LES « JARDINS SUSPENDUS » DU RÉCATADOU À LABEAUME (ARDÈCHE)

THE RÉCATADOU "HANGING GARDENS" AT LABEAUME, ARDÈCHE

Michel Rouvière

Les « jardins suspendus » du lieu dit Le Récatadou à Labeaume, dans le sud de l'Ardèche, sont des terrasses aménagées dans les parties verticales d'un promontoire calcaire dominant, en rive gauche, les gorges de la rivière Beaume. Ces aménagements, à l'abandon depuis un demi-siècle, dépendaient d'une ferme du même nom (1).

Après avoir abrité une colonie de vacances de petits Lyonnais, le bâtiment a été transformé en salle polyvalente par la municipalité de Labeaume, propriétaire des lieux.

Le site a été débroussaillé en 2007 par les membres de l'association « Dolmens et patrimoine de Labeaume ». La municipalité envisage de faire restaurer murs et escaliers effondrés dans la perspective d'une mise en valeur touristique.

Cadastre de 1946.

A la recherche de parcelles cultivables, les propriétaires des lieux eurent l'idée de bâtir de petites terrasses sur la falaise, à l'aplomb de la rivière. À cet effet, ils construisirent des murs de gros blocs, posés au ras du vide et bien ajustés les uns aux autres, permettant de contenir la terre et de cultiver en sécurité. Les jardinets obtenus sont petits, de surface inégale, et étagés. On y accède par des escaliers, des rampes et des passages couverts.

A l'extrémité nord-ouest des jardins, se trouve un puits-citerne alimenté par un impluvium de grandes dalles calcaires plus ou moins jointives, inclinées vers le puits. Une grande citerne, réservée entre deux rochers, a perdu son étanchéité mais a gardé son enduit extérieur. Au fond, existe une bonde de vidange. Cette citerne récupérait vraisemblablement l'eau provenant du mas.

Dessin du promontoire vu de face.

 

Mur soutenant la terrasse supérieure, actuellement une pelouse avec quelques mûriers. Le rocher naturel affleurant avait été arasé et de la terre apportée en vue d'une mise en culture.

 

Vue des ressauts de la partie ouest du promontoire et du lit de la Beaume depuis le parapet de la terrasse supérieure.

 

En haut, à droite, ensemble architectural en pierre sèche, à l’apparence de cabane, conçu pour retenir la terrasse supérieure :
Il capuchonne un rocher qui a été taillé pour former un passage menant à la terrasse inférieure. Des marches d’escalier complètent l’accès. La couverture du passage est une série de dalles juxtaposées. L’escalier extérieur venant de la terrasse supérieure est très dégradé, mais les éléments de marches sont conservés.

 

Vue sur la terrasse inférieure.

 

Passage qui permet d’accéder
à la terrasse inférieure.

Escalier construit avec les blocs de roche extraits sur place et placés à l’aplomb de la falaise. C'est l'un des mieux conservés, sur une dizaine d’autres construits de la même manière.

   

Fente murée en dessous d'un mur de soutènement.

Parapet formé de gros blocs..

 

De gros blocs de roche calcaire ont été déplacés par ripage. Une fissure importante à été comblée à partir du bas pour retenir les terres de la terrasse.

 

Vue rapprochée d'un des escaliers.

Il reste cependant à écrire la véritable histoire de ce site. Qui étaient les propriétaires de la ferme ? Quand a-t-elle été édifiée ? A quelle date les habitants ont-ils aménagé les ressauts de la falaise ? Que cultivait-on dans ces jardinets ? Quel gain de terre ces derniers représentaient-ils par rapport au champ à proximité de la ferme (le capmas) ? Quand exactement ont-ils été abandonnés et pour quelle raison ?

Un élément de réponse est déjà disponible sur le plan chronologique : la date de 1874, gravée profondément dans le parement d'un bloc de la terrasse supérieure, renvoie à la Troisième République.

 

Le millésime permettant de dater les aménagements.

Une indication des moyens employés est fournie par des traces de forage à la barre à mine visibles sur certains rochers et blocs.

 

Traces de forage à la barre à mine : entre les accolades rouges mais aussi en haut à gauche.

Quant à la culture pratiquée dans ces jardinets, d'après la tradition orale, il se serait agi de petits pois, dont la récolte précoce était favorisée par la bonne exposition des falaises.

Il y a sans doute un lien entre l'aménagement horticole de ces falaises et le fait qu'entre 1709 et 1856, la population de Labeaume est passée de 630 à 1216 habitants !

Soutènement monté en gros blocs au droit des strates rocheuses successives.

(1) En languedocien comme en provençal, récatadou signifie « refuge », « abri ». Le terme est employé par Mistral dans Mirèio :

An ! deja s'ontrevèi dins l'iero
Lou cameloun de la paiero,
Diguè mai Vincenet : sian au recatadou!

Allons ! déjà s'entrevoit, dans l'aire
Le faîte de la meule de paille,
Dit encore Vincent, nous voici au refuge !

Le dictionnaire d'Alibert donne recaptador en occitan normalisé et les sens de 1/ refuge, asile, repaire; 2/ lieu de recel, recoin.

Pour en voir et en savoir plus :
le site « Patrimoine d'Ardèche » de la Société de sauvegarde des monuments anciens de l'Ardèche.


Pour imprimer, passer en mode paysage
To print, use landscape mode

© CERAV
6 janvier 2009 / January 6th, 2009 - Complété le 4 mars 2009 / Augmented on March 4th, 2009

Référence à citer / To be referenced as :

Michel Rouvière
Les jardins suspendus du Récatadou à Labeaume (Ardèche) (The Récatadou "hanging gardens" at Labeaume, Ardèche)
http://www.pierreseche.com/jardins_suspendus.htm
6 janvier 2009

page d'accueil          sommaire terrasses

 

ARCHITECTURE VERNACULAIRE

CERAV