Christian Lassure et Jean Le Gall LES CABANES DE CALPALMAS, ALIAS « LES CABANES DU BREUIL »,
Résumé Les « Cabanes du Breuil », ainsi qu'on les appelle aujourd'hui, se trouvent au lieu-dit Calpalmas à Saint-André-d'Allas, à 9 km de Sarlat et à 12 km des Eyzies. Il s'agit d'annexes agricoles de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe, ayant pour particularités d'être couvertes d'une voûte en pierre sèche revêtue d'une couverture de lauses et d'être agglutinées les unes aux autres. Elles dépendent de la ferme voisine (maison à étage couverte d'une bâtière de lauses sur charpente, et cour dont le porche d'entrée porte la date de 1841). Les cabanes présentent, dans leurs formes et leurs procédés, une unité architecturale très nette, signe qu'elles relèvent d'une même époque ou qu'elles ont eu le même constructeur. Leur architecture renvoie à celle des cabanes de pierre à toiture conique ou campaniforme visibles en d'autres points du Sarladais et dont le mouvement de construction va du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIXe. Abstract The "Huts at Le Breuil", as they are called today, are found at a place called Calpalmas at Saint-André-d'Allas, 9 km from Sarlat and 12 km from Les Eyzies. They are agricultural buildings dating from the late 19th century or early 20th, whose particular features are their having a stone-tile covering over a dry-stone corbelled vault and their huddling together in groups. They form part of the nearby farm (consisting of a first-floor house with stone-tile roofing over wooden trusses and an enclosure whose entrance gateway is inscribed with the date 1841). Owing to their forms and techniques, the stone huts boast a distinctive architectural unity, indicative of their belonging to one and the same period or being the work of a single builder. Their architecture refers to the other stone huts with a conical or bell-shaped stone-tile roof seen in various places of the Sarladais region and dated to a construction campaign spanning the years 1750-1900.
L'appellation « Cabanes du Breuil » désigne un musée privé formé des annexes agricoles d'une ancienne ferme située au lieu-dit Calpalmas à Saint-André-d'Allas en Dordogne, à 9 km de Sarlat et 12 km des Eyzies. D'après les cadastres (fig. 14 et 15), le lieu-dit est Calpalmas et non pas Le Breuil, qui est à proprement parler le nom du hameau se trouvant 500 m plus à l’ouest, ni Bois Legris, qui est un hameau situé plus au nord. Ces dépendances ont pour particularités d'être couvertes chacune d'une voûte encorbellée en pierre sèche revêtue d'une toiture de lauses et, pour certaines d’entre elles, de s’agglutiner en groupes.
Origines de l’appellation L'appellation « Cabanes du Breuil » a été popularisée, soit sous sa forme première, soit sous la variante « Bories du Breuil », par la littérature touristique régionale dans les années 1970 et par les cartes postales à partir des années 1980 (1). Classement comme monument historique C'est à la suite de la proposition d'un visiteur, frappé par la beauté et l'originalité de l'ensemble des cabanes, que celles-ci ont été protégées au titre des sites à partir de 1968. Le 10 mai 1995, elles devaient être classées monuments historiques ainsi que les façades et toitures en lauses de la maison d'habitation et de son fournil, la grange étant pour sa part déjà inscrite depuis 1991 (2). Disposition des bâtiments En dehors des cabanes, la ferme comprend d’une part un alignement formé d'une maison et d’un fournil classiques à bâtière de lauses sur charpente, d’autre part une grange disposée en vis-à-vis, couverte de tuiles mécaniques, le porche d'entrée de la cour entre la maison et la grange portant la date de 1841 (fig. 1, 2 et 3).
Les cabanes se répartissent en trois groupes.
Le groupe 1, lui-même formé de deux sous-groupes : - une file de trois cabanes bordant le côté amont de la cour de ferme et ouvrant sur cette cour : les deux premières constituent en fait une seule et même bâtisse (vraisemblablement un fenil), de plan au sol en forme de rectangle arrondi aux angles ; contre son extrémité arrière s'accole une cabane plus petite, de plan circulaire ; les toitures des trois cabanes étant reliées entre elles par un faîtage concave (en forme de « selle »), on a l'impression d'une seule et même bâtisse à triple toiture ; - deux cabanes disposées à angle droit et adossées, la première au pignon du fournil de la maison, la deuxième au gouttereau de ce même fournil, petit bâtiment à bâtière de lauses dressé contre le pignon de la maison ; l’accès à ces deux cabanes se fait par l’entrée du fournil dans la cour.
Le groupe 2, formé de deux autres cabanes – elles aussi accolées entre elles et reliées par une « selle » – se dressant parallèlement au premier groupe quelques mètres plus haut sur la pente (fig. 7). Elles ont chacune leur entrée propre.
Le groupe 3 réunissait – pour la clarté de l’exposé – une petite cabane et une grande cabane isolées situées plus en amont et une petite cabane à l'entrée du site. La grande cabane servait de bergerie entre 1950 et 1980 (fig. 12 et 13).
Cadastre moderne Sur le cadastre moderne (fig. 4), les bâtiments de ferme, hormis les cabanes éparpillées du groupe 3, occupent la parcelle 557.
Architecture Au plan de l'architecture, chaque cabane se décompose en trois éléments distincts (fig. 5) : - un corps de base en pierres maçonnées au mortier de terre (et non à sec), - une voûte de pierres sèches encorbellées et inclinées vers l'extérieur, - une toiture de lauses en forme de cloche avec coyau et rive débordante, qui vient recouvrir l'extrados de la voûte. Du fait de la déclivité du terrain, la rive des toitures rase le sol en amont (fig. 13).
Les entrées, disposées en aval, font toute la hauteur du corps de base. Elles ont pour piédroits des pierres taillées en parement et disposées plus ou moins en alternance de boutisses et de panneresses. Elles sont couvertes d'un linteau et d'arrière-linteaux en bois, juste sous la rive de la toiture. Une porte en bois les ferme.
Dans chaque toiture, s'ouvre, généralement à l’opposé de l’entrée, une large lucarne gerbière, dont les montants sont maçonnés et couverts d'une avancée de lauses reposant sur un linteau et des arrière-linteaux en bois. La rive de la toiture s'interrompt à leur niveau. Certaines lucarnes sont accessibles (pour la volaille ?) par une volée de trois ou quatre dalles laissées en saillie sur le nu du mur inférieur (fig. 11).
Chaque toiture est coiffée d'une grande dalle circulaire, taillée à la courbe.
À l'intérieur, à l'amorce de l'encorbellement, des poutrelles en bois forment le rudiment d'un plancher. Réfections et enjolivements Les cabanes ont fait l'objet, au tournant des années 1970 puis à celui des années 1990, d'importantes réfections. Certaines modifications ont été apportées aux faîtages : les toitures indépendantes des cabanes du groupe 2 ont été reliées entre elles sur deux tiers de leur hauteur pour faire pendant à la ligne de faîtage ondulée du groupe 1 (fig. 6, 7 et 10).
De même, le faîtage de la cabane contre le pignon du fournil, est passé ligne en courbe et contrecourbe à une ligne horizontale bien droite, comme celle du faîtage du fournil (fig. 8 et 9).
Dans une des cabanes, on trouve une fausse cheminée, édifiée en 1988 par les exploitants actuels afin de « mettre en valeur les objets des grands-parents ». Il s’agit de la famille Peyrot, qui était venue s’installer à Calpalmas dans les années 1950 et dont le le petit-fils est le propriétaire actuel (3). Légendes et réalités Selon le propriétaire du site, « Au Moyen Âge, les cabanes du Breuil étaient habitées par les Bénédictins de Sarlat ». La preuve en serait un acte de vente de « 1449, date de la plus vieille trace écrite affirmant leur existence ». Mais ce document, s’il existe, n'a jamais été publié et ses coordonnées comme sa teneur sont tenues sous le boisseau. De plus, le lieu-dit Calpalmas est à l’est du hameau du Breuil. Spécialiste de l’architecture en pierre sèche du Sarladais, François Poujardieu écrit, en 2002, que « Le Breuil était un des domaines des Bénédictins du Chapitre de l'Évêché de Sarlat, mais [qu’]il est écrit nulle part qu'existaient les cabanes que nous voyons aujourd'hui ». Il ajoute : « La propriétaire affirmait, il y a vingt ans, que les cabanes auraient été construites ou entièrement remaniées par son grand-père, au début du XXe siècle » (4).
Toujours selon le propriétaire du site, des artisans ruraux (un forgeron, un bourrelier et un tisserand) auraient loué certaines des cabanes pour y exercer leur activité mais aucun élément textuel n'est apporté qui corroborerait cette affirmation. Dans la cabane qui aurait servi à un forgeron, trône un gros soufflet devant un renfoncement de la maçonnerie ayant servi d’âtre. Une carte postale des années 1970 montre la même cabane servant de bergerie : une dizaine de brebis en sort, sous la houlette des agriculteurs de l'époque. Sa date de construction est connue : le début du XXe siècle (fig. 12 et 13).
Cadastre napoléonien La ferme de Calpalmas est figurée dans la parcelle 497 de la section A du cadastre napoléonien terminé sur le terrain le 4 juillet 1834 (fig. 15). Elle se limite à une maison d’habitation au plan en L, une file de trois cabanes, une cabane à un angle de la maison et un bâtiment de plan carré dans la parcelle 501. Les parcelles 495, 500 et 501 sont des vignes (figurées par le symbole v), la parcelle 494 est une terre (symbole t). Sur la matrice cadastrale, le propriétaire de la maison 497 est madame Boussat veuve.
Datation En dehors du porche d’entrée de 1841, aucune date absolue n’est disponible. On peut penser que les éléments bâtis portés sur le cadastre napoléonien de 1834 datent du début du XIXe siècle ou peut-être de la fin du XVIIIe et que les autres datent de la deuxième moitié du XIXe siècle voire du début du XXe. Quoi qu’il en soit, l’architecture des cabanes de Calpalmas renvoie à celle des cabanes de pierre à toiture conique ou campaniforme visibles en d'autres points du Sarladais et dont le mouvement de construction va du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIXe (5). NOTES Le présent article repose en partie sur la couverture photographique du site et les recherches aux Archives de Périgueux effectuées par l’un des auteurs, Jean Le Gall, en septembre 2007.
(1) Jean-Claude Carrère, « Cabanes du Périgord, mythes et réalités », dans Périgord-Magazine, n° 190, novembre 1981, pp. 17-19.
(2) Référence PA00083093, « Maison d'habitation et cabanes en pierre sèche du Breuilh », base Mérimée, ministère français de la Culture.
(3) Franck Delage, Des cabanes qui abritent nos racines, in Sud-Ouest, 30 novembre 1992.
(4) François Poujardieu, Les cabanes en pierre sèche du Périgord, Éditions du Roc de Bourzac, 2002, 107 p., en part. pp. 43-44.
(5) Christian Lassure (texte), Dominique Repérant (photos), Cabanes en pierre sèche de France, Edisud, 2004, en part. chap. « La tradition constructive ».
© CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure et Jean Le Gall Les cabanes de Calpalmas, alias « les Cabanes du Breuil », à Saint-André-d’Allas (Dordogne) (The Calpalmas huts, aka "les Cabanes du Breuil", at Saint-André-d'Allas, Dordogne) L'architecture vernaculaire, tome 38-39 (2014-2015) http://www.pierreseche.com/AV_2014_lassure_le_gall.htm 25 janvier 2015 Les auteurs : - agrégé de l'université, professeur honoraire, Christian Lassure est archéologue et ethnologue. - Jean Le Gall est président de l'association Aréthuse.
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