LE CALVAIRE EN PIERRE SÈCHE DE COËT-CORREC À MÛR-DE-BRETAGNE (CÔTES-D'ARMOR) The dry stone calvary of Coët-Correc at Mûr-de-Bretagne, Côtes-d'Armor Christian Lassure Photos du calvaire par Jean Le Gall En 1987, mon ami et collaborateur Jean Le Gall me fit découvrir les vestiges impressionnants et insolites d'une structure en pierre sèche se dressant dans un champ au lieu-dit Coët-Correc sur la commune de Mûr-de-Bretagne dans les Côtes-d'Armor (anciennement Côtes-du-Nord).
Enjambant tranversalement les dalles en désordre d'une allée couverte néolithique orientée ouest nord-ouest / est sud-est, une sorte de pont formé de deux rampes opposées avait été entaillé en son milieu d'une large brèche lors de fouilles archéologiques conduites en 1984-1985. On discernait encore les départs de la voûte clavée en anse de panier qui, avant les travaux, franchissait les dalles dressées du monument.
Conscient de l'intérêt de cet édifice pour la connaissance de l'architecture en pierre sèche de la Bretagne, je procédai, avec Jean Le Gall, à un rapide relevé des restes de la mieux conservée des deux rampes – celle orientée au nord nord-est – ainsi qu'à une couverture photographique en noir et blanc de l'ensemble.
Longue de 6,40 m et large de 3,54 m à la base, la rampe faisait encore 4,10 m de hauteur (par rapport au niveau du sol à son départ). Elle était séparée de la rampe opposée par un intervalle de 2,20 m. À la place d'un fruit régulier, chacun des flancs de la rampe présentait trois retraites successives, la première (à 80 cm de haut) de 6 cm de profondeur, la deuxième (à 2 m de haut) de 9 cm de profondeur, la troisième (à 3,70 m de haut) de 6 cm de profondeur, ce qui donnait les largeurs dégressives suivantes : 3,54 m, 3,42 m, 3,23 m.
Autre caractéristique : les marches ménagées sur le dessus de chaque rampe, au lieu d'être rectilignes dans le plan horizontal, étaient incurvées et avaient un léger pendage de la périphérie au centre, sans doute pour favoriser l'écoulement de l'eau de pluie.
Par bonheur, des cartes postales du début du XXe siècle permettent de se faire une idée de l'élévation originelle de l'édifice. Sur l'une – légendée « Calvaire abritant une Allée couverte à CAUREL (C.-du-N.) »(1) – l'escalier double, photographié de face depuis le nord-ouest, se termine par une petite plateforme sur laquelle se dresse un massif de pierre surmonté d'une croix. Une niche en forme d'ogive est réservée dans la maçonnerie au sommet de la structure, juste sous le calvaire. Un personnage est assis sur son séant sur une des dalles de couverture de l'allée, juste sous l'arche en anse de panier. Un deuxième personnage, debout contre le flanc de la rampe sud sud-ouest, regarde l'appareil photo. L'escalier, de ce même côté, compte au moins 22 marches.
Une deuxième carte postale, également légendée « Calvaire abritant une allée couverte à Caurel (C.-du-N.) », montre une vue prise de l'arrière de l'édifice. Sur la plateforme sommitale, respectivement à gauche et à droite du massif de pierre, posent un photographe, la main posée sur sa chambre obscure et son trépied, un curé en soutane et un chien. Sur le haut des marches, un monsieur sous une ombrelle échange quelques paroles, semble-t-il, avec une dame qui, en prenant appui de la main sur une marche, le regarde depuis le bas de la rampe.Une quatrième personne est assise quelques marches plus bas.
Une enquête orale conduite par Jean Le Gall lève le voile sur l'origine de ce singulier calvaire dont le moment de gloire (du moins sur les cartes postales) semble avoir été le début du XXe siècle. En 1987, l'ancienne propriétaire du terrain (aujourd'hui communal), Mme Le Bars, disait avoir acheté celui-ci 18 ans auparavant (soit en 1969), à une certaine Mme Gallerne. C'est l'oncle de cette dernière, un certain Mathurin Le Flohic, « agriculteur très pieux » et célibataire, qui en fut le bâtisseur à la fin du XIXe siècle.
On a voulu voir dans l'érection de ce calvaire au-dessus de l'allée couverte, la christianisation d'un monument païen. À ce compte là, la disparition de la croix avant 1975 puis l'éventrement de l'escalier double par les fouilleurs, seraient comme une revanche du paganisme sur le christianisme !
Aujourd'hui, la bâtisse de Mathurin Le Flohic a retrouvé son arche de lauses et quelques assises de maçonnerie au-dessus, mais la non reconstruction des parties supérieures rend incompréhensible pour les visiteurs la présence de cette double rampe en pierre sèche. Alors que l'allée couverte de Coët-Correc – qui est monument historique depuis un arrêté pris le 8 novembre 1956 – a vu ses pierres redressées par les archéologues, il nous paraît tout à fait justifié que le calvaire qui le surplombait soit remis dans son état initial, non seulement à titre de manifestation populaire de la foi chrétienne mais aussi à celui de tour de force architectural d'un paysan breton.
NOTES
(1) Sur une autre édition de la même vue, on peut lire « Allée Couverte de CORN-COAT surmontée d'un CALVAIRE entre Mûr-de-Bretagne et Caurel ». Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as :
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