Série : Cartes postales anciennes montrant des cabanes en pierre sèche 12 - LA CABANE EN PIERRE SÈCHE DE GANAGOBIE (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE) : DE LA « HUTTE DES CAVARES » À LA « BORIE DE GANAGOBIE » Series : Old Postcards Showing Dry Stone Huts 12 - THE DRY STONE HUT OF GANAGOBIE, ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE: FROM THE « HUTTE DES CAVARES » TO THE « BORIE DE GANAGOBIE »
Christian Lassure
S'il est une cabane en pierre sèche souvent photographiée, c'est bien celle-ci, située à Ganagobie dans les Alpes-de-Haute-Provence. Il est vrai qu'un chemin passe devant sa porte...
La cabane semble avoir commencé sa carrière en tant que motif de carte postale dans les années 1920-1930, date de notre première carte postale à en juger par le ton sépia et le liseré blanc. Apparemment, l'édifice n'a pas retenu l'attention des éditeurs de l'âge d'or. Force est de reconnaître que la cabane arrête le regard par sa forme imposante mais harmonieuse : la muraille verticale a un fruit très prononcé et la toiture a la forme d'un chapeau chinois aux bords légèrement relevés et au sommet arrondi. Mais la caractéristique la plus remarquable est la large entrée, couverte par un arc en plein cintre, système assez peu courant. La légende, imprimée sur le recto même, indique « Hutte des Cavares ». Il faut savoir que les Cavares étaient un peuple du sud-est de la Gaule, qu'ils occupaient un territoire comprenant les villes d'Orange, d'Avignon et un oppidum proche de la ville de Cavaillon. Cette carte postale constitue donc un avatar du vieux mythe de la cabane en pierre sèche gauloise. Dans une deuxième carte postale, de la même décennie que la précédente à en juger d'après le liseré blanc, le photographe s'est concentré sur la bâtisse elle-même, ce qui permet de mieux en distinguer les traits morphologiques et architecturaux.
Dans l'embrasure de l'entrée, on distingue, sur la droite, une porte en bois entrouverte. À une cinquantaine de centimètres sous la rive de la toiture, coure une arase de gros moellons plats. Des lauses sont descellées sur le faîte de l'édifice. Le poème en provençal présent au verso de la carte, donne lui aussi dans la fiction d'une cabane vieille de deux mille ans : Je suis l'œuvre d'un peuple sauvage Du félibre BÉRARD H. Sur les cartes postales semi-modernes postérieures (c'est-à-dire des années 1950-1960), l'attribution aux Cavares disparaît, seule reste la mention « hutte dite gauloise ».
Malgré le léger flou de la reproduction, il est patent que la toiture est en mauvais état, qu'il y a des désordres (en particulier au sommet) et que des feuilles d'arbre s'y déposent. La décennie 1980 voit la couleur apparaître sur le recto ainsi que la mention « borie » sur le verso, comme sur la carte postale ci-dessous.
On constate que les arbres qui encadrent l'arrière de la cabane ont bien poussé et que leurs frondaisons, qui surplombent désormais la toiture, ne présagent rien de bon pour la survie des lauses, envahies par les déchets de feuilles et la mousse. Dans les années 1990, il n'est plus question que de « Borie de Ganagobie », formulation qui en jette bien plus que « cabanon pointu »... Ce qui n'est en fait qu'un « cabanon pointu » existe toujours en ce début de XXIe siècle : il se dresse au milieu du clos de l'abbaye bénédictine de Ganagobie, vaste carré ceint d'une haute clôture de pierre sèche qui se situe à l'est du monastère et qui servait autrefois de jardin, vignoble et verger à la communauté monastique. L'accès du clos étant réservé aux moines et aux personnes faisant retraite à l'abbaye, les promeneurs du plateau de Ganagobie ne peuvent s'approcher de la cabane (1).
Une photo en noir et blanc, prise par le photographe sisteronnais Saint-Marcel Eysseric (1831-1915) au début du XXe siècle, met en scène un moine de l'abbaye et un excursionniste devant le cabanon en pierre sèche (2).
Le moine encapuchonné s'absorbe dans la lecture de son bréviaire tandis que l'excursionniste porte ses jumelles à ses yeux. NOTES (1) Renseignements aimablement communiqués à l'auteur par Stéphane Ledoux, murailler ayant réparé plusieurs brèches du mur du clos. Nous lui devons également la reproduction de la photo de Saint Marcel Eysseric et la vue du clos depuis le ciel (sur la réparation du mur, cf. Stéphane Ledoux, Interventions sur le mur en pierre sèche du clos de l'abbaye de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence), dans le présent site). (2) Lors de ses nombreuses excursions, il s’est attaché à représenter le patrimoine architectural de ce qui était à l'époque les Basses-Alpes. On lui doit de nombreux clichés sur les vestiges de l'abbaye de Ganagobie. Pour imprimer, passer en format paysage To print, use landscape mode
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Référence à citer / To be referenced as :
Christian Lassure Série : Cartes postales anciennes montrant des cabanes en pierre sèche 12 - La cabane en pierre sèche de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) : de la « hutte des Cavares » à la « borie de Ganagobie » (The dry stone hut of Ganagobie, Alpes-de-Haute-Provence: from the "hutte des Cavares" to the "borie de Ganagobie") http://www.pierreseche.com/cabanes_et_cartes_postales_12.htm 31 janvier 2009 |