partir d'une hypothèse invérifiable pour aboutir à une autre hypothèse, elle-même invérifiable, et ainsi de suite, en transformant à chaque fois l'hypothèse précédente en réalité avérée, par un véritable acte de foi. Ceci dit, M. Bouet fait preuve d'un remarquable dynamisme pour sauvegarder et faire connaître les constructions de sa commune ainsi que l'attestent cette plaquette mais aussi un inventaire systématique, une exposition et des conférences.
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