L’ARCHITECTURE VERNACULAIRE DES PAYS DU CENTRE AU XIXe SIÈCLE Christian Lassure L'actuelle région du Centre regroupe les entités historiques que sont le Berry, l'Orléanais, le Blésois et la Touraine. Ces entités se subdivisent en une vingtaine de pays différenciés par la géologie, le relief, le paysage, etc. Même si le XIXe siècle a vu une extension du faire-valoir direct, l'habitat rural d'une bonne partie des pays du Centre porte la marque du mode d'exploitation de la terre qui a régné aux XVIIe et XVIIIe siècles : le faire-valoir indirect, où le propriétaire d'un "domaine" baille celui-ci, en métayage ou en fermage, à un paysan – le "maître" – qui dirige domestiques, valets et manouvriers. Le domaine s'incarne dans la ferme à cour centrale – ouverte ou fermée – et à vaste grange. C'est le cas dans l'Orléanais, la Sologne, la Beauce chartraine, le Berry, la Brenne tourangelle. En Sologne, deux lignes de bâtiments encadrant la maison d'habitation, délimitent une cour ou « aireau » qui n'est jamais complètement fermée : d'un côté la grange avec son auvent abritant l'aire à battre, de l'autre les écuries ou la bergerie. La cour est en forme de cuvette pour la préparation du fumier. Dans le Berry, la cour est entourée de bâtiments sur les quatre côtés, un passage étant toutefois ménagé à chaque angle : il s'agit en fait d'une ancienne cour commune aux habitants d'un hameau dont les maisons, sauf une, ont été transformées en dépendances. Dans la Beauce chartraine, la cour est complètement fermée; l'accès unique est un porche charretier accoté d'une entrée piétonne.
Dans ces fermes, la maison d'habitation, toujours à façade en gouttereau, obéit à divers types de plan : Un élément fonctionnel et architectural important du domaine est la grange, dont le type le plus remarquable et le plus ancien est celui à nef et bas-côtés et à charpente à couples de poteaux, présent en Sologne, dans la Champagne berrichonne et dans le Pays Fort. Dans l'Orléanais, la Sologne et le Berry, l'exploitation du domaine se faisait à l'aide de l'abondante main d'œuvre des locaturiers habitant dans les hameaux ou villages à proximité. L'habitation du locaturier – la locature – était une maison basse, à pièce unique, prolongée d'une étable à un bout et flanquée, à l'autre bout, d'un four adossé à la cheminée intérieure. Emergeant du haut du gouttereau-façade, une lucarne-porte avec échelle à demeure, donnait accès au grenier. Contre la paroi intérieure, à côté de l'entrée, était ménagé un évier rudimentaire, ou bassie, en pierre ou en briques. Il était courant d'avoir deux locatures jumelées, voire toute une série alignées à la sortie d'un bourg.
Apparues au XVIIe siècle, les locatures sont devenues des « fermettes » indépendantes au XIXe siècle et se sont confondues avec les petites exploitations en faire-valoir direct nées de la vente des Biens Nationaux et alignant habitation et dépendances en un seul corps de bâtiment, en particulier dans les pays de bocage mariant élevage et polyculture. L'habitat rural des pays du Centre ne se limite pas au couple domaine-locatures et à la « fermette »; citons également : Une place à part revient aux habitations troglodytiques ou caves demeurantes, creusées dans les falaises de « tuffeau » des coteaux de la Loire et de ses affluents, dans le Vendômois et en Touraine. Si avant le XVIIe siècle toutes les classes sociales ont eu recours à cet habitat, il a été par la suite progressivement abandonné à la population la plus pauvre ou relégué à des fonctions annexes.
Enfin, il faut mentionner tout un habitat temporaire lié aux activités viticoles et forestières :
La région du Centre a vu, au XIXe siècle, un important mouvement de reconstruction de son habitat rural, caractérisé par la généralisation des matériaux extraits de carrières ou produits industriellement. Le pan de bois hourdé de torchis, sur solin de rognons de silex ou de briques, a été le matériau de construction des bâtiments ruraux en Sologne, en Puisaye, dans le Perche, en Gâtinais et dans le Pays Fort jusque vers 1840, qu'il s'agisse du pan de bois à grille de potelets ou du pan de bois à petits cadres superposés. À partir de cette date, la brique s'est généralisée, en particulier en Sologne et dans le Perche, d'abord en remplacement du torchis des pans de bois (appareils en boutisses disposées à plat ou « en feuilles de fougères »), puis gagnant les pays riverains, dans l'édification de la totalité des murs (décors de losanges en briques flammées). En Berry, en Touraine et dans une bonne partie de l'Orléanais, la pierre calcaire extraite de carrière s'est imposée : moellons irréguliers, laissés apparents ou crépis dans la Beauce, le Berry, le nord du Gâtinais, mais surtout le tuffeau en blocs taillés appareillés, omniprésent du Vendômois à la Touraine. Sur les toitures, le glui et les bardeaux ont été remplacés par les tuiles plates et les ardoises qui supportent les mêmes pentes raides. L'ardoise, importée d'Anjou par voie fluviale ou par chemin de fer, s'est imposée surtout en Touraine et dans le Val de Loire.
BIBLIOGRAPHIE BAILLY, Pierre, 1969, 'Notes sur l'habitat rural traditionnel dans le nord du département du Cher', in Cahiers d'archéologie et d'histoire du Berry, No 16, pp. 15-27 (Bourges : Archives Départementales) Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV À référencer comme suit : Christian Lassure page d'accueil sommaire architecture vernaculaire
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