L'ARCHITECTURE VERNACULAIRE

     
ISSN 2494-2413 TOME 36-37 2012-2013

Jean-Yves Dufour

ÉTUDE  DU  BÂTI  DE  L'AUBERGE  DU GRAND CERF À NEUILLY-SUR-MARNE (SEINE-SAINT-DENIS)

 

Résumé

Peu avant leur démolition, des relevés et observations ont pu être réalisés sur 900 m2 de bâtiment appartenant à l’auberge du Grand Cerf de Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis). Des sondages archéologiques réalisés dans le sol après démolition, complètent notre information. Dans un secteur villageois densément occupé depuis le XIIe siècle, une petite maison de plaisance est construite au cours de la seconde moitié du XVIIe siècle Vers le milieu du XVIIIe siècle, elle est agrandie et transformée en l’auberge du Grand Cerf. Ce vaste établissement comprend de nombreuses chambres, caves, écuries, granges, remises… ainsi qu’un lieu de restauration. À partir de 1780, l’auberge sert de relais de poste sur la grande route entre Paris et Lagny. À la fin du XIXe siècle, cet ensemble lié à la sociabilité collective traditionnelle, accueille le cinéma de la petite ville de Neuilly-sur-Marne.
L’étude réalisée décrit l’évolution du site, les volumes et la fonction des pièces, les matériaux utilisés. Les datations proposées s’appuient sur des documents d’archives (textes, plans et cartes postales), des datations dendrochronologiques et une bonne appréciation de la mise en œuvre régionale des matériaux.

Abstract

The demolition of the "Grand Cerf" inn at Neuilly-sur-Marne, Seine-Saint-Denis, has provided an opportunity to conduct a survey and analysis of a 900-square-metre complex of buildings. The data gathered in the process was supplemented by a number of archaeological explorations carried out after the buildings were razed to the ground. In an area of the village that had been densely populated since the 12th century, a small leisure residence was erected in the second half of the 17th century. The house was then enlarged and converted into an inn going by the name of “Grand Cerf” (great hart) around the middle of the 18th century. The inn contained a large number of bedrooms, cellars, stables, barns, storerooms as well as a restaurant. From 1780 onwards, the place was used also as a post house on the Paris-Lagny highway. A traditional venue of sociability, the complex came to host a cinema house at the end of the 19th century.
The present study describes the site’s evolution, the layout and uses of rooms, the building materials used. It suggests a number of datings drawing upon archives (texts, plans, postcards), dendrochronology and a sound knowledge of the ways materials were used locally.

 

Introduction

La rénovation de l’habitat de Neuilly-sur-Marne passe par la démolition du bâti ancien du quartier du centre ville quelque peu déserté. Neuilly-sur-Marne est située 10 km à l'est de Paris, dans le sud du département de la Seine-Saint-Denis. La commune de Neuilly est implantée sur la rive droite de la Marne. La ZAC Centre ville est localisée dans le quart sud-ouest du bourg ancien (Fig. 1).

Fig. 1 : Localisation de Neuilly-sur-Marne.

L’auberge du Grand cerf était accessible par le 58 de la rue Théophile Gaubert et par la rue du Docteur Peneau. Ce lieu de commerce traditionnel est localisé à 200 mètres de l’église (Fig. 2).

Fig. 2 : Localisation de l’auberge sur un extrait du cadastre napoléonien de 1819 (© Archives départementales de Seine-Saint-Denis et Mehdi Belarbi, Inrap).

La rue Théophile Gaubert correspond à l’ancienne rue de Paris qui traversait d’ouest en est le village. Tous les bâtiments au nord de la rue ont été remplacés par des immeubles dans les années 1970. Le côté sud de la rue est composé d’îlots anciens parmi lesquels de nombreux bâtiments témoignent du passé villageois de Neuilly-sur-Marne.

L’ancienne auberge du Grand Cerf présentait un escalier, des volumes et des éléments de charpente justifiant largement son étude, aussi a-t-elle bénéficiée d’une prescription d’étude du bâti avant démolition et d’un diagnostic archéologique standard au sol. Parce qu’ils appartenaient au même ensemble à fonction d’accueil et de détente, le bar-restaurant et l’ancien cinéma du village ont également été relevés, bien que plus récents que l’auberge à laquelle ils sont accolés.

L’étude de ce lieu traditionnel de sociabilité collective fut réalisée par deux personnes en une semaine de terrain au printemps 2011. Des sondages archéologiques au sol furent réalisés dans l’hiver de la même année.

État des connaissances avant l’opération

La maison traditionnelle francilienne est très mal connue. Deux grandes enquêtes nationales anciennement menées sur le sujet ont livré les plans de quelques exploitations paysannes [1].

Le champ d’étude de la maison paysanne, traditionnelle ou vernaculaire, comme on voudra la dénommer, a depuis les années 1970 été abandonné par les géographes et les ethnologues. Des croquis de façade ou des clichés ont toutefois été publiées par des architectes et des photographes.

La maison villageoise ou artisanale francilienne est largement inconnue. Si à la faveur de quelque inventaire après décès relativement riche, les historiens la décrivent parfois dans les monographies communales, à notre connaissance, aucune maison francilienne de boucher, ou de maréchal-ferrant, par exemple, n’est connue par une publication d’ensemble, réunissant plans, description interprétative, étude archivistique et éléments de datation crédibles. On comprend ainsi bien l’intérêt du travail réalisé sur l’auberge de Neuilly-sur-Marne.

Stratégie et méthodes mises en œuvre

Les quelques jours de terrain programmés à deux personnes ne permettaient en aucun cas de décroûter les murs pour observer le détail des phases de construction successives. Notre intervention légère, visait à documenter les lieux sous forme de plans, photographies, descriptions techniques et fonctionnelles. Ainsi, 900 m2 de bâtiment furent relevés et décrits (dans la mesure du possible) dans l’ensemble auberge-restaurant-cinéma.

Un temps relativement important fut consacré à la réalisation de relevés topographiques (plans, sections, etc.). Ces plans exécutés par une équipe de topographes de l’Inrap, équipe rompue à ce genre d’exercices, servent largement de support à notre discours archéologique.

Nos observations ont forcément un caractère superficiel. Elles s’appuient toutefois sur une bonne expérience de terrain des bâtiments de l’époque moderne, ainsi que sur de précieux relevés mettant en évidence des points de rupture ou de continuité dans la construction des bâtiments.

L’auberge ayant été démolie mi novembre 2011, un diagnostic au sol fut diligenté dans le même mois.

450 des 1380 m2, soit 32 % de la parcelle de l’auberge, ont été ouverts en phase diagnostic.

Les informations issues de ce diagnostic archéologique au sol apportent des informations complémentaires.

Fig. 3 : Les façades ouest et nord de l’auberge (© Relevé photogrammétrique Pascal Raymond, cliché Jean-Yves Dufour, Inrap).

I - État des lieux en 2011 (Fig. 3 et 4, 5 et 6)

 En 2011, le lieu autrefois dénommé auberge du Grand Cerf occupe un îlot parcellaire de 42 x 33 m, soit 1380 m2
au 58 de la rue Théophile Gaubert. Cet espace est marqué par les traces de quatre modes d’occupation spatialement distincts, tous conduits sur un axe nord-sud perpendiculaire à la rue.

Fig. 4 : plan du rez-de-chaussée de l’auberge du Grand Cerf à Neuilly-sur-Marne (© Jean-Yves Dufour, Mehdi Belarbi, Pascal Raymond, Inrap).

La parcelle la plus à l’ouest servait de garage pour automobiles jusque fin 2010. Cette activité qui prit place dans l’ancienne avant-cour de l’auberge, a largement fait table rase des vestiges antérieurs.

Le corps de logis principal de l’ancienne auberge était sous divisé en logements entretenus et également occupés jusqu’en 2009. Cet entretien régulier du lieu a détruit tous les sols anciens sans exception, et a recouvert tous les murs de nouveaux enduits et isolants. Le maintien « au gout du jour » de l’état des lieux a par contre mis à nu la majorité des boiseries et charpentes qui étaient certainement autrefois largement enduites.

Fig. 5 : plan du premier étage de l’auberge du Grand Cerf à Neuilly-sur-Marne (© Jean-Yves Dufour, Mehdi Belarbi, Pascal Raymond, Inrap)

Les logements de l’auberge étaient en relation directe avec les lieux de restauration situés sur son grand côté à l’est.

L’aménagement relativement récent d’un bar au rez-de-chaussée a détruit toute trace d’occupation ancienne en ces lieux. À l’étage, de maigres vestiges de grandes salles de restauration du XIXe siècle étaient visibles.

Enfin, dans l’angle nord-est de l’îlot, un cinéma déjà présent au début du XXe siècle est venu remplacer une construction traditionnelle sans doute liée à l’ancienne auberge.

Fig. 6 : plan du second étage de l’auberge du Grand Cerf à Neuilly-sur-Marne (© Jean-Yves Dufour, Mehdi Belarbi, Pascal Raymond, Inrap)

Ces diverses constructions ont toutes un pignon nord sur la rue principale. La moitié sud de la grande parcelle qui les réunit, se présente en 2011 sous la forme d’un terrain vague.

La rue du Docteur Peneau longe le côté oriental de l’îlot lié à l’auberge. Sur son côté Est, quatre chasse-roues enchâssés dans le mur gouttereau de l’habitation voisine [2] témoignent de la circulation des coches sortant de la cour de l’ancienne auberge.

Pour la description de l’auberge proprement dite, nous choisissons de présenter une proposition de phasage relatif des vestiges. Ce phasage reste ouvert à la critique.

2 - La phase ancienne de l’auberge (Fig. 7 et 8)

Parmi les bâtiments observé, un « noyau » résultant sans doute d’une phase originelle de la construction, semble pouvoir être individualisé en bordure de la rue Théophile Gaubert, ancienne rue principale du village, autrement appelée route de Paris.

Ce bâtiment ancien est perpendiculaire à la voirie, sur laquelle s’appuie son mur pignon nord.

Fig. 7 : plan proposé pour la maison originelle (© Jean-Yves Dufour, Mehdi Belarbi, Inrap).

Légèrement trapézoïdal, ce noyau ancien mesure 12 à 12,9 m de longueur pour 7,8 m de largeur hors-œuvre, et 11,25 x 6,6 m dans-œuvre ; cette dernière mesure parfaitement convertible en pieds (35 x 20 pieds = 700 pieds en carré) pourrait être la surface recherchée par les commanditaires.

Au rez-de-chaussée, les murs sont épais de 65 cm, soit 2 pieds.

Trois poutres maitresses conservées en place dans cette partie de l’auberge, suggèrent une division en trois travées de l’édifice originel.

Deux de ces poutres de chêne en bois-de-brin (section 35 x 35 cm) visibles au plafond du premier étage indiquent clairement des travées de 11 pieds de largeur. Le rez-de-chaussée très remanié ne permet aucune observation, mais un couloir d’accès aux caves, couloir aujourd’hui en entresol, a révélé un tronçon d’une troisième poutre maitresse, au même emplacement que l’une des deux poutres en place au premier étage.

Cette troisième poutre, autrefois au plafond du rez-de-chaussée, repose sur un solide pilier haut de 227 cm (soit 7 pieds) composé de beaux blocs de pierre de taille calcaire de 75 cm de côté par 31 à 34 cm de hauteur. Un corbeau au profil en talon droit assied la poutre au sommet du pilier (Fig. 9).

Ce pilier et cette poutre conservés dans leur jus ancien en entresol étaient recouverts d’une fine couche d’enduit de plâtre blanc. Cet habillage nous rappelle que dans le style dit briard, poutres et maçonneries ne sont jamais apparentes.

Fig. 9 : vue du pilier et de la poutre conservée en entresol (© Jean-Yves Dufour, Inrap)

Pour bien assoir cette solide maison de trois travées et deux étages, il est logique de restituer une armature d’autres piliers et/ou jambages en pierre de taille sur les quatre points d’assise de ces poutres. De forts chaînages d’angle sont également pressentis, mais rappelons le, aucun travail de dégarnissage n’a pu être entrepris sur les murs dans un si court délai d’étude.

Le pilier observé en entresol montre une face côté nord également enduite de plâtre. Le renfoncement large de 115 cm relevé au nord de ce pilier signale peut être un ancien accès positionné à 10 pieds de l’angle nord-est de la maison.

Deux portes et deux fenêtres complètement remaniées étaient visibles en 2011 au rez-de-chaussée du mur gouttereau ouest. Il est impossible de dire lesquelles de ces ouvertures étaient en place dès l’origine, mais la façade sur avant cour au soleil couchant en était certainement bien pourvue.

Une carte postale de la fin du XIXe siècle (Fig. 25) montre trois fenêtres dans le mur pignon nord. Une grande vitrine en verre destinée à ouvrir sur la rue l’espace commercial du garage installé au XXe siècle nous a privés de ces baies. Nous ne pensons toutefois pas qu’elles datent de l’état d’origine, le style briard étant particulièrement avare d’ouvertures sur rues.

Par ailleurs, au milieu des murs pignons nord et sud, deux chevêtres conservés au premier étage de l’habitation signalent l’emplacement de cheminées murales existant sans doute également dans le rez-de-chaussée d’origine.

L’accès à l’étage du bâtiment originel nous reste inconnu. Signalons toutefois les traces d’arrachement d’un escalier droit en bois, repérées sur le côté intérieur sud du mur gouttereau oriental. Un escalier à cet emplacement coïnciderait relativement bien avec la position excentrée de l’accès depuis l’extérieur supputé dans le tiers nord du même mur gouttereau Est.

La jonction auberge / restaurant, au travers du mur est de la maison ancienne, présente un minimum de quatre passages très remaniés, rhabillés, encombrés et noyés dans l’obscurité par la condamnation de l’édifice. Aussi la liaison entre ces deux parties de l’établissement est-elle certainement l’un des points les plus ardus et incompris de nos observations.

 Le premier étage du noyau ancien d’habitation ne nous informe de l’état d’origine que par la poutraison de son plafond : les deux poutres déjà mentionnées étaient sans doute dés l’origine prolongées de cloisons séparant 3 chambres éclairées par 3 fenêtres côté ouest. Les chambres accolées aux murs pignon étaient équipées de cheminées, la chambre du milieu apparemment pas.

Les poutres supportant le plafond étaient à nu lors de notre intervention : dans chaque travée, 17 à 19 solives de 18 cm de section sont espacées en moyenne de 25 cm. Nous sommes tentés de restituer une hauteur sous plafond de 230 cm (soit 7 pieds), bien que nous en ayons mesurée 240 cm. La disparition des sols et plafonds anciens expliquerait la différence.

 Le second et dernier étage nous donne peu d’informations sur l’état d’origine, si ce n’est une fois de plus par l’observation de la charpente. En son état de 2011, la toiture à double pans de cette partie de l’auberge repose sur une charpente en ferme de combles à surcroit. Cette charpente inclue toutefois les vestiges d’une armature plus ancienne. En effet, le tiers sud de la charpente montre deux poinçons espacés d’à peine 1 m. Le poinçon le plus au sud s’appuie sur un entrait reliant un demi-entrait et deux goussets. Deux longs coyers supports d’embranchements en arêtes de poissons, joignent les deux chevrons d’arêtier des angles sud du bâtiment. Une ancienne toiture à pan coupé est donc évidente côté sud (Fig. 8).

Fig. 8 : vue et croquis des éléments de la charpente d’origine (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Côté nord, seule une ferme de comble à surcroit est présente à l’aplomb du mur pignon nord.

Le dégarnissage partiel de ce mur nord a toutefois permis la découverte de deux tronçons de bois, interprétables comme les extrémités basses de deux pannes de croupes.

Nous sommes tentés d’attribuer ces vestiges d’une toiture à pans coupés à l’état ancien de l’auberge. Cette toiture pourrait avoir fonctionné avec les 3 grosses poutres observées au rez-de-chaussée et à l’étage.

Nous suggérons pour cet ensemble, une datation relative antérieure à la phase de l’auberge qui voit la construction du grand escalier.

Une cave est également associée à la phase ancienne de l’auberge. Elle est localisée sous la moitié nord du bâtiment (Fig. 7).

Elle mesure 5,5 m dans-œuvre du nord au sud (soit 17 pieds). Sa mesure d’est en ouest (5,5 m ?) est rendue incertaine par la reconstruction tardive en briques de son mur oriental.

On y accède en 2011 depuis le milieu du mur oriental, par un escalier à deux volées disposées en angle droit. Nous proposons d’envisager un accès d’origine depuis l’angle nord-est du bâtiment, par un escalier à degré tournant ouvert au nord. Dans le prolongement vers l’est de l’escalier, un mur de briques condamne un placard ou un ancien accès. En l’absence de fouilles, ou de travail plus approfondi, cette hypothèse ne peut être affirmée. La partie ancienne de l’escalier présente une voûte rampante (Fig. 10).

Fig. 10 : vue de l’accès à la cave (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Sur des murs de 70 cm de hauteur, la cave présente une voûte en anse de panier, recouverte d’un enduit de plâtre blanc. Cette cave est haute de 230 cm, soit 7 pieds. Les murs de la cave, tout comme le mur d’échiffre de l’escalier sont composés de moellons équarris de gypse, calcaire et de quelques grès, également enduits de plâtre. Deux jours lui donnaient de l’air et de la lumière depuis le nord et l’ouest.

Une ancienne cave

La principale découverte archéologique liée à l’histoire de l’auberge, est celle d’une cave non documentée par l’étude du bâti, mais apparue au décapage dans la tranchée 2 ouverte lors du diagnostic au sol.

Le mur arrière (côté est) de l’auberge (mur 23) est large de 70 cm, constitué de petits (15 à 20 cm de dimension moyenne) moellons de gypse et meulière liés par un plâtre gris clair [3]. Un parement de briques, liées au ciment, renforce ce mur dans un second temps (XIXe siècle ?).

Á l’ouest du mur 23, un remblai de sable jaune mêlé de plâtras, signale le comblement d’une pièce enterrée ou semi-enterrée.

Accolée à l’est du mur 23, une ventouse (F. 24) non comblée nous confirme la présence d’une cave sous la partie médiane de l’ancienne auberge (Fig. 11).

Fig. 11 : Vue de la ventouse F. 24, accolée à l’est du mur 23. (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Le fait 24 est composé d’un creusement quadrangulaire (u.s. 24.1) de 120 cm de côté, comblé de sable limoneux marron foncé avec d’abondants fragments de gypse, tuiles et plâtre. Un tesson datable du XVIe siècle est issu de ce comblement. Ce creusement carré et son comblement sont le puits de fondation pour une maçonnerie rectangulaire, appliquée dans-œuvre sur le côté ouest de la fosse.

Appuyée et ouverte sur le mur 23 (à l’ouest), la maçonnerie 24.2 se compose de trois parois disposées en U, parois épaisses de 20 cm, composée de petits (20 cm) moellons de gypse et de meulière liés par un épais plâtre gris [4]. Ces parois définissent un orifice rectangulaire de 45 x 50 cm de dimensions internes. Cet orifice maçonné n’était pas comblé jusqu’à une profondeur de 2m. Trop étroit et trop vertical pour apporter de la lumière à une ancienne cave, cet orifice était destiné au renouvellement de l’air. Le terme de ventouse nous est donné par les auteurs anciens pour ces bouches d’aération.

La liaison entre la cave sous la partie nord de l’auberge (observée en élévation), et celle découverte en sondage sous la partie sud, se faisait certainement par l’angle sud-est de la première cave.

Pour synthétiser, la phase ancienne du bâti observé, serait composée d’une maison à pignon sur rue, disposant de deux caves, de deux étages et couverte par une toiture à pan coupé. La datation dendrochronologique obtenue sur une des grosses poutres de l’étage, permet de proposer une mise en œuvre entre 1657 et 1680 pour la structure bois de cette maison ancienne (Cf. rapport synthétique de l’étude dendrochronologique [5]).

3 - L’agrandissement de l’auberge

Au cours de son évolution, le bâtiment étudié connaît une phase d’agrandissement et/ou de reconstruction très nette, qui font de lui l’auberge du Grand Cerf connue par les documents d’archives.

Un grand escalier, un porche d’accès et une aile de logement sont construit dans son prolongement sud. Des remaniements de l’ancienne maison et de nouvelles constructions sur son flanc est sont aussi pressentis.

3.1 - Le grand escalier

Un grand escalier est la construction la plus spectaculaire marquant le développement de l’auberge (Fig. 12).

Fig. 12 : profil de l’escalier (© Anne-Laure Dijoux, Mehdi Belarbi, Inrap).

Le nouvel escalier occupe tout le côté sud de l’ancienne maison. On y accédait depuis la cour à l’est, par le biais d’une porte dont plus rien ne subsistait en élévation en 2011. Cet accès, même détruit, nous suggère que la principale façade de l’auberge était située dans la cour intérieure, côté est.

Le mur pignon sud de l’ancienne maison constitue le mur de cage nord du nouvel escalier. 2,83 à 2,94 m le séparent du mur sud de la cage [6]. L’escalier relevé est de modèle rampe sur rampe à quatre volées droites, tournant à gauche.

Un vestibule de 7 m2 donne à gauche accès à un entresol de 8 m2 positionné sous le repos de l’escalier. Les parements observés dans cet entresol révèlent un mur de cage construit d’assises régulières de pierre de taille calcaire (26-33 x 10 à 24 cm), avec un joint maigre de plâtre blanc. Á 1m du sol, un soupirail haut et large de 70 cm apporte lumière et air à cet entresol sous l’escalier. Le noyau [7] des deux premières volées repose sur une poutre horizontale (section 19 x 13 cm) portée par un muret bahut [8].

Le vestibule donne à droite sur la première volée plus courte que les autres (7 marches). La première volée accède au seul repos de l’escalier. Signalons que les marches, repos et paliers de l’escalier sont revêtus de carreaux de sol récents et cimentés, qui nous privent de toute information sur le revêtement ancien. La seconde, la troisième et la quatrième volée sont constituées de 12 marches larges de 135 cm (4 pieds), hautes de 12 à 14 cm et gironnées de 28 cm. Les nez de marche peu usés et les revêtements cimentés récents indiquent que ces marches ne sont pas anciennes. Si elles remplacent des marches d’origine de mêmes dimensions, alors l’escalier est bien profilé pour un pas relativement confortable (pente entre 20 et 30 °).

La rampe en bois est haute [9] de 92-94 cm, composée d’un socle et d’un appui moulurés de simple façon. La rampe est ouvragée de balustres carrées en poire ; les panses et cols + ou – élancées donnent à chaque balustre un profil différent, parfois proche de l’amphore. Enfin, les têtes de rampe sont également ornementées d’une courte poire carénée et reversée dans leur partie supérieure, d’un appendice plus mouluré dans leur extrémité pendante.

Douze prélèvements ont été effectués dans l’escalier par Dendrotech à des fins de datation dendrochronologique : six balustres permettent de dater la mise en œuvre de l’escalier entre 1776 et 1789. Cette datation relativement tardive, va à l’encontre des hypothèses de datation du XVIIe siècle données localement pour l’auberge.

Le grand escalier est éclairé par deux baies (hauteur 195 x largeur 120 cm) coté ouest. L’emplacement d’une troisième baie (condamnée) sur le palier du premier étage témoigne d’une ouverture côté est.

La cage d’escalier est haute de 7,9 m, soit 4 toises. Elle est couronnée d’un pigeonnier, ou volet destiné à rehausser le prestige du maître de maison.

Le pigeonnier (Fig. 13)

En 2011, on accède au pigeonnier depuis le second étage de la partie ancienne de l’auberge, par un léger escalier de bois tout à fait récent. Nous ne savons pas s’il existait un autre accès plus ancien. Le pigeonnier a pour mesures internes 7 x 2,84 m, et 2,35 m de hauteur du sol (récent) au plafond. Il est caractérisé par une ouverture cintrée (largeur 48 x hauteur 52 cm) positionnée à même le sol, au travers du mur [10] ouest.

Fig. 13 : le pigeonnier (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

À 1 m du sol, sur le même mur ouest, au-dessus de la coulisse d’accès, une rangée de six boulins en plâtre est aménagée ; les niches sont construites en plâtre blanc [11], selon un plan rectangulaire irrégulier [12]. Le sol du boulin est devancé par un rebord en plâtre en position oblique, large de 10 à 12 cm et haut de 7-8 cm. L’ouverture des boulins dessine un arc en anse de panier [13]. Les parois verticales des boulins (14 à 16 cm de hauteur) supportent une voûte irrégulière, très grossièrement réalisée à la main.

Cette rangée de boulins est surmontée de cinq mangeoires ( ?) ou crèches ( ?) rectangulaires [14] à rebord également oblique.

Le dégarnissage des autres parois du pigeonnier n’a livré à notre attention qu’une petite moulure en plâtre positionnée à 120 cm de hauteur sur la paroi nord. A priori donc, aucun boulin ne se trouvait de ce côté. À 1 m de hauteur, la paroi sud est marquée d’un trait horizontal à l’encre bleu. Deux trous de 8 cm de diamètre indiquent que deux pièces en bois de section circulaire étaient fichées à 75 cm de hauteur dans la paroi sud ; faut-il y voir les scellements de supports pour étagères et/ou nids en osier ?

Haut de 4 pieds, le pigeonnier est plafonné et recouvert d’une charpente à ferme simple. Deux des trois poinçons observés supportent des épis de faitage récents en céramique rouge.

Discussion sur le pigeonnier

Les simples volières à pigeon sont bâties sur les maisons mêmes ou sur les granges. Dix huit manuels anciens nous indiquent que l’ouverture des pigeonniers se fait au sud, parfois au sud-est. L’ouverture observée plein ouest au Grand Cerf à de quoi surprendre. Le très faible nombre de boulins observés signale que le volet a certainement fonction de décoration, plus que de production réelle [15]. Ce que confirmerait la grossièreté de la construction des voûtes de boulins, leur irrégularité étant propice à la nidification de la vermine.

Selon le Dictionnaire d’architecture pratique de 1828, les volets ne sont pas sains : « Quand aux colombiers que l’on établit dans les combles de l’habitation même ou des bâtiments de la ferme, il n’en saurait exister de plus mauvais ; les rats y pullulent ; la température y est toujours extrême, brûlante en été et glaciale en hiver ; et les pigeons font tomber le plâtre des faîtières, dégradent les toitures, occasionnent des infiltrations et font pourrir les charpentes ». (François de Neufchateau, Dictionnaire d’agriculture pratique. I. Aucher-Eloi et V. de Boisjoslin Libraires-éditeurs, Paris, 1828 , p. 265).

L’absence de larmier ou cornière destinée à empêcher l’irruption des rats est également un indice nous invitant à penser, que cette volière est largement pastiche. Elle confère à l’auberge l’image d’une aisance et d’une rusticité qui devait plaire au voyageur urbain, mais ne fournissait guère de pigeonneaux au menu.

La faible usure des boulins et de la charpente, la présence d’un escalier contemporain et l’utilisation de plusieurs mesures appartenant au système métrique, nous suggèrent un âge pas très avancé de cette volière, datant sans doute du XIXe siècle

Le nouvel escalier dessert au nord les pièces de l’ancienne maison, et les chambres nouvellement créées dans ce que nous nommons par commodité l’extension au sud.

3.2 - L’extension sud de l’auberge

Au sud de l’escalier, une construction étend l’auberge de 6,8 m vers le sud. Large de 7,5 m, le nouveau bâtiment présente un mur gouttereau oriental parfaitement aligné dans l’axe du mur côté est de l’ancienne maison, alors que le mur gouttereau occidental est décalé de 6° par rapport à l’axe du mur ouest de l’escalier. Ceci tend à confirmer, que la principale façade était bien disposée sur la cour intérieure, côté oriental.

Une carte postale du début du XXe siècle nous explique le décrochement visible sur le mur gouttereau côté ouest (Fig. 14).

Fig. 14 : vue partielle de l’auberge du Grand Cerf depuis le sud-ouest : le pigeonnier et l’extension sud (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Au rez-de-chaussée

Le nouveau bâtiment est construit côté sud avec un retrait d’un pied par rapport à la façade occidentale de l’auberge. Un porche large de 3,6 m (11 pieds) signale un passage traversant de voitures le long du mur sud de l’escalier. Ce passage, haut de 3,8 m (2 toises) paraît bien encombré sur la carte postale. Sans doute n’est-il plus utilisé en ce début du XXe siècle

Á l’emplacement de ce porche, nos observations de terrain ont montré deux chambres en rez-de-chaussée, séparées par un mur de refend en béton. Une porte et une fenêtre larges d’1 m sont notées côté est.

Le porche est appuyé côté nord sur la cage d’escalier, côté sud sur un mur pignon large de 60-65 cm, composé de moellons de grès équarris [16] lié au plâtre blanc [17] et sur un mur de refend large de 60 cm.

Au sud du porche, l’angle sud-ouest de l’extension sud est occupé par une petite pièce de 2,3 x 1,5 m, haute de 2,6 m sous plafond lambrissé. Le sol de cette petite pièce est entièrement revêtu de pavés de grès (12 à 15 x 10 cm).

La faible surface de cette pièce, son pavement en dur, ainsi que la présence d’un jour destiné à renouveler l’air, signalent peut-être une ancienne soue pour l’engrais d’un cochon. Percée en son milieu, la porte de bois pourrait participer à l’idée d’une loge pour les porcs [18], mais son ouverture vers l’intérieur rend tout simplement son utilisation impossible si l’animal est couché derrière la porte. Pour cette raison, il est également difficile d’y voir la chambre du chien aperçu sur la carte postale ancienne (Fig. 14). Peut-être s’agissait-il d’une simple resserre à outils ou légumes. Le fourbi visible sur l’ancienne carte postale de part et d’autre de la porte peut participer à cette hypothèse.

Dans l’angle sud-est de l’extension de l’auberge, se trouve en 2011 une chambre de 9 m2, accessible par une porte large de 180 cm. Nous n’avons pas d’informations sur l’état ancien de cette pièce entièrement rénovée et plongée dans l’obscurité lors de notre intervention.

Les étages de l’extension sud de l’auberge

Une grande pièce refendue par une cloison occupe le premier étage (Fig. 5). 

Elle mesure 6,6 x 6,2 m dans œuvre, soit 41 m2 (380 pieds en carré). Comme ailleurs, sol et parois n’étaient guère étudiables. Un chevêtre de 165 x 55 cm signale une ancienne cheminée murale au milieu du mur nord. Quatre poutrelles assemblées par des bandes de serrage métallique supportaient une cloison sous-divisant la pièce en une chambre large de 12 pieds (3,7 m) et une autre large de 8 pieds (2,6 m). La grande chambre est éclairée par deux fenêtres côté ouest et est. La chambre la plus au sud bénéficie d’une fenêtre relativement large [19] (140 cm) au Midi.

Ces chambres sont hautes de 235 cm sous plafond. Quinze solives de 11 à 15 cm de largeur, espacées de 20 à 25 cm supportent le plancher du second étage.

En 2011, une seule pièce occupe le second étage de l’extension sud de l’auberge. Elle mesure 6,6 x 6,3 m, soit 20 x 19 pieds. Elle est éclairée par deux fenêtres côté ouest, et deux autres côté est ; ces fenêtres sont larges d’1 m et hautes d’1,17 m.

Seule la charpente a conservé son état partiellement ancien.

Le relevé du mur pignon sud (Fig. 15) montre une ferme de comble à surcroit, support d’un pan de bois, hourdis de plâtre. Autour d’un poteau de fond disposé dans l’axe du poinçon, deux poteaux d’appui horizontaux séparent les deux registres du pan de bois. Dans la partie haute, une série de onze poteaux de remplissage sont fixés par clavette à l’entrait. Dans la partie basse, quatre arcs de décharge en chevrons alternent avec des poteaux de remplissage.

Fig. 15 : relevé du pan de bois et de la charpente du mur pignon sud (© Anne-Laure Dijoux, Jean-Yves Dufour, Inrap).

Sans doute dans la seconde moitié du XXe siècle, l’installation d’une mezzanine a entraîné des remaniements dans la charpente et les boiseries des deux tiers nord de cette partie de l’auberge ; des éléments anciens ont été réutilisés in situ, tel l’entrait qui sert désormais d’appui à la mezzanine. D’autres ont été déplacés ou supprimés…aussi est-il difficile d’argumenter pour un cloisonnement ancien de cette grande pièce de second étage.

Dix prélèvements ont été réalisés par la société Dendrotech pour dater la charpente d’origine ; huit éléments de charpente (poinçon, faux-entrait, jambe de force, faîtage, panne et arbalétrier) révèlent une mise en œuvre entre 1776 et 1790, datation effectivement contemporaine de l’escalier.

3.3 - Les remaniements de la partie originelle de la maison

L’extension vers le sud de l’auberge a logiquement entraîné des modifications dans la partie ancienne au nord.

Les accès aux étages se font dorénavant par les portes ouvertes au travers du mur pignon sud.

Pour mieux protéger des intempéries la jonction escalier – maison ancienne, et faciliter l’aménagement de pièces au second étage, la charpente de l’ancienne maison est peut être modifiée dès l’époque de l’extension faite côté sud. Une toiture à double pans, reposant sur une charpente en ferme de combles à surcroit, remplace la toiture à pans coupés de la charpente originelle.

De rapides observations réalisées sur jambes de force et entraits montrent que cette nouvelle charpente servait également au cloisonnement du dernier étage (Fig. 16).

Fig. 16 : Sur unejambe de force de la charpente la plus récente, une clavette en place et une mortaise témoignent d'une ancienne cloison à pans de bois
(© Jean-Yves Dufour, Inrap).

La toiture à deux pans permet également la surélévation du mur pignon nord, l’ouverture de deux nouvelles fenêtres et l’installation d’une cheminée sur ce mur au second étage.

Une carte postale du tout début XXe siècle montre un mur pignon nord en gradins qui tranche tout à fait sur les toitures à pans coupés des autres demeures villageoises. Une enseigne ou de la publicité peinte ne sont pas les seuls éléments distinctifs d’une auberge dans le village. Un mur pignon sur rue, rehaussé et « architecturé » selon un style extra-vernaculaire, confère une note ostentatoire évidente à l’auberge qui se détache ainsi du lot des maisons villageoises, et attire plus facilement l’attention des voyageurs.

3.4 - Une extension vers l’Est

Á une époque indéterminée, mais logiquement concomitante de l’extension vers le sud de l’auberge, le développement de l’établissement se fait également vers l’est. En effet la création d’un porche au travers des nouveaux bâtiments indique une circulation d’ouest en est au travers de la parcelle. Par ailleurs, le nouvel escalier s’ouvre côté Est, ce qui suggère une cour et une façade principale côté du levant.

Les caves observées contiennent les traces de cette évolution vers l’Est.

Une condamnation par un court mur de briques signale peut être premier accès à la cave (sous la partie originelle de la maison) depuis l’orient (Fig. 17, phase 2). L’escalier descendant aux caves est détourné sur un axe sud-nord, qui répond bien à l’allongement général de l’établissement en ce sens.

Fig. 17 : relevé des caves et essai de phasage (© Jean-Yves Dufour, Inrap)

Au sous-sol, un passage long d’1 m est ouvert au travers du mur oriental de l’ancienne cave pour donner accès à une seconde cave localisée sous le restaurant.

Cette cave est longue et large de 4,8 m (dimensions intérieures), et haute de 2,25 m (7 pieds) sous voûte. La voûte en anse de panier, recouverte d’un enduit de plâtre blanc, repose sur deux murets latéraux hauts de 80 cm. Des ventouses percées au travers des côtés nord et sud de la voûte assurent l’aération du lieu.

Dans l’angle nord-est de cette cave, une grande maçonnerie (2,6 x 1,7 m) a bénéficié d’un peu de fouille, une fois l’auberge démolie (Fig. 18).

Fig. 18 : Vue de la base maçonnée, construite en renfort ?, au sous-sol sous le restaurant (© Jean-Yves Dufour, Inrap)

Le mur observé (F. 54), est épais de 35 cm, composé de moellons de gypse (30 x 15-20 cm) équarris disposés sur un rang de parement sur les côtés intérieurs de la cave, et d’un blocage arrière plus hétéroclite ; moellons de gypse, calcaire taillé et bloc de mortier hydraulique en réemploi. Un liant peu solide de mortier de chaux jaune suffit pour se rendre compte, que cette maçonnerie n’est nullement un renfort, mais un simple habillage.

Derrière cette paroi, un épais remblai (u.s. 35) de sable marron gris et gravats (plâtras et quelques tuiles) masque un ancien mur de cave positionné 70 cm (2 pieds) plus à l’ouest du précédent.

Cet ancien mur (F. 53) axé nord/sud est composé d’un rang de gros (30 cm) moellons de gypse équarris avec un petit blocage arrière de moellons en meulière. Un plâtre gris [20] sert de liant et d’enduit latéral Est à ce mur. Non porteur de voûte, le mur 53 ne mesure que 33 cm (1 pied) d’épaisseur.

L’espacement de 70 cm relevé entre les murs 53 et 54, indique peut être l’emplacement d’un ancien escalier droit, escalier permettant d’accéder (sur un axe de descente nord/sud) à la cave avant son adjonction avec celle de l’auberge.

Fig. 19 : l’angle nord-ouest de la cave sous le restaurant (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Les murs de cave observés sont tous construits de moellons de gypse équarris et de quelques moellons de meulière, liés par un mortier de chaux jaune et enduits de plâtre. Des blocs de mortier hydraulique rose, employés comme moellons dans le mur nord de la cave la plus à l’est (celle sous le cinéma), signalent la proximité immédiate d’une ancienne fontaine publique, positionnée deux mètres plus au nord, sur le trottoir [21] (donc en dehors de l’emprise sondée).

3.5 - Les vestiges liés aux attelages

Les auberges, tout comme les demeures patriciennes et bourgeoises de l’époque moderne, nécessitent des écuries pour les chevaux des voyageurs, et des remises destinées à abriter les carrosses et fiacres. Dans les fermes, les remises servent à l’abri des charrettes et autres attelages de l’exploitation.

Une remise (Fig. 20)

Dans l’angle sud-ouest de la parcelle de l’auberge, au fond du garage qui occupait les lieux depuis quelques décennies, deux piliers construits de moellons calcaire et enduits de plâtre se distinguent des pans de murs de parpaings en béton qui les intègrent.

Fig. 20 : vue des piliers d’une ancienne remise (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Ces deux piliers sont longs et larges de 0,55 à 0,65 m, espacés de 2,5 m. Les gonds d’anciennes portes charretières sont encore scellés sur l’élévation d’un de ces piliers. Enfin, 6,3 m les distancient de la limite sud de la parcelle [22].

Ces modestes vestiges peuvent aisément s’interpréter comme ceux d’une remise pour les attelages.

Les remises sont l’un des rares bâtiments utilitaires que l’on peut laisser ouvert au nord (BLONDEL 1773, p. 178).

Dans son Cours d’architecture, d’Aviler précise que les « remises ont 8 pieds de largeur sur près de 20 pieds de profondeur, & ce sont autant d’arcades. Il suffit de sept pieds de largeur pour chaque carrosse dans une basse-cour, lorsqu’une remise, qui sert à loger plusieurs carrosses, est entièrement ouverte pardevant sans aucune séparation. Dans ce cas, c’est assez de vingt-un pieds pour trois carrosses sur vingt pieds de profondeur. » (D’AVILER 1756, p. 198).

Divers ouvrages du XVIIIe siècle reprennent tous la même définition et les mêmes mesures :

« Remise : pour un carrosse, une remise doit avoir 8 pieds de large ; mais pour plusieurs carrosses, sept pieds suffisent à chacun. Sa profondeur, lorsqu’on veut mettre le timon des charrettes à couvert, est de vingt pieds, & lorsqu’on relève le timon, on ne lui donne que quatorze pieds sur neuf de hauteur » (L’Encyclopédie, Diderot et D’Alembert, 1765, tome IV, p. 95 ; Le grand vocabulaire françois, 1772, tome 24, p. 466 ; Dictionnaire historique d’architecture, Quatremère de Quincy, 1832, p. 369).

Les mesures observées sur le terrain (2,5 m de largeur soit presque 8 pieds, et 6,3 m = 19 pieds de longueur) sont parfaitement dans la norme de celles préconisées pour les remises. Celles-ci étaient nombreuses dans l’auberge, en témoignent encore les publicités peintes sur les murs pignon de l’auberge au tout début du XXe siècle La longue construction axée est-ouest et positionnée sur le flanc sud de la parcelle sur le cadastre de 1819 (Fig. 28), était très certainement une série de remises et d’écuries pour les chevaux. Au centre de la cour, une fosse à fumier, un puits et un abreuvoir complétaient la panoplie du relais de poste.

Fig. 28 : Lecture du bâti de l’auberge du Grand Cerf sur le cadastre de 1819 (© Archives départementales de Seine-Saint-Denis et Jean-Yves Dufour, Inrap).

Les chasse-roues (Fig. 21)

Dans la ruelle à l’est de l’auberge, quatre chasse-roues en pierre à moitié enchâssés dans le mur gouttereau de la maison du 60 de la rue Théophile Gaubert, sont aussi les témoins de la circulation des coches sortant de l’auberge relais de poste.

Fig. 21 : vue des quatre chasse-roues adossés, rue du Docteur Peneau, au mur gouttereau de la maison située au 60, rue Théophile Gaubert (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Des traces signalent l’arrachement d’un cinquième chasse-roue dans la continuité nord de la série précédente.

Trois des quatre chasse-roues présentent un socle quadrangulaire large de 40 cm et plus, et un tronc pyramidal à quatre pans. La base de ce tronc est large d’un pied (33 cm), tandis que le haut n’est large que de 22 à 28 cm. Les deux chasse-roues observés les plus au nord sont plus petits (hauteur totale 52 à 58 cm) que les deux autres (85 cm de hauteur). Cette différence traduit peut être deux phases d’installation, les plus petits étant les plus anciens.

L’abri omnibus

Aux coches hypo-tractés succède vers la fin du XIXe siècle, un service de tramway entre la porte de Vincennes à Paris et Lagny. À Neuilly-sur-Marne, le guichet de la Compagnie de Tramways des chemins de fer nogentais prend place à son emplacement historique, c'est-à-dire dans l’avant-cour de l’auberge du Grand Cerf (Fig. 26).

.Fig. 26 : deux vues successives de la façade de l’auberge (© collection et commentaire de René Brenu).

Construit sur ou en remplacement de l’une des bâtisses encadrant l’entrée dans la cour de l’auberge, l’abri destiné au personnel du tramway était encore conservé en élévation en 2011.

Ce petit bâtiment légèrement trapézoïdal (longueur 4,8 m x 2,3 à 2,6 m hors-œuvre) est édifié en appentis à l’angle nord-ouest de l’auberge. Ses murs épais de 22 cm sont composés de deux rangs de briques [23] liées au mortier de chaux et jointoyées au ciment. Son sol est revêtu de tomettes hexagonales en terre cuite de 16 cm de largeur [24]. On y accédait par une porte large d’1 m ouverte sur rue, et par une autre porte plus étroite (0,8 m) donnant sur l’avant-cour de l’auberge. Par ses matériaux et son appartenance, cet abri apporte une note « industrielle » à l’auberge bien ancrée dans le style vernaculaire.

À partir des années 1940, c’est un garage officiant également comme station service qui occupe le rez-de-chaussée de l’auberge et prolonge ainsi la tradition de relais routier de ce lieu.

4 - Le restaurant

Liées à la fonction d’accueil de toute auberge, des pièces étaient inévitablement consacrées à la cuisine et au service de restauration de la clientèle. Nous n’en avons trouvé aucune trace dans la grande bâtisse décrite comme auberge. Bien que conservé dans son état XIXe et XXe siècles, le bâtiment accolé à l’est de l’auberge remplit éminemment ces fonctions de restauration.

En 2011 encore, pas moins de trois passages assurent une connexion constante entre le restaurant et l’auberge (Fig. 4).

Le bâtiment à usage de restauration est déjà présent sur le plan de traverse de Neuilly en 1785, plan le plus lisible dont nous disposons pour le XVIIIe siècle Ses caves ne sont accessibles que par celles liées à l’auberge, aussi les fonctions des deux bâtiments sont elles liées, même si le restaurant est manifestement de construction plus récente. Avec toute la marge d’erreur inhérente à ce type de document, le cadastre de 1818 montre un bâtiment large de 5 m et long de 7,6 m hors-œuvre (Fig. 18).

De ce bâtiment moderne, rien n’était visible en 2011.

Le rez-de-chaussée mesure 15,5 m hors-œuvre du nord au sud. Transformé en bar depuis des décennies, il a été ravagé depuis sa fermeture en 2006 (Fig. 22).

Fig. 22 : l’intérieur du restaurant en 2011 (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Dans le chaos et la pénombre, sous l’habillage du bar tabac PMU, des observations rapides ont dévoilé une architecture métallique de la seconde moitié du XIXe siècle En façade sur rue, deux piliers de fonte espacés d’1,6 m encadrent l’entrée. En arrière de la vitrine, des séries de deux ou trois poutrelles en fer masquées sous les faux plafonds indiquent l’existence de trois salles alignées, hautes de 3 m. Sans doute au XXe siècle, un escalier en béton armé recoupe la salle la plus au sud pour desservir l’étage.

Au premier étage (Fig. 5), un mur de refend positionné à 6 m de la façade sur rue, isole un appartement de 30 m2. Le reste de l’étage est divisé en deux salles de restaurant par une poutre au plafond. De faux dosserets en plâtre terminés de consoles ornées de triglyphes et gouttes (Fig. 23), contribuent au style très classique du plafond également mouluré. Sur des matériaux métalliques d’usage relativement neuf en architecture, on habille donc dans un style convenu et ancien.

Fig. 23 : habillage de la salle de restaurant du premier étage (© Jean-Yves Dufour, Inrap)

Enfin, on accédait au toit du restaurant, par une porte depuis le dernier palier du grand escalier desservant la partie logement de l’auberge (cf. Fig. 6). Sous la toiture ondulée en fibrociment et l’étanchéité de goudron, nos micro-sondages ont révélé un sol construit épais de 26 cm, reposant sur une armature métallique. Ce sol de toit terrasse est composé d’une couche supérieure de plâtre blanc (épaisseur 4 cm), posée sur un radier de tuiles cassées liées au plâtre (épaisseur 4 cm), lui-même assisé par un épais (16 cm) lit de plâtre sous tendu par des poutrelles en fer.

Côté rue, le toit terrasse est bordé d’une rampe à balustre en béton armé.

Les toits terrasse sont très à la mode dans les grands restaurants parisiens [25] à la fin du XIXe siècle Les cartes postales présentant l’auberge du Grand Cerf vers 1900 ne montrent pas un tel aménagement, aussi faut-il supposer une réalisation plus tardive dans la banlieue de Neuilly que dans le modèle parisien.

5 - Le cinéma

Le dernier bâtiment inclus dans l’îlot de l’auberge, est un cinéma positionné dans le quart nord-est de la parcelle (Fig. 4). Parce que le cinéma, le bar-restaurant et l’auberge appartiennent au même ensemble à fonction d’accueil et de divertissement, nous avons souhaité donner un bref aperçu de ce dernier lieu.

La salle de cinéma est un long bâtiment axé nord-sud, légèrement trapézoïdal. Il mesure 9,2 m de largeur pour une longueur de 19,4 à 21 m. Un appentis à pan coupé le prolonge de 4 m au sud.

Le cinéma présente la distribution classique d’un cinéma de ville (Fig. 24). Au-delà de 3 doubles portes d’entrée, un vestibule donne accès à une grande et unique salle équipée de 13 rangs de fauteuils. La salle est en pente douce vers une petite scène large de 2 m supportant rideaux et écran.

Fig. 24 : Vue intérieure du cinéma (© Jean-Yves Dufour, Inrap)

Un étage en balcon ainsi que la salle du projectionniste sont accessibles par un large escalier démarrant dans le vestibule.

Nous ne sommes pas compétents pour étudier l’architecture des lieux de loisirs du XXe siècle. En termes d’architecture vernaculaire, nous remarquons toutefois que le quart nord du cinéma réutilise une ancienne maison villageoise. Les plafonds en plâtre moulurés et décorés de motifs de fleurs de style Louis XV sont les vestiges d’un ancien salon (Fig. 25) recoupés par la salle de caisse du cinéma.

Fig. 25 : vestiges du plafond du salon de la maison réutilisée par le cinéma (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Une rapide vue des combles montre également qu’une partie de la charpente de la maison villageoise d’origine est intégrée dans les remaniements survenus pour la création du cinéma. Les pièces de charpente conservées indiquent une toiture à pan coupé, ce qui correspond aux vues du site sur les cartes postales du tout début du XXe siècle (Fig. 26 et 27).

Fig. 27 : autres vues successives de la façade de l’auberge (© collection et commentaire de René Brenu).

Sous l’ancienne maison phagocytée par le cinéma, des caves longues de 7,7 m et larges de 4,8 m (dimensions intérieures) sont reliées à celles du restaurant et de l’auberge (Fig. 17).

Les fonctions liées à l’auberge connaissent donc un développement chronologique et spatial aussi bien vers le sud que vers l’est.

Le Plan de traverse de Neuilly-sur-Marne, levé vers 1785 montre un jardin à l’angle sud-ouest de la rue de Paris (l’actuelle rue Théophile Gaubert) et la ruelle Saint Nicolas qui va vers la rivière (l’actuelle rue du Docteur Peneau). Le cadastre de 1819 (Fig. 28) montre quand à lui une vaste construction axée nord-sud, avec un angle sud-est coupé. La lecture des documents d’archives nous informe qu’il s’agit d’une grange.

Après démolition du cinéma, les fondations des murs gouttereaux cette vaste grange (transformée en cinéma fin du XIXe siècle) ont été observées. Les faits 28 et 55 sont des murs larges de 80-90 cm, construit de deux rangs de gros moellons (30 à 50 cm) de gypse équarri et meulière, avec un blocage central de petits (10 à 20 cm) moellons de gypse. Un liant de mortier de chaux sableuse jaune est commun à ces murs comme à ceux des caves.

6 - Confrontation des vestiges relevés avec les documents d’archive

Une première série d’actes notariés, exhumés par Christiane Brenu (Association Donzelot, Neuilly-sur-Marne) et transcrits par Olivier Bauchet (Inrap), nous donnent un état des lieux aux XVIIIe et XIXe siècles.

Au début du XVIIIe siècle, le site est décrit comme une simple maison avec cour et jardin, clos de murs, appartenant à Madame de Retz, noble demeurant à Paris. La présence d’argenterie dans la description, suggère que la maison n’est pas louée, mais sert de maison de campagne.

Elle est vendue à Louis Pouy, marchand roturier à Neuilly-sur-Marne en 1741. Le bâtiment est décrit en mauvais état, un pavillon situé à gauche à l’entrée est jugé bon à démolir.

Louis Pouy fait de ce lieu l’auberge du Grand Cerf, en témoigne ses qualités et le riche mobilier énoncés dans son acte de décès en 1764. Une cuisine et deux chambres sont décrites au rez-de-chaussée. Aucun détail se rapportant à ces pièces n’était conservé au rez-de-chaussée très remanié par les occupations successives, mais la présence de deux grosses poutres reflète bien une division de l’espace en trois pièces. Quatre chambres avec cheminées sont décrites à l’étage.

La chambre localisée au sud de l’escalier est-elle incluse dans ce décompte ? On y trouve une somme de biens inventoriée supérieure au contenu des autres chambres. Entre autres, la présence de 25 setiers de grains et farine peut suggérer une grande chambre partiellement à fonction de stockage.

Un fournil est détaché de l’habitation principale. On le localise dans un pavillon (sur rue) à côté du porche d’accès.

Les écuries et leurs greniers (pleins) sont inventoriés. La présence d’une charrette et d’une charrue sous entendent une activité agricole. La double activité est une règle chez maints artisans villageois.

Lors de son décès, Louis Pouy dispose dans les caves de son auberge de 80 hl du cru du pays et de quelques bouteilles de Bourgogne, sans doute pour sa clientèle la plus aisée. Sa réserve vinaire est 3 à 15 fois plus importante que celle des vignerons du village (Cherel et Inglin 1989-1990, p. 104). Ainsi, même dans un village vigneron, il semble que de grandes caves soient bien un critère d’identification des auberges, du moins en Ile-de-France.

L’Almanach de 1790 de la « Ferme des diligences et messageries royales de France » précise que tous les jours, sauf le dimanche, le carrosse de Lagny entre dans la cour de l’auberge-relais de poste de Neuilly vers 10 h du matin. On y change de postillon et de chevaux. Au relais, règne le maître de poste Jean-Laurent Hericourt, aubergiste et laboureur. Avec le postillon Jean-Louis Viard en 1780, puis Antoine Morel en 1793, il règne aussi sur la route de Vincennes à Lagny (Cherel et Inglin, 1989-1990, p. 127 et 129).

Jean Laurent Héricourt l’acquiert en 1797. Il est fermier. Granges, écurie et remises sont mentionnées dans cet établissement à double, voir triple fonction : auberge, relais de poste et ferme. Prudence toutefois, car les marchands de denrées alimentaires (grain, bétail, etc.) qui parcourent la campagne, utilisent aussi largement les auberges comme lieu de rassemblement des troupeaux, lieu de remisage de leur charrette,…

En 1816, l’établissement décrit mesure 16 ares, ou 40 perches.

40 perches de 18 pieds de côté font 1367 m2, mesure proche des 1380 m2 comptés sur le terrain.

Le cadastre napoléonien nous aide à illustrer l’auberge décrite par sa vente en 1821 (Fig. 28).

Le corps de logis à deux étages + grenier est bien différencié de la grande salle au-rez-de-chaussée, accessible par une porte face à la maison. La présence de caves au dessous signale bien que nous sommes sur rue. La grande salle (de réception de l’auberge) était bien à l’emplacement du bar.

Une salle et une salle de billard sont décrites au-dessus. Deux salles plus récentes mais de même fonction ont été observées sur le bar.

Les quatre chambres au second étage correspondent à la tripartition supposée du bâtiment principal, plus la chambre au sud de l’escalier.

Signalons que l’escalier n’est jamais nommé, sans doute importe t’il peu, ou du moins n’a-t’il pas tant le caractère ostentatoire que ce que nous pourrions supposer. Parce qu’il est l’élément ancien le mieux conservé, notre vision contemporaine et appauvrie lui confère un aspect relativement important qu’il n’avait pas du tout.

Le colombier est nommé pour la première fois en 1821, ce qui confirme le peu d’ancienneté que nous lui attribuons.

Ecuries, remises, bergeries et hangar sont bien alignés sur tout le pan sud de la propriété.

Enfin, une belle grange avec une grande écurie sont décrits dans la cour, à l’emplacement du cinéma [26] construit au XXe siècle

La vente de vin est âprement discutée dans le contrat de 1822. L’extension maximale des caves vers l’est date probablement de ce début du XIXe siècle

En se mariant le 30 juillet 1764, Jean-Laurent Héricourt prend possession avec son épouse Marie-Anne Pouy, d’une auberge Grande Rue, « Le Grand cerf » qui deviendra rapidement relais de poste à chevaux.

Grande bâtisse à deux étages avec un grand porche d’entrée, cinq chambres et quinze lits, c’est un des centres de l’activité du village avec les allées et venues des chevaux, des carrosses, des carrioles en tout genre.

L’importance de la vaisselle et des ustensiles de cuisine, le confort des chambres du rez-de-chaussée et du premier sont le signe d’une fidèle et nombreuse clientèle. Les assiettes et plats de faïence, les petits potes, les 200 bouteilles-carafes de la manufacture de Sèvres, les huit couvre-plats, le tournebroche à faire dorer la viande suggèrent avec ses pièces de cuivre rouge, casseroles et tourtière, ses vaisselles d’étain, ses moutardiers, une recherche dans les menus, une abondance de mets.

Les trois douzaines de poules et leurs trois coqs, le porc, les trois vaches apportaient œufs, lait, crème, chair rôtie ou mitonnée. Le café embaume.

La cave arrosait ces agapes en offrant le vin de la récolte dernière, 7 demi-queues, le vin vieux de 1762, 27 demi-queues, et aussi 5 demi-muids de vin vieux de Bourgogne.

Un arpent de terre nourrissait le blé froment et le seigle. Des réserves de grains ou farine assuraient la subsistance pour quelques mois. Des vignes préparaient en secret les raisins de l’automne. Huit cent bottes de divers céréales, 1900 bottes de foin, 700 bottes de regain-luzerne pouvaient permettre d’attendre l’été suivant. Les deux chevaux noirs avaient quelque répit.

La fontaine sablée montée sur pied filtre l’eau.

Tout est à l‘avenant, draps, nappes, serviettes par dizaines. Une note plus personnelle est donnée par les tableaux de famille et « un personnage » dans son cadre doré, des chaises et fauteuils à la capucine ou de tapisserie, les ciels de lit de serge verte galonnés de soie verte. Dans la grande chambre, le miroir de noyer garni de son cadre et de ses cristaux, montés sur vieil or, reflète l’autre petit miroir de bois doré et ainsi à l’infini, la petite banquette, le fauteuil, et les trois chaises de moquette veloutée noire.

Aucune dette ni active, ni passive, 550 livres d’argenterie, 264 livres 15 sols mettent le point final à l’inventaire signé par le tabellion Mielle, le commissaire priseur Antoine Bonnot, huissier à verge du Parlement de Paris, demeurant à Vincennes, Jean Baptiste Lhermitte, procureur du baillage de Neuilly demeurant à Vincennes, par le Sieur Jean Héricour, laboureur fermier, témoin, par la veuve Pouy et sa fille Anne-Marie.

Jeanne Cherel et Simone Inglin, 1989-1990 : Neuilly-sur-Marne à la fin du XVIIIe siècle, p. 235 et 237.

7 - Le diagnostic archéologique au sol à l’emplacement de l’ancienne auberge

Circonstances et méthodologie de la phase diagnostic au sol.

Pour répondre au mieux à l’étude du bâti, nous avons choisi d’ouvrir les tranchées de diagnostic en limite des bâtiments de l’ancienne auberge (Fig. 29).

Fig. 29 : plan des vestiges archéologiques au 58 de la rue Théophile Gaubert à Neuilly-sur-Marne (© Jean-Yves Dufour, Mehdi Belarbi, Inrap).

La tranchée 1, axée nord/sud, a été ouverte en limite de la longue façade ouest de l’ancienne auberge.

La tranchée 2, axée est/ouest, borde la limite sud des caves, limite mise au jour par la démolition.

Une courte tranchée 3 réalisée sous l’ancien cinéma nous a étonnés, en nous dévoilant des vestiges archéologiques, là où nous les pensions éliminés par la mise en place du sol en pente de la salle.

Dans le quart sud-est de la parcelle, une courte quatrième tranchée nous confirme la présence de vestiges sur toute l’assiette de l’ancienne auberge.

56 faits ou unités stratigraphiques à caractère ancien ont été enregistrés, répartis au sein de trois grandes phases chronologiques : avant le Moyen Âge, le Moyen Âge et l’époque moderne.

Outre de rares vestiges protohistoriques et antiques, les sondages au sol ont surtout livré des vestiges du Moyen Âge (plan fig. 29)

Dix silos, quelques fosses et trous de poteaux ont été repérés en limite de la rue Théophile Gaubert.

La densité des vestiges médiévaux s’estompe avec l’éloignement de la rue. L’étude du mobilier céramique permet de distinguer deux phases: la fin du XIe-XIIe siècle et les XIVe-XVIe siècles.

Outre les creusements, le diagnostic a livré en limite de rue et d’auberge, quelques vestiges construits que nous tendons à attribuer à une phase du Moyen Âge tardif.

Un mur (F.2) et un puisard (F.17) pourraient être les vestiges d’une habitation de la fin du Moyen Âge en bordure de rue. L’auberge du Grand Cerf se développe dans un espace villageois occupé de longue date.

Vestiges liés à l’époque moderne

Trois fondations appartiennent à des murs anciens détruits bien avant notre étude du bâti :

- le fait 47 est une fondation axée nord/sud, observée latéralement dans la partie sud de la tranchée 1.

Trois assises de moellons de gypse équarris (20 x 15 cm) sont liées par un plâtre gris clair.

- le fait 40 recoupe le fossé 39 dans la quatrième tranchée de sondage (Cf. Fig. 29). Large de 60 cm, le fait 40 correspond à la tranchée de récupération d’un mur axé d’est en ouest. Son comblement est composé de mortier graveleux jaune et d’un bloc de grés. Le report de ce mur sur le cadastre de 1819 (Fig. 30) permet de l’interpréter comme le mur sur cour du long appentis servant aux remises, écuries, bergeries et hangar des XVIIIe et XIXe siècles.

Fig. 30 : report des vestiges modernes sur un extrait du cadastre de 1819 (©Archives départementales de Seine-Saint-Denis , Jean-Yves Dufour, Mehdi Belarbi, Inrap).

- en limite sud du sondage 4, la maçonnerie F. 44 (cf. Fig. 29 et 30) est composée de moellons équarris de gypse (20 - 40 x 12-15 cm) liés au sable limoneux marron. Uniquement observée latéralement, cette maçonnerie semble liée à une canalisation en céramique gréseuse vernissée contemporaine (F. 43). Positionnée au sein des anciens appentis agricoles, cette construction participe peut être à un ancien système d’évacuation des urines animales.

Une inhumation canine recoupait la maçonnerie 44. Une autre inhumation animale (F. 41) localisée à proximité immédiate dans le même sondage, recoupe le fossé 39.

Sans aucun doute liée à l’entretien d’une partie du cheptel, un sol construit a été localisé et observé dans le quart sud-ouest de la parelle, en limite sud-ouest de la tranchée 1.

L’empierrement 49 (Fig. 31) est un véritable sol construit en légère pente du nord vers le sud, observé sur 340 cm de longueur (10 pieds). En limite sud de ce sol, une tranchée de récupération (F. 48) signale un ancien mur.

Fig. 31 : l’empierrement 49 (© Jean-Yves Dufour, Inrap).

Les pierres [27] composant ce sol (20 x 5-10 cm) sont disposées en délit (de champs), les unes contre les autres, stabilisées par une couche de sable gris beige très riche en oxydation ferrique. La surface des « pavés » de l’empierrement étant également très oxydée, incite à croire que ce sol en pente était destiné à recevoir de l’eau.

Sous le sol empierré, le sol sablo-limoneux gris foncé (u.s. 50 et 51) est imprégné d’oxyde ferrique et de matière organique (tâches verdâtres).

Dans une cour de ferme et/ou d’auberge, trois types de constructions rurales peuvent générer des sols construits en pente douce : les fosses à fumier, les abreuvoirs et les lave-sabot. En l’absence de fouilles, nous ne pouvons préciser la fonction de cet empierrement.

Perspectives et conclusion

Lieux de consommation par excellence, les tavernes, auberges et autres lieux de restauration ont constitué durant plusieurs siècles des lieux de sociabilité extrêmement présents pour les habitants des villes et des villages et ce jusqu’à des périodes récentes. Les transformations de nos cadres de vie après la dernière guerre ont progressivement fait disparaître ces lieux de convivialité et les traces matérielles de ces activités se sont évanouies laissant ça et là que des noms de rue, quelques enseignes dans des musées. La topographie historique est marquée par ces multiples mentions d’établissements aux noms souvent évocateurs, et se reconnaissant au rameau de verdure et au cerceau joint à leur enseigne. Bien que tardivement attribué, le nom d’auberge du Grand Cerf est très fréquent dans ce type d’établissement.

L’organisation spatiale des auberges a fait parfois l’objet d’études historiques mais rares sont les études archéologiques qui se consacrent à ce type de structure. L’intervention accrue ces vingt dernières années des archéologues dans les villages et les villes de France a permis de mettre au jour les vestiges bâtis et de mobiliers d’occupations médiévales et modernes qu’il est souvent difficile de qualifier autrement que de bourgeois. Dans bien des cas, quand des sources écrites existent, elles ne permettent que rarement de connaître les activités des occupants de ces demeures et l’on ne dispose, au mieux que d’une mention d’enseigne.

En Ile-de-France comme dans nombre de régions de France, l’absence d’auberges médiévales ou modernes clairement identifiées et reconnues comme telles parmi les sites fouillés ces dernières années nous a conduit à nous poser la question de la reconnaissance archéologique de ces bâtiments.

La grande diversité des noms usités concernant ces lieux nous invite tout d’abord à poser quelques définitions pour ces lieux dans lesquels on pouvait boire, se rassasier et parfois se loger. Qu’est-ce que les termes d’auberges, d’hôtelleries, de tavernes, de cabarets revêtent dans les villages en périphérie de Paris du XIIIe au XVIIIe siècle ?

Les auberges étaient des établissements dans lesquels on pouvait manger et se loger et ils en existaient de tailles et de conforts variés. Des structures étaient donc prévues pour accueillir les chevaux et les voitures. Une étude archéologique d’auberge passe entre autre par la reconnaissance des écuries et des remises.

Les hôtelleries pouvaient organiser des banquets et tenir lieu de réunion. Par exemple, au début du XVe siècle, le maire de la ville de Pontoise règle à l’hôtelier de l’hostel de la Couronne de cette ville une somme de XVIII sols due pour les assises de la ville qui s’étaient tenues dans son établissement [28]. Les hôtelleries s’adressent à une clientèle aisée.

Les tavernes étaient des lieux où selon les règlements rédigés au XIIIe siècle, l’on ne pouvait que boire mais où l’on pouvait se faire livrer des plats de l’extérieur. À la fin du Moyen Âge, la vente de pain et de viande y était tolérée, et à la fin du XVIe siècle, la confection de repas y était réglementairement admise ainsi que dans les cabarets [29].

À Paris, il était possible moyennant un impôt de pouvoir vendre du vin chez soi et ainsi devenir tavernier [30].

Si les sources écrites font références à des auberges, des hôtelleries, des abarets, qu’est ce qui peut différencier ces établissements du point de vue des vestiges archéologiques. L’organisation spatiale des différentes structures retrouvées et leur identification ainsi que le mobilier archéologique permet-il de mettre en évidence ce type d’occupation ?

La grandeur des caves est souvent interprétée comme le signe d’une auberge. À Neuilly-sur-Marne, onze inventaires après décès [31] nous informent du contenu des celliers au XVIIIe siècle Le 5 juillet 1764, Louis Pouy, hôtelier sur notre site, dispose de 80 hl du cru du pays et de quelques bouteilles de Bourgogne, sans doute réservées à sa clientèle la plus aisée. Cette réserve de vin est 3 à 15 fois plus importante que celle décomptée chez les vignerons du village au moment de leur décès.

À Étampes dans l'Essonne, les caves ne sont guère datées, mais toujours situées sous des bâtiments interprétés comme d'anciennes auberges, ou sous des demeures aristocratiques [32].

La fouille réalisée à Petersfield [33] (Grande-Bretagne), dans la cour d’une auberge du XVIe siècle attestée par les sources archivistiques, n’a guère livré de vestiges spectaculaires. La cour de la Ship Inn présente uniquement des fosses, un puits et des trous de poteaux. Les tessons de poterie fine suggèrent à l’auteur un niveau de vie aisé.

L’exemple d’un autre établissement d’accueil, le cabaret de l’ancien Hôtel-de-Ville de Montbéliard (Doubs), fondé en 1623 et démoli en 1776, met en évidence un lot daté de la première moitié du XVIIe siècle dans lequel 94 % de la céramique était culinaire, 6 % seulement était destiné à la table [34]. La verrerie y est également abondante.

Au 44 de l’avenue Raspail à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), la fouille partielle d’un dépotoir du début XVIe siècle, pose le problème de la nature de l’occupation de ce site. L’étude céramologique de Fabienne Ravoire met en évidence des proportions de vaisselle culinaire qui sont bien supérieures à la normale des contextes d’habitats urbains sensiblement contemporains, des proportions de vaisselle de table qui sont comparables à celles de châteaux et ne sont donc pas en adéquation avec un simple habitat urbain. Il paraît certain que ce mobilier ne peut être associé à l’usage d’une seule famille mais au contraire à plusieurs utilisateurs (Ravoire 2008). Outre les vestiges céramiques inhabituels, divers faits archéologiques nous invitent à poser l’hypothèse de la cour d’une auberge pour cette fouille malheureusement trop étroite.

À Toulouse [35], les écuries occupent tout le rez-de-chaussée des hôtelleries médiévales. La salle est à l’étage. Les hôteliers vendent du vin et du pain, mais aussi de l’avoine et des montures.

L’Angel Inn [36] d’Andover (Grande-Bretagne) date de 1445. Quatre bâtiments à pans de bois s’articulent autour d’une cour. Son rez-de-chaussée fait plus de place aux écuries qu’à la salle de consommation. On voit par ce second exemple que le cheval, et donc la reconnaissance archéologique des écuries, est indissociable (mais insuffisante) de celle de l’hôtellerie. Des puits, abreuvoirs ou fosse à fumier font logiquement partie des équipements de cour de ces établissements.

Pour conclure sur ces vestiges archéologiques, il semble que la petite taille des parcelles accessibles aux fouilles de sauvetage dans les centres urbains ou villageois franciliens ne soit pas favorable à une vue d’ensemble. Or, les auberges et hôtelleries occupent manifestement de grandes surfaces sur plusieurs étages. Les plans britanniques cités dans cette étude, ainsi qu’un ensemble de 8 descriptions notariales concernant [37] Melun, montrent que les auberges et les hôtelleries sont de grandes maisons. Elles occupent 2 à 3 corps de logis, desservis par une porte cochère et une allée centrale. Les caves sont toujours présentes, ainsi que deux cours, des chambres hautes, greniers et écuries. Une cuisine et une salle basse sur rue servent aux deux corps d’hôtel. Un puits, une foulerie, une étable ou des latrines sont bien plus rares.

En milieu rural, l’espace destiné à l’accueil des hommes est moins important, mais les dépendances liées au monde agricole sont logiquement plus nombreuses : laiterie, fournil, jardin,…La salle basse sur rue est rarement accessible à la fouille. Il faut donc apprendre à caractériser les annexes et les rejets particuliers de ces établissements.

La lecture de ces maigres éléments de comparaison, met en relief l’opportunité exceptionnelle que nous avons à Neuilly-sur-Marne de relever le plan d’une auberge avant sa démolition, et de pouvoir sonder une auberge entière, dans sa parcelle complète de 1380 m2.

Même si les vestiges ne datent a priori que de la période moderne et contemporaine, ils semblent extrêmement  caractéristiques. Vers le milieu du XVIIIe siècle, une belle maison de campagne est transformée en auberge. Cette datation relativement tardive cadre avec l’ouverture en 1782 de la grande route d’Allemagne qui passe par Nogent et Neuilly-sur- Marne.

Les auberges françaises de cette époque ont pourtant mauvaise presse, en témoigne le voyageur anglais Arthur Young qui les qualifie volontiers de « purgatoire à cochons ». Bien qu’étant imaginaire ( ?), l’auberge des Ténardiers n’est qu’à quelques lieues de là.

Au XIXe siècle, Alexandrine Prévost de la Boutetière de Saint-Mars, baronne de Montet, loge une nuit dans l’auberge et ne s’y plait guère ; elle décrit « une horrible auberge, la seule de ce village, si près de Paris. Nous étions en société avec des comédiens ambulants, des rouliers et des paysans de la banlieue, parce que c’était précisément la fête de Neuilly-sur-Marne » (Souvenirs de la baronne du Montet (1785-1866), 1904, p. 357).

À l’époque moderne, l’auberge du Grand Cerf déploie son imposante construction sur l’ensemble de la parcelle. Avant sa disparition aujourd’hui effective, nous souhaitions rendre compte de l’évolution de cet important édifice de la vie villageoise d’une commune francilienne.

BIBLIOGRAPHIE

Chatenet Monique et Faucherre Nicolas 1999, « Étampes au XVIe siècle », dans Fritsch Julia & Hervier Dominique (dir), Étampes, un canton entre Beauce et Hurepoix, Cahiers du Patrimoine, 56, éditions du Patrimoine, 313 p.

Cherel Jeanne et Inglin Simone, 1989-1990 : Neuilly-sur-Marne à la fin du XVIIIe siècle, 2 volumes tapuscrits, 464 p.

Dousset François, 1989, La commune de Pontoise au Moyen-Age, Société historique et archéologique de Pontoise, du Val d’Oise et du Vexin, 1989, Marie de Pontoise, 189 p.

Fox Russel & Hughes Michael 1993, Excavations at Sheep street, Petersfield. Proceedings of the Ampshire field club and archaeological society, 1993, vol. 49, p. 159-174.

Paoli Guy, 1986, La taverne au Moyen Âge, Université de la Sorbonne, 1027 p. + illustrations

Pearce Jacqueline, 2000, A late 18 th-century inn clearance assemblage from Uxbridge, Middlesex, Post-Medieval Archaeology, 34, 2000, p. 144-186.

Rambourg Patrick, 2004, « Aux rôtis tout chauds », cuisine publique et restaurations de rue à la fin du Moyen Âge, Dans Les cuisines du Moyen Âge, Manières de faire, Histoire Médiévale Hors Série n°8, nov. 2004-janv.2005, p. 62-69.

Ravoire Fabienne, 2008, Etude d’un ensemble de céramiques du XVIe siècle provenant d’un dépotoir domestique à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), Revue archéologique d’Île-de-France, tome 1, 2008, p. 379-396.

Roberts Edward, 1991, A fifteenth century inn at Andover, Proceedings of the Hampshire field club and archaeological society, vol. 47, 1991, p. 153-170.

Wolff Philippe, 1960, L’hôtellerie, auxiliaire de la route. Notes sur les hôtelleries toulousaines au Moyen Âge, Bulletin philologique et historique du CTHS, 1960, vol. I, Paris (1961), Imprimerie Nationale, p. 189-205.

Pièces justificatives de l’auberge de Neuilly-sur-Marne

Recherches en archives : Christiane Brenu – Transcriptions : Olivier Bauchet

 Pièce n° 1

1724, 28 juin

Délaissement de l’immeuble ainsi que d’autres biens par Madeleine Dufour, veuve d’Antoine de Retz, écuyer, avocat au Parlement demeurant à Paris à ses enfants Antoine de Retz, conseiller du roi en la Cour des monnaies et Madeleine de Retz, veuve de Charles Callioppe de Vaucouleur de Lanjamet.

A. minutes d’Oudart-Artus I Gervais, notaire demeurant rue de la Verrerie à Paris (Arch. nat., ét. LIV/764).

[…] scavoir à laditte dame de Lanjamet la maison appartenante à la dite dame veuve de Retz seize à Neuilly-sur-Marne consistante en bastimens, court et jardin, le tout clos de murs ainsi qu’elle
se poursuit et comporte sans nulle reserve, ensemble la chapelle scituée dans la paroisse dudit Neuilly dont sont endroits de jouir les propriétaires de laditte maison […] Plus laditte dame veuve de Retz cede et delaisse comme dessus audit sieur de Retz son fils tous les meuble meublans, argenterie, batterie de cuisine, vaisselle d’étain, linge et generallement tous les meubles qui appartiennent à ladite veuve de Retz et qui sont tant dans laditte maison seize à Nuilly que dans l’appartement et lieux qu’elle occupe en cette ville de Paris susditte rue de la Verrerie où elle est actuellement demeurante […]

Pièce n° 2

1741, 19 juillet

Extrait du bail de l’immeuble de Neuilly-sur-Marne par Madeleine de Retz, veuve de François de Prillac, gouverneur de Thionville, maréchal des camps et des armées du roi, chevalier de l’ordre Saint-Louis, demeurant au château des Tuileries à Paris, au profit de Louis Pouy, marchand à Neuilly-sur-Marne et Geneviève Champoudry, moyennant 150 livres de rente annuelle.

A. Minute de Sylvain Ballot, notaire demeurant rue saint-Honoré à Paris (Arch. nat., ét. CXVI/313)

Une maison scize audit Neuilly-sur-Marne consistante en batimens, cour et jardin, le tout clos de murs […] apartenante à madite dame de Prillac comme lui ayant été cédée et abandonnée par dame Madeleine Dufour sa mere, veuve d’Antoine de Retz, ecuyer, avocat en parlement par acte passé devant Gervais qui en a la minutte et son confrere notaires à Paris le vingt-huit juin 1724 et à laquelle dame de Retz ladite maison apartenoit tant à cause de la communauté de biens qui a été entr’elle et ledit feu sieur son époux qu’au moyen des actes en forme de partage fait entr’elle et les sieur et dame ses enfans etant ladite maison et dependances en la censives des seigneurs ou dames dont elle est mouvant […]

Pourront lesdits acquereurs si bon leur semble faire demolir le pavillon qui est à gauche en entrant dans la cour du côté [du ?, caché dans la pliure] jardin, à charge par eux d’en réparer ladite maison, bâtimens, murs et clotures et autres edifices en dependans […]

Pièce n° 3

1764, 5 janvier

Extraits de l’inventaire après le décès de Louis Pouy, hôtelier de l’auberge du Grand Cerf, à la requête de sa veuve Geneviève Champoudry et de sa fille Marie-Anne Pouy, dressé par Antoine Bonnot, huissier à verge au Châtelet de Paris.

A. Minute de François Mielle, notaire à Neuilly-sur-Marne (Arch. dép. Seine-Saint-Denis, 2E1/20)

- Premièrement dans un bas servant de cuisine ayant vû et entrée sur la grande cour du lieu, une cremaillere, deux chenets, un garde-cendre, une pele, une pincettte, un soufflet, un tourne-broche, une broche à faire rotir la viande, une cuillere à pot, unze chandeliers et une lechefritte de fer blanc, le tout de fer prisez et estimez le tout ensemble que ledit huissier prise à la somme de

 

45 livres

- item six poeles de fer à frire, huit couvre-plats de fer blanc avec une petite leche-fritte prisez et estimez (en marge : et deux marmittes) à la somme de

8 livres

- item une douzaine et demye de plats de fayance tant grands que petits avec quatre douzaine d’assiettes aussy de fayance et sept à huit pots aussy de fayance prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

8 livres

- item une huche de bois de chesne et un salloir de …. bois fermant à clef, une table garnye de ses deux bancs, le tout aussy de chesne, avec un billot, et cinq chaises de bois enfoncées de paille prisez et estimez ensemble à la somme de

 

20 livres

- item deux cents bouteilles-caraphes de la manufacture de Sevre et autres prisez et estimez à la somme de

32 livres

- item 202 livres d’etain pesant tant plats, assiettes, pots de mesure, potagers, moutardiers et autres ustancilles, prisez et estimez à raison de 14 sols la livre, revenant le tout ensemble à la somme de

141livres

- item dix chaudrons, une platine à repasser le linge, six poele, et poelons, avec un rechaut, deux paires de balances, une passoire, trois ecumoire, et une cuillere à poelon, et poele à confiture, et un petit couvercle de cuivre, une marmitte, deux chenets et huit chandeliers, le tout de cuivre jaune, prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

 

98 livres

- item quatorze pieces de cuivre rouge tant casserolle, toutière, antonnoirs, caffetieres et autres effets de même matiere, prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

98 livres

- item une fontaine sablée montée sur son pied, prisez et estimez à la somme de

32 livres

- item une horloge avec sa boete de bois de chesne prisée et estimée à la somme de

40 livres

- item un garde-manger de bois de chesne fermant à clef garny de ses tablettes, un dressoir porte-vaisselle de bois de sapin garny de huit tablettes, un poivrier et plusieurs couteaux de cuisine, prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

14 livres

- item cinq sceaux ferez, deux chaudieres de fonte prisez et estimez à la somme de

 6 livres

- item plusieurs pièces de potteries, tant pots à faire soupe, plats, assiettes et autres prisez et estimez ensemble à la somme de

1 livres 10 sous

- item dans une petite chambre joignant celle dont nous sortons, une petite commode fermant à clef garnye de ses tiroirs de bois de chesne, prisez et estimez à la somme de

5 livres

- item un coffre fermant à clef aussy de bois de chesne prisez la somme de

16 livres

- item un lit de plume garny d’un matelas de laine, une couverture verte de laine, une courte-pointe de toile peinte, deux oreillers garny de plume, une couchette à bas pilliers, le tour de lit de serge verte a… composée de plusieurs pieces prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

100 livres

- item plusieurs morceaux de tapisserie de Bergame garnissant ladite chambre prisez et estimez avec un fauteuil tapissez et trois chaises enfoncées de paille, prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

9 livres

- item un tableau representant un personnage garny de son cadre, avec un miroir de toillette aussy garny de son cadre prisez et estimez à la somme de

2 livres

- item dans un bas ayant vüe sur la cour une crémaillere, une pincette, deux chevrettes, un soufflet, le tout de fer, prisez et estimez

 2 livres

- item un bas d’armoire de bois de sapin fermant à clef, trois tables de bois de sapin dont deux montés sur leurs pieds tenailles et l’autre montée sur ses pieds tournés, prisez et estimez ensemble à la somme de

20 livres

- item une armoire de bois de noyer à quatre batans, deux tiroirs au milieu fermant à clefs prisez et estimez

28 livres

- item douze aunes de tapisseries de Bergame, quatre mauvais tableaux representant portraits de famille, un miroir de bois de noyer garny de son cadre et de ses cristaux vieux dorez, une autre petit miroir dans son cadre de bois doré, cinq chaises de bois blanc enfoncées de paille, petite banquette couverte de mocquette, trois chaises de bois d’aitre garnye aussi de mocquette, aussy un fauteuil couvert de mocquette prisez et estimez ensemble à la somme de

 

30 livres

- item une couchette à bas pillier de bois d’aitre garny de son enfoncure, une paillasse, un lit, traversin et oreiller de coutil remply de plume, un matelas de toile à carreau remply de plume, une couverture de laine blanche, une courte pointe d’indienne, le tour dudit lit de petite serge verte composé de neuf pieces tant en rideaux, pente que ciel prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

75 livres

[interruption et reprise de l’estimation]
- premierement deux rideaux de fenestre de siamoise avec les tringles de fer prisez et estimez

4 livres

- item dans laditte armoire s’est trouvé ce qui suit vingt-sept draps de toile elingez prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

108 livres

- item trente-un autres draps aussy de toile elingé de menage prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

110 livres

- item une douzaine de draps aussy de toile de menage elingé prisez et estimez ensemble à la somme de

48 livres

- item quarante nappes de grosse toile de menage elingez prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

50 livres

- item sept autres nappes tant ouvré que toile de cochon avec douze napperons de grosse toile de menage elingez prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

30 livres

- item sept douzaine de serviettes dont une douzaine d’ouvrés, le surplus de toile de menage, elingez avec cinq nappes de toile ecrüe prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

58 livres

- item vingt draps aussy de toile de menage en partie elingez prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

80 livres

- item dans une chambre haute au-dessus de celle dont nous sortons deux chenets, une pele et une pincette de fer estimez ensemble

2 livres

- item une table ronde de bois d’aitre montée sur ces pieds tournez, une autre petite table à cadrille garny de son tapy vert, une commode de bois de noyer garny de ses tiroirs fermant à clef prisez ensemble à la somme de

28 livres

- item une armoire de bois de noyer fermant à clef garnye de sa corniche prisez et estimez à

30 livres

- item vingt aunes de tapisserie Bergame, huit chaises à la capucine, et quatre fauteuils aussy à la capucine, six chaise et un fauteuil couvert de tapisserie de gueridon, trois rideaux de toile peinte avec leurs tringles de fer, cinq tableaux, un sur toile représentant portrait de famille, dans leurs cadres de bois dorez, un miroir dans sa bordure de bois doré, la glace de deux pieds de haut sur un et demy de large, prisez et estimez le tout ensemble avec deux bras de cheminée de bois dorez à la somme de

 

120 livres

- item un lit à bas pillier de bois d’etre garny de son enfoncure, une paillasse, un lit et traversin de coutil remply de plume, une couverture de laine verte, une courte pointe d’indienne à fond rouge, le tour dudit lit de serge verte composé de unze pieces tant en rideaux, pantes que dossiers galonnez de soyes vertes prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

 

120 livres

- item un autre lit à bas pillier avec son enfoncure, une paillasse, un lit, traversin de coutil remply de plume, une couverture de laine verte, un matelas de toile à carreau remply de laine et une courte pointe, le tour dudit lit composez de unze pieces tant rideaux, pantes que ciel de serge verte, prisez le tout ensemble à la somme de

 

120 livres

- item dans ladite armoire s’est trouvé quatorze autres draps de toile de menage elingez et ecrues prisez et estimez ensemble à la somme de

70 livres

- item deux draps de toile de c…. prisez et estimez à la somme de

20 livres

- item six douzaines de serviettes de toile de menage ecrue prisez et estimez ensemble la somme de

80 livres

- item soixante aunes de toile en piece de toile de menage prisez et estimez ensemble à la somme de

80 livres

- item dans une autre chambre à costé d’où nous sortons ayant vü sur la cour, deux chenets, une pincette prisez et estimez à

1 livre

- item une table de bois de sapin montés sur des pieds en tenaille, cinq chaises à la capucine et un fauteuil couvert de mocquette, un fauteuil à la capucine, dix aunes de tapisserie de Bergame, un mauvais tableau dans sa bordure de bois doré, un petit miroir à toilette dans son cadre de bois de noyer, un rideau de siamoise avec ses tringles, prisez le tout ensemble tel quel à la somme de

16 livres

- item un bois de lit à bas pillier de bois de chesne garny de son enfoncure, une paillasse, un lit, un traversin de coutil remply de plumes, un matellas de toile à carreaux remply de laine, une couverture de laine blance, le tour dudit lit de petitte serge verte, composez de neuf pieces tant en rideaux, pantes que ciels, un autre bois de lit de bois d’aitre à bas pilier garny de son enfoncure, une paillasse, un lit, un travertin de coutil remply de plume, une couverture de laine blanche, une courte pointe d’indienne à fond rouge, le tour dudit lit de serge verte composez de neuf pieces tant en rideaux, pantes que ciel, un autre lit aussy à bas pillier de bois d’aitre garny de son enfoncure, une paillasse, un lit et traversin de coutil remply de laine, le tour dudit lit aussy de serge verte composez de neuf pieces tant en rideaux, pantes que ciel prisez estimez le tout ensemble à la somme de

 

 

 

240 livres

- item dans une autre chambre au-dessus de celle dont nous sortons ayant vû sur la rue, deux chenets, une pelle à feu le tout de fer prisez ensemble

2 livres

- item quatre chaises de bois blanc enfoncées de paille, deux mauvais fauteuils couverts de mauvaise serge, huit aunes de mauvaises tapisseries de Bergame, deux mauvaises tables en bois de sapin montés sur leurs pieds en tenaille, un petit miroir de toilette garny de son cadre de bois dorez, prisez ensemble tel quel partie usez estimez à la somme de

8 livres

- item un lit à haut pillier de bois d’aitre garny de son enfoncure, une paillasse, un lit et traversin de coutil remply de plume, une couverture de laine blanche, le tour dudit lit de serge rouge composez de neuf pieces tant en rideaux, pantes et ciel, un autre lit à bas pillier garny de son enfoncure, une paillasse, un lit et traversin de courtil remply de plume, un matelas de toile à carreau remply de laine, une couverture de laine blanche, le tour dudit lit composez de quatre pieces de mauvaises serges vertes tel quels prisez ensemble à la somme de

100 livres

- item dans une autre chambre au premier ayant vû sur la cour, deux chenets, une pincette de fer, prisez et estimez à

1 livre

- item trois chaises de bois blanc enfoncés de paille et deux fauteuils à la capucine, sept aunes de mauvaises tapisserie de Bergame, trois rideaux de fenetres avec leurs tringles, un petit miroir à toillette dans sa bordure de bois noir, une table de bois de sapin monté sur son pied en tenaille prisez ensemble comme tel quel à la somme de

8 livres

- item un lit à bas pillier de bois d’aitre garny de son enfoncure, une paillasse, traversin, lit et coutil remply de plume, un matelas de toile à carreau remply de laine avec couverture de laine blanche, le tour dudit lit de serge bleue composez de unze pieces tant de rideaux que pantes, un autre lit aussy à bas pillier de bois d’aitre garny de son enfoncure, une paillasse, lit de coutil, traversin remply de plume, un matelas de toile à carreau remply de laine, une couverture de laine, de serge verte, le tour dudit lit de serge verte composé de unze pieces tant pantes, rideaux et ciel, un autre lit aussy à bas pillier garny de son enfoncure, une paillasse, un lit et traversin de coutil remply de plume, un matelas de toile à carreau, remply de laine, une couverture de laine rouge, le tour dudit lit de serge rouge composez de neuf pieces tant en rideaux que pantes prisez et estimez le tout ensemble la somme de

 

 

 

190 livres

- item un autre lit à bas pillier garny de son enfoncure, une paillasse, lit et traversin de coutil remply de plume, deux matelas de toile remply de laine, une couverture de laine rouge, le tour dudit lit tel quel, un autre petit lit à haut pillier garny de son enfoncure, une paillasse, lit, traversin de coutil remply de plume, une couverture, un autre lit à haut pillier garny de son enfoncure, une paillasse, un lit de plume, traversin et couverture de laine tel quel prisez et estimez ensemble à la somme de

36 livres

- item vingt-six chemises de toile de menage à l’usage de ladite veuve, prisez et estimez la somme de

60 livres

- item dit-sept chemises de toile elingez à l’usage dudit deffunt prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

34 livres

- item trante autres chemises de toile de menage elingez à l’usage de ladite veuve prisez et estimez le tout ensemble à la somme de

30 livres

- item deux nappes et deux tabliers de toile elingez prisez et estimez à la somme de

4 livres 10 sous

- item un habit de drap d’elbeuf couleur gris blanc composé d’habit, veste, culotte à l’usage du deffunt prisez et estimez à la somme de

50 livres

- item un chapeau d’auphin, une paire de souillers, une paire de bas de laine gris souris à l’usage dudit deffunt prisez comme tel quel et en partie usez à la somme de

4 livres

- item deux robbes de chambre l’une de creppe et l’autre d’eter… , deux juppes de ca…., un tablier d’etamine à l’usage de ladite veuve Pouy, prisez et estimez ensemble à la somme de

35 livres

- item trois douzaines de menu linge menu a…ge tant cornette, coeffe, mouchoirs tant mousseline et dentelle, et v… prisez et estimez ensemble la somme de

24 livres

- item cinq septiers de bled de la récolte deniere prisez et estimez et sans crüe à la somme de

50 livres

- item treize septiers d’avoine aussy de la recolte derniere à raison de unze livres faisant ensemble la somme de

169 livres

- item sept septiers de farine de bled froment prisez et estimez à raison de quinze livres le septier à sa juste valeur et sans crüe revenant ensemble à la somme de

100 livres

 - item dans une autre chambre servant de fourny [fournil] ayant son entrée dans la cour deux huches, un fourgon, un pele de bois, une table de chesne, un cuvier, une selle à cuvier, deux couvercle à cuvier, prisez et estimez le tout ensemble à sa juste valeur à la somme de

50 livres

 - item trois douzaines tant torchons qu’essuye-mains de toile de menage elingez prisez et estimez à sa juste valeur et sans crue à la somme de

18 livres

- item vingt-six septiers tant orge que seigle, tant battu qu’à battre de la recolte aussy derniere prisez et estimez à la juste valeur et sans crüe à raison de cinq livres revenant le tout ensemble à la somme de

130 livres

- item huit cent bottes de paille tant de seigle, orge, avoine et orge prisez et estimez à raison de dix livres le cent revenant le tout ensemble à la somme de

80 livres

- item dans un grenier étant sur les écuries s’est trouvé dix-huit cent bottes de foin luzerne de la recolte derniere prisez et estimez à la juste valeur et sans crue à raison de dix-huit livres le cent revenant le tout ensemble à la somme de

324 livres

- item sur un autre grenier joignant celuy cy-devant auquel s’est trouvé sept cent bottes de regain de luzerne prisez et estimez à raison de quatorze livres le cent à sa juste valeur et sans crue revenant le tout ensemble à la somme de

98 livres

- item dans la cour s’est trouvé sept cent de fagot et bourées acru ? de bois trou… dans ladite cour prisez et estimez à la juste valeur avec une corde d’autre bois faisant le tout ensemble la somme de

 86 livres

- item dans ladite cour s’est trouvé deux seaux ferré pour le puy, deux panier à cheval, le bas du cheval, une brouette, cinq traiteaux prisez et estimez le tout ensemble à la juste valeur et sans crue à la somme de

24 livres

- item une charrette montée sur ses roues garnye de son essieu de fer, une charue garnye de ses rouelle essoles de fer et hardiaux, avec deux herches prisez et estimez à la juste valeur et sans crü à la somme de

100 livres

- item dans une ecurie ayant entrée par la cour s’est trouvé deux chevaux sous poil noir hors d’age garni de leurs collier et selle ? et traite prisez et estimez à la juste valeur et sans crue à la somme de

200 livres

- item dans une etable joignant l’ecurie cy-dessus s’est trouvé trois vaches sous differents poils prisez et estimez à la juste valeur et sans crue ensemble à la somme de

162 livres

- item trois douzaines de poules et trois cocqs prisez et estimez

21 livres12 sous

Pièce n° 4

an 5, 6 floréal [1797, 26 avril]

Extrait de la vente de l’auberge du Grand Cerf et autres biens par les cohéritiers de Jean Laurent Héricourt, premier du nom, fermier à Neuilly-sur-Marne à Jean Laurent Héricourt fils également fermier à Neuilly-sur-Marne.

A. Minute de Me Herient ?, notaire à Neuilly-sur-Marne (Arch. dép. Seine-Saint-Denis, 2E1/67)

Dans une maison formant auberge à l’enseigne du Grand Cerf, au dit Neuilly grande rue dudit lieu composé d’une cuisine, salle … chambres et greniers dessus, granges ecuries, fournil, remises, cour, et autres dependances tenant d’un coté à la veuve Garnier ? de l’autre à la [ruelle ?] qui conduit aux aselles [?] et à la riviere de Marne par derriere à la veuve Bourot et autres et par devant sur la grande rue.

[…]

 Pièce n° 5

1816, 28 juin

Extrait du dépôt du cahier des charges pour la vente de l’auberge du Grand Cerf et autres biens, dépendant de la succession de Jean Laurent Hericourt, en son vivant cultivateur à Neuilly-sur-Marne.

A. Minute de Pierre Joseph Debionne, notaire de Neuilly-sur-Marne (Arch. dép. Seine-Saint-Denis, 2E1/67)

Premièrement en une maison sur la grande route de Paris à Lagny, en la grande rue dudit lieu de Neuilly-sur-Marne, à usage d’auberge, où pend pour enseigne le Grand Cerf, ayant son entrée principale par ladite rue et une autre par la ruelle de la cour Saint-Nicolas.

Cette maison consiste en un corps de logis, élevé de deux étages et en plusieurs bâtimens y attenant, tels qu’écuriers, vacheries, granges, remises, bergeries et autres accessoires le tout couvert de tuiles, contenant en superficie environ seize ares ou quarante perches, tenant d’un coté la ruelle Saint-Nicolas, d’autre Melle Denoui, d’un bout au nord, la grande rue, et d’autre bout à plusieurs.

Et un petite jardin dépendant de ladite maison, situé dans la ruelle de la cour du Tison, clos de murs ayant son entrée par ladite ruelle, contenant environ trente-deux ares ou quatre-vingt-deux perches, planté d’arbres fruitiers, tant en espalier, qu’à haute tige, et coupé par un mur transversal, au milieu duquel se trouve une allée dans lequel jardin sont deux puits et une petite resserre, il est borné, d’un côté, par la ruelle du tison, d’autre coté, M. Nougès, d’un bout au nord, le chemin de Neuilly à Rosny, sur lequel est une des entrées dudit jardin et d’autre bout les sieurs Fourcault et Lambert

Lesquels maison, batimens, cour, jardin et dépendnances, ont été, par le susdit procès-verbal de rapport d’expert, prisés et estimés la somme de cinq milles francs […]

 Pièce n° 6

1821, 19 novembre

Extrait de la vente de l’auberge du Grand Cerf par Laurent Furcy Izart, aubergiste et cultivateur, et Julie Pierrette Saunier, son épouse, demeurant à Neuilly-sur-Marne, au profit de Louis Marie Blampin, propriétaire et Louise Félicité Cornu, son épouse, demeurant à Fontenay-sous-Bois, moyennant 12.000F.

 A. minutes de Pierre Joseph Debionne, notaire de Neuilly-sur-Marne (Arch. dép. Seine-Saint-Denis, 2E1/66)

1er Une grande maison servant d’auberge, d’où pend pour enseigne le Grand Cerf, situé audit Neuilly-sur-Marne, en la grande rue dudit lieu, ladite maison ayant son entrée principale sur la rue, consistant en un corps de logis élevé de deux étages surmontés d’un grenier ; elle est composée au rez-de-chaussée d’une grande pièce à cheminée à droite en entrant faisant saillie sur la cour ci-après désignée, une grande salle au fond de ladite cuisine et dont la porte d’entrée est presqu’en face de celle de ladite maison, ladite salle ayant vue sur la cour ; une grande chambre à cheminée à gauche en entrant dans la cuisine, eclairée de trois croisées dont deux donnant sur la grande rue, plusieurs caves au-dessous desdites pièces au premier etage, une salle, une salle de billard, et plusieurs chambres et cabinets y attenant, quatre chambre au second, grenier au-dessus, un colombier à côté.

Une grande cour ayant son entrée par une porte cochère fermant à deux ventaux, sur la grande rue, ladite cour attenant à ladite maison, et la bornant au sud et au couchant.

À droite en entrant dans ladite cour, un fournil avec un grenier par-dessus et une cabane à côté.

Au fond de la cour et en face de la porte d’entrée, est un grand corps de batiment, servant d’ecurie, remises, bergerie, ledit bâtiment, au bout duquel est un hangard, ayant plusieurs greniers au-dessus.

À gauche dans ladite cour, une belle grange avec une grande ecurie à côté, un hangard ensuite, et un toit à porcq avec poulailler au-dessus.

Vers le milieu de la cour, un puit avec tous ses accessoires.

Lesdits maison et bâtimens ci-dessus désignés couverts en tuiles.

Le tout clos de murs de toutes parts, contenant en superficie environ quinze ares soixante-dix-huit centiares ou quarante perches.

Les dits immeubles tenant en totalité d’un côté du levant à une ruelle qui conduit au jeu de paume, d’autre côté du couchant à Mr. Samson, du nord sur la grande rue de Neuilly, et du midi à plusieurs particuliers.

2° et un jardin clos de murs de tous côtés, situé audit Neuilly-sur-Marne, en la ruelle du Tison, ayant son entrée par ladite ruelle et contenant en superficie en totalité trente-deux ares quatre centiares ou quatre-vingt-deux perches environ. Ledit jardin dans lequel existe un mur de refend qui le sépare en deux parties dans l’une desquelles est un petit batiment couvert de tuiles, servant de serre avec grenier au-dessus, planté de plusieurs arbres fruitiers en espalier et arbres, et une partie duquel jardin dans laquelle est un puits, est actuellement plantée en luzerne, l’autre partie où se trouve un autre puits est en potager. Il tient en totalité d’un côté du levant à ladite ruelle de la cour du Tison, d’autre côté du couchant à M. Izambert, d’autre bout du midi au sieurs Fourcault et Lambert, et d’autre bout du nord au chemin de Rosny

[…]

 Pièce n° 7

1822, 27 janvier

Extrait du bail pour 9 ans de l’auberge du Grand Cerf par Louis Marie Blampin, propriétaire demeurant à Fontenay-sous-Bois, à Charles Lafeuille, aubergiste et Marie Claude Coulan, son épouse, demeurant à Nogent-sur-Marne, moyennant 880F de loyer annuel.

A. minute de Pierre Joseph Debionne, notaire de Neuilly-sur-Marne (Arch. dép. Seine-Saint-Denis, 2E1/67)

1er. une grande maison servant d’auberge et où pend pour enseigne Le Grand Cerf, situé audit Neuilly-sur-Marne, en la grande rue dudit lieu ; ladite maison, actuellement occupée par Mr et madame Izart, précédent propriétaires, composée au rez-de-chaussée d’une grande pièce à cheminée servant de cuisine, une petite chambre à cheminée à droite en entrant dans ladite cuisine, et faisant saillie sur ladite cour ci-après désignée, une grande salle au fonds de ladite cuisine, et dont la porte d’entrée est presque en face de celle de ladite maison, une grande chambre à cheminée à gauche en entrant dans la cuisine, éclairée de trois croisées dont deux donnant sur la grande rue, plusieurs caves au-dessous desdites pièces.

Au premier étage, une salle de billard et plusieurs chambres et cabinets y attenant, quatre chambres au second, et un colombier à côté.

Une grande cour ayant son entrée par une porte cochère fermant à deux ventaux sur la grande rue, ladite cour attenant à ladite maison et la bornant au sud et au couchant.

Tous les batimens qui se trouvent construits dans ladite cour, à l’exception de la grange dont sera ci-après parlé. Lesquels bâtimens consistent en plusieurs etables, ecuries, remises, bergeries, hangards, etc.

Lesdits immeubles tenant en totalité d’un côté du levant à une ruelle qui conduit au jeu de paume, d’autre côté du couchant à M. Samson, du nord sur la grande rue de Neuilly et du midi à plusieurs particuliers.

Nota : n’est point compris dans la présente location une grange qui dépend de la maison sus désignée et qui la borne du côté du levant, laquelle grange fait l’encoignure de la grande rue avec la ruelle conduisant au jeu de paume, et se prolonge sur ladite ruelle jusqu’à un hangard qui se trouve au bout de ladite grange du côté du midi dans ladite cour : laquelle grange telle qu’elle se poursuit et comporte dans toute son étendue, le bailleur se réserve expressément.

2° Et un jardin clos de murs de tous côtés, situé audit Neuilly-sur-Marne, en la ruelle du Tison ayant son entrée par ladite ruelle et contenant en superficie en totalité trente-deux ares trente-quatre centiares ou quatre-vingt-deux perches environ ; ledit jardin dans lequel existe un mur de refend qui le sépare en deux parties tenant en totalité d’un côté du levant à ladite ruelle de la cour Tison, par laquelle il a son entrée, d’autre côté du couchant à M. Izambert, d’un bout du midi aux sieurs Fourcault et Lambert, et d’autre bout du nord au chemin de Rosny.

[…]

et ledit bailleur interdit formellement pour toute la durée dudit présent bail, la faculté de vendre du vin ni aucun autre liquide dans la grange par lui réservée, dans le cas où il lui conviendrait d’en faire une habitation, et il s’oblige, au cas où il viendrait à la louer pour l’habiter, d’imposer la même interdiction à son locataire pour tout le temps du présent bail

[…]

[acte signé en présence des témoins Jean-Pierre Veron et François Gaillet, aubergistes tous deux demeurant à Neuilly-sur-Marne]

NOTES

[1] L’Enquête sur les conditions de l’habitation en France, réalisée au XIXe siècle et publiée sous la direction d’Alfred de Foville, ne présente que 3 maisons-types de la Brie champenoise. La vaste enquête d’architecture rurale entreprise de 1942 à 1945 et publiée par les éditions Berger-Levrault entre 1977 et 1987, touche cette fois tous les pays composant notre région. Les relevés de seulement 10 exploitations sont donnés ; parmi ceux-ci, 4 grandes fermes, 2 moulins, 1 maison troglodyte, 1 maison vigneronne et deux petites exploitations briardes. (Francine de Billy-Christian & Henri Raulin, 1986).

[2] Le 60 de la rue Théophile Gaubert.

[3] Plâtre avec inclusions de charbon de bois et grosses inclusions de gypse.

[4] Plâtre à fines inclusions de gypse et quelques charbons de bois.

[5]Le rapport complet de l’étude dendrochronologique réalisé par Dendrotech est accessible au lien :
http://www.dendrotech.fr/fr/Ressources/Rapports/NeuillySurMarne_AubergeDuGrandCerf.pdf

[6] Gageons que l’épaisseur des revêtements actuels des murs masquent une mesure d’origine proche des 9 pieds.

[7] Noyau de 18 x 14 cm de section, mouluré aux quatre angles.

[8] Muret haut et large de 20 cm, construit en moellons calcaire liés au plâtre gris très riche en inclusions de gypse.

[9] Mesure prise à la verticale du nez de marche.

[10] Le mur ouest du pigeonnier est épais de 44 cm, composé de moellons de gypse liés par un plâtre gris riche en charbon de bois, et revêtu d’un enduit de plâtre blanc avec des inclusions de gypse et de charbon.

[11] Plâtre blanc avec inclusions de gypse et de charbon de bois.

[12] Les dimensions en plan sont : 22,5 x 12 cm, 20 x 12 cm, 20 x 12 cm, 25,5 x 14 cm, 21 x 14 cm et 23 x 14 cm.

[13] Arc large de 20 à 25 cm et haut de 12 à 13 cm.

[14] Leur longueur varie de 21 à 26 cm, pour une largeur de 13 à 15 cm.

[15] De simples paniers suspendus auraient au moins laissé des traces de clous, et d’utilisation sur les parois.

[16] Longueur 25-40 cm x 15-20 à 30 cm de hauteur.

[17] Plâtre blanc riche en inclusions gypseuses de taille moyenne + quelques charbons de bois.

[18] Les manuels d’agriculture anciens consultés rappellent tous qu’il vaut mieux ne pas entrer dans la soue du cochon, mais le nourrir depuis l’extérieur.

[19] Sans un travail poussé, il nous est impossible de savoir si les dimensions des fenêtres sont celles des baies d’origine.

[20] Plâtre riche en moyennes inclusions de charbon de bois, nodules de gypse et sable.

[21] Cette fontaine est encore visible sur les cartes postales anciennes, à l’angle de la rue Théophile Gaubert et de la rue du Docteur Peneau.

[22] Cette limite est matérialisée par de hauts murs participant aux habitations tournées vers le cours Saint Nicolas, îlot parcellaire adossé le long de toute la limite sud de la parcelle de l’auberge.

[23] Ces briques mesurent 22 x 8 x 6 cm.

[24] Mesure prise de pan à pan.

[25] Le Raphael, le Meurice et bien d’autres en font publicité.

[26] L’acte de vente de 1822 permet de localiser cette grange mieux que celui de 1821.

[27] Cassons de pavés de grès ?

[28] Dousset 1989, p. 188.

[29] Paoli 1986 ; Rambourg 2004, p. 66-67.

[30] Rambourg 2004, p 66.

[31] Cherel et Inglin, 1989-1990, p. 104.

[32] Chatenet et Faucherre 1999.

[33] Fox & Hughes 1993.

[34] Goëtz 1995, p. 149-154.

[35] Wolff 1960, p. 194 et 201.

[36] Roberts 1991, voir plan p. 154.

[37] Nous remercions Madame Claire Mabire la Caille d’avoir mis à notre disposition le résultat de ces dépouillements sur le sujet aux Archives départementales de Seine-et-Marne.


© CERAV


Référence à citer / To be referenced as : 

Jean-Yves Dufour

Étude du bâti de l'auberge du Grand Cerf à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) (A study of the architecture of the "Grand Cerf" inn at Neuilly-sur-Marne, Seine-Saint-Denis)

L'architecture vernaculaire, tome 36-37 (2012-2013)

http://www.pierreseche.com/AV_2012_dufour_grand_cerf.htm

27 novembre 2012

L’auteur :

Jean-Yves Dufour, archéologue Inrap, UMR 7041, équipe Archéologies environnementales

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