LA DATATION DES CABANES EN PIERRE SÈCHE D'APRÈS LES MILLÉSIMES GRAVÉS DANS LA PIERRE Christian Lassure
Traduction de la communication faite en anglais au 10e Colloque Alps Adria Mesdames et Messieurs, Monsieur le Président. Je tiens tout d’abord à vous dire combien je suis heureux d’être parmi vous et d’avoir la possibilité de vous présenter mon travail d’inventaires sur les inscriptions millésimées rencontrées sur les cabanes en pierres sèche en France. Cet inventaire, qui est encore en cours, consiste Par « inscription millésimée », il faut entendre : Ces inscriptions sont disposées en différents emplacements des édifices, en particulier : Pour chaque millésime rencontré se pose la question de savoir L’examen individuel de chaque millésime doit permettre de répondre à ces interrogations, mais, de façon plus générale, on peut faire un certain nombre de constatations sur la plus ou moins grande pertinence de ces millésimes pour une datation. Les millésimes exploitables pour une datation sont : Moins exploitables pour une datation sont : 1 - Cette cabane se trouve près de la ville d'Uzès dans le département du Gard. Construite en pierre calcaire, elle a la forme d'une pyramide aux quatre faces convexes. Sur la face inférieure de la dalle de couvrement, est incisée, sur trois registres, l'inscription : CA / 1824 / LE 1824 étant l'année d'achèvement de la construction, CA et LE les initiales des bâtisseurs. À cette inscription, en fait écho une autre, qui se déploie sur le linteau de l'entrée : 1823 1824 Faute d'informations, nous ne savons pas qui étaient CA et LE ni la durée précise de la phase de construction. Quoi qu'il en soit, en 1824 la France était sous le règne de Charles X. 2 – Cette cabane est située dans le même département que la cabane précédente, près du village de Barjac. Faisant partie d'une large muraille, elle est découronnée dans sa partie supérieure. Le millésime 1712 est gravé sur la parement du linteau. S'il s'agit de la date de construction, elle nous renvoie à la fin du règne de Louis XIV. 3 – Cette cabane se trouve dans le département de de la Haute-Loire, près de la ville de Vals. Elle dresse son couvrement conique au-dessus d'une façade plane. Le matériau employé est le basalte, sauf pour l'entrée qui est en brèche basaltique. Le linteau porte la date 1808. À l'époque la France avait pour empereur Napoléon. 4 – Cette cabane se trouve également en Haute-Loire, près du village de Polignac. Elle est à façade plane et à toit conique. Elle est remarquable par son encadrement d'entrée en brèche volcanique, dont le linteau arbore le millésime 1736 (ou 1786) entre les initiales P et C. Il se pourrait bien que ce bel encadrement ait été récupéré sur une maison de village : les fissures visibles semblent indiquer qu'il n'a pas été correctement remonté. En l'occurrence, cette inscription millésimée n'est pas exploitable. 5 – 6 – Cette cabane nous ramène dans le département du Gard, près de Barjac. L'édifice est incorporé à une large muraille et son couvrement est en forme d'ogive. Le matériau de construction est le calcaire. Le millésime 1850 a été gravé sur une pierre de l'encadrement de l'entrée manifestement après son édification. Etant donné son emplacement peu visible, cette inscription renvoie moins à la date de construction de l'édifice qu'à une péripétie ultérieure, par exemple un changement de propriétaire. Mais il n'y a aucune certitude. 7 – Nous nous trouvons à présent dans le département de la Dordogne, près du village de Sorges. Nous avons là une cabane en piètre état : l'assise de belles dalles sablières à la base de la toiture conique a été retirée. À l'intérieur, une cheminée rudimentaire est réservée dans la paroi. Une inscription est visible sur son linteau : le millésime 1894 au-dessus des initiales BJ. Il est difficile de dire si cette inscription est le fait du propriétaire bâtisseur ou la marque laissée par quelque visiteur ou utilisateur ultérieur. 8 – Cette cabane se trouve dans le département de l'Aube (c'est-à-dire en Champagne), près de la ville des Riceys. Il s'agit d'une cabane de cantonnier, édifiée en bordure de route. Bâtie en matériau calcaire lié au mortier, elle est couverte par une voûte d'encorbellement. Une pierre d'un des montants porte l'inscription : FAIT LE 6 DC Autrement dit, l'édifice a été achevé le 6 décembre 1842. Nous avons là une revendication peu commune. En 1842, la France avait pour roi Louis-Philippe Ier. 9 – On rencontre des millésimes non seulement sur les cabanes en pierre sèche mais aussi sur les murs des champs. À preuve les deux exemples suivants : - le premier millésime – 1845 – est pris sur une muraille de calcaire dans le département des Alpes-Maritimes. - le deuxième – 1928 – se trouve dans les Pyrénées-Orientales. Ici, la date n'est pas gravée dans la pierre, elle est réalisée en pierres blanches micacées disposées sur le parement d'un mur de terrasse en pierres schisteuses brunes, et ce de façon à figurer les chiffres 1, 9, 2, 8. Cette inscription est manifestement l'affirmation du savoir-faire du murailleur.
10 - Ce graphique, échafaudé à partir de 87 millésimes représentant des dates de construction jugées fiables, nous donne une vision d'ensemble du mouvement d'édification des cabanes en pierre sèche en France. Ce mouvement, qui s'amorce au début du XVIIIe siècle, démarre véritablement à partir de 1750, grimpe de façon plus ou moins régulière jusqu'à un pic pendant la décennie 1820-1830 (fin du règne de Louis XVIII - début du règne de Charles X), pour redescendre sensiblement sous Louis-Philippe et la Deuxième République (jusque vers 1850) puis remonter fortement pendant les deux décennies du Second Empire, dégringoler après la chute de celui-ci, repartir dans la décennie 1880-1889, et enfin chuter à nouveau et s'arrêter à la fin des années 1900-1910. On gardera présent à l'esprit le fait que ce graphique ne repose que sur 87 millésimes et que des modifications de détail (ne remettant pas en cause cependant l'évolution mise en évidence), ne sont pas exclues si de nouvelles dates nous sont signalées. J'en ai terminé. Merci de m'avoir écouté. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer : Christian Lassure |