Jean Laffitte LA CABANE À LA CROIX DE LA COLLINE DU CHASTELAS À BANON (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE)
Résumé Du type « cabanon pointu », la cabane à la croix de la colline du Chastelas à Banon (Alpes-de-Haute-Provence) a été construite au tout début du XXe siècle. Elle a pour particularité d'être coiffée d'une croix en fer forgé fichée dans une pierre taillée en forme de globe. L'auteur évoque la possibilité d'un remploi provenant d'un petit oratoire rural démoli. Abstract A typical "cabanon pointu", the hut with the cross on the Chastelas hill at Banon, Alpes-de-Haute-Provence, was built at the very beginning of the 20th century. Its originality lies in its being crowned with a wrought-iron cross standing atop a globe-like carved stone. The author suggests the cross and globe may have been recycled from a demolished rural oratory Cette cabane en pierre sèche, située à Banon, dans les Alpes-de-Haute-Provence, a été redécouverte par mon ami Hubert Blond, auteur du livre Parcours poétiques du berger Albert [1]. C'est en sa compagnie que je m'y suis rendu par une belle matinée de juillet 2013. Le versant ouest de la colline du Chastelas a fait l'objet d'un déboisement intensif qui a mis au jour cette magnifique construction, encore entourée de quelques chênes verts que son propriétaire a voulu sauvegarder. Il n'y a aucune restanque aux alentours.
La cabane, du type « cabanon pointu », consiste en un corps de base cylindrique à fruit sous une collerettte de grandes lauses, et en un couvrement conique élancé, très légèrement en retrait, tronqué à son sommet. Elle a une hauteur intérieure de 4,10 m. Son entrée est orientée au sud.
Son propriétaire actuel, M. Blanc, agriculteur à Banon, a confié à M. Blond que son grand-père l'aurait édifiée au début du XXe siècle.
Le corps de base est bâti avec des pierres de calibre moyen contrairement au revêtement de la partie haute qui l'est avec de petites pierres plates. Le sommet du couvrement est arasé afin de recevoir une pierre sculptée en forme de boule, sur laquelle est fichée une croix en fer forgé.
À l'intérieur, trois orifices (à l'ouest, au nord et à l'est) réservés dans la paroi à 0,85 m du sol, laissent pénétrer la lumière mais surtout servent de fenêtres de tir pour la chasse. Le diamètre intérieur est de 2,80 m. L'épaisseur du mur est de 0,60 m.
L'entrée est couverte par un linteau et un arrière-linteau. La dalle de calcaire dur faisant office de linteau a été choisie légèrement arquée de façon à mieux résister à la poussée venant d'en haut.
La cabane montre quelques faiblesses surtout à la base du mur côté nord, où l'agencement des pierres est tel qu'il laisse voir le jour. Un ventre est d'ailleurs en train de se former.
Ce qui fait la particularité de ce cabanon pointu, c'est la présence, sur le faîte, d'une croix fichée sur une boule représentant le globe terrestre. Se trouvait-elle sur un oratoire qui aurait été détruit et dont cet élément aurait été récupéré pour servir ici de pierre faîtière ?
Quoi qu'il en soit, rares sont les cabanes surmontées d'une croix. Il en existe une près d'Uzès et une autre à Vers-Pont-du-Gard dans le Gard, ainsi qu'une troisième à Issendolus dans le Lot.
Si les épis de faîtage sont fréquents, ils ne sont pas souvent associés à des signes religieux comme ici. Des croix peuvent se trouver gravées sur un piédroit d'entrée ou sur le linteau en signe de protection, voire dessinées sous forme de pierres blanches encastrées dans la couverture comme à la cabane du Blanc à Theizé dans le Rhône [2] ou encore peintes sur le faîte de certains trulli d'Alberobello dans la province de Bari en Italie du Sud [3].
Alors pourquoi ici, à Banon, cette cabane a-t-elle fait l'objet de cette attention particulière de la part de son bâtisseur ? J'aurais plutôt tendance à penser qu'il s'agit de la récupération d'un élément d'un oratoire aujourd'hui disparu. Nombreux sont les oratoires ou les calvaires de la région qui sont surmontés d'une boule et d'une croix comme le montre la photo infra, prise au Contadour dans la montagne de Lure. On peut supposer que le bâtisseur aura surmonté sa cabane de cet élément de récupération pour afficher sa foi et montrer son appartenance.à la communauté catholique du village.
Plusieurs graffitis ont été gravés à l'intérieur de l'édifice :
La date la plus ancienne est 1908 mais elle n'est pas signée. Elle pourrait correspondre à l'année de construction et irait dans le sens des propos du propriétaire actuel, M. Blanc. On peut noter aussi que trois dates sont associées au mois d'août, qui correspond au mois de la récolte des lavandes (entre le 15 juillet et fin août). Malheureusement, les bois ont repris le terrain après l'abandon des terres, et la culture de la lavande s'est concentrée aux abords du village. Peut-être existait-il ici un champ de lavande au début de XXe siècle ? NOTES [1] Hubert Blond, Parcours poétiques du berger Albert, L'édition à façon, 2012.
[2] Cf. Christian Lassure (texte et photos), Vincent Lejoly (photos), La « cabane du Blanc » ou « cabane à la croix » à Theizé (Rhône), http://www.pierreseche.com/cabane_du_blanc.htm, 22 juin 2010.
[3] Cf. Christian Lassure, Les trulli ou casedde d'Alberobello (province de Bari, Italie) à travers les cartes postales et photos anciennes : III - Les avatars de la rue Monte Pertica au quartier Monti (1950-2010), http://www.pierreseche.com/alberobello_monte_pertica.htm, 20 janvier 2011.
© Jean Laffitte - CERAV Référence à citer / To be referenced as : Jean Laffitte La cabane à la croix de la colline du Chastelas à Banon (Alpes-de-Haute-Provence) (The stone hut with the cross on the Chastelas hill at Banon, Alpes-de-Haute-Provence) L'architecture vernaculaire, tome 38-39 (2014-2015) http://www.pierreseche.com/AV_2014_laffitte.htm 19 avril 2014 L'auteur : Jean Laffitte, spécialiste de l'architecture en pierre sèche, membre-correspondant du CERAV †
page d'accueil sommaire de Hommage à Michel Rouvière
|