GLOSSAIRE FRANÇAIS-AUBAISIEN DE « LA PIERRE SÈCHE » Sources - Claude Bouet, Les cabanes d'Aubais, l'auteur, juin 1990. - Claude Bouet, Micro-géographie de l'habitat agreste d'un terroir du Soubergues (Languedoc Oriental) : les cabanes d'Aubais (à la découverte des capitelles), END, Nîmes, 1994, édition réalisée avec le concours du Conseil général du Languedoc-Roussillon. - Claude Bouet, Le point sur la problématique des bocages lithiques, sous la direction de Claude Bouet, Actes de la journée d'étude du 14 septembre 1994, Ministère de l'environnement, Sous-direction de l'aménagement et des paysages, et Association "Pierre sèche et patrimoine aubaisien", 1994. * * * Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Telle semble être la devise de M. Claude Bouet, décrivant les cabanes en pierre sèche de la commune d'Aubais dans le Gard. Il travestit en effet les choses les plus prosaïques sous les oripeaux d'un fascinant jargon surréaliste dont il a le secret. Cette langue si curieusement alambiquée a éveillé en nous quelques velléités lexicographiques dont on trouvera ci-dessous le résultat. A . abri temporaire en pierre sèche : habitat mineur de pierre sèche qui n'a jamais pu être honoré du qualificatif de maison B . banc de pierre : banquette de repos C . cabane de brassier : élément essentiel de la richesse immobilière du brassier parvenu à se hisser au-dessus de sa modeste condition au sein de la société agro-rurale de l'Ancien Régime D . dalle fermant la voûte : ultime et minuscule orifice circulaire terminal, enfin operculé par la lourde lauze sommitale E . écroulement : écoulement (sic) subnaturel F . fenestron : orifice de communication avec l'extérieur H . herbe sur le toit : couverture d'une formation humifère I . inscription sur la paroi : glyphe pariétal intérieur J . jour : voie d'entrée de la lumière L . lauze calcaire : lauze de calcaire lithique M . maçon à pierre sèche : expert capitellaïre du village N . niche : alvéole de rangement O . ostentatoire : matérialisant la reconnaissance d'un degré supérieur d'aisance économique P . parcelle cultivée : unité de production parcellaire R . réfractaire à la conscription : réfractaire à la circonscription S . sauvetage : processus de sauvetage T . terroir ancien : terroir torturé par les vicissitudes d'une très ancienne et complexe occupation et d'une longue histoire agraire V . variété des fonctions : éventail ouvert des fonctions supposées MORCEAUX CHOISIS L'orientation de l'ouverture est-elle le révélateur complémentaire d'une éthologie individualiste, d'un comportement religieux lié aux forces telluriques, ainsi que certaines hypothèses l'ont avancé en d'autres lieux, ou plus simplement d'une praxis ordonnée vers la recherche d'une protection ou d'un bien-être relationné avec les éléments naturels : vent, soleil, eau ? Ce constat ouvre le champ de plusieurs hypothèses, tout en ébranlant une évidence. La cabane type paraît conçue pour permettre à 4 personnes de petite taille et corpulence, de se tenir debout et serrées, sans possibilité de se mouvoir ni d'étendre les membres. L'agrégat de ces zones, selon des critères d'homogénéité topographique (plaine - coteau - colline), s'ordonnerait par coalescence territoriale et cohésion socio-ethnique en un pan homogène de l'oekoumène qualifié de terroir. La stabilisation de l'agglomération urbaine sur son site définitif, au centre approximatif de l'espace territorial qu'il commande à partir d'un réseau étoilé de voies de relation et de desserte intercommunales ou vicinales, à l'image - liliputienne quoique ressemblante jusqu'à la caricature de l'agglomération parisienne face à son environnement familier - lui confère une référence de polarisation centrifuge déterminante. Au cours de cette longue période, la décentralisation et la dispersion de cet habitat devenu secondaire ont impulsé la diversité de ses fonctions simultanées ou successives au gré des aléas de l'histoire foncière et agraire ou de l'histoire politique évènementielle. L'intrant constitué par le moellon taillé parallélépipédique dans l'appareillage du chaînage angulaire des murs et du chambranle de l'ouverture laisse supposer une maîtrise architecturale très forte impliquant le jeu d'une main-d'œuvre qualifiée, nombreuse donc spécialisée et chère, que la société rurale et paysanne locale ne peut secréter, mais à qui certains de ses membres ont le moyen de faire appel. Les immenses tentacules du lierre ou de la salsepareille étouffant des pans de murs ou des édifices entiers, les protègent ainsi d'un écoulement (sic) subnaturel, à la manière des ficus banyans "protecteurs" des statues d'Angkor Vat, ou du zèle besogneux et irresponsable des braconniers ou des vandales amateurs de fossiles. Le lot de 92 cabanes répertoriées représente (...) le profil bas du patrimoine immobilier vernaculaire encore vertical et habitable à l'époque de la première guerre mondiale. La vieille génération des agriculteurs "vrais" s'acheminant vers l'extinction, la mémoire paysanne collective de l'emplacement des cabanes s'effrite et s'éteint elle aussi, comme s'écroulent sur elles-mêmes, faute d'entretien, les cabanes victimes des pillards, des chasseurs et autres prédateurs. Les 29 amoncellements de lauzes ruinées ne suggèrent rien d'autre que l'intérêt statistique et localisé d'une existence révolue. L'éveil de cette prise de conscience devrait interpeller un public averti et les responsables communaux initiateurs de mesures générales et d'actions spécifiques de sauvegarde et - pourquoi pas ? - de sauvetage d'urgence. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure, page d'accueil sommaire lexiques
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