ARCHITECTURE VERNACULAIRE

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OUVRAGES REÇUS / BOOKS SENT TO THE EDITOR

GUIDE HISTORIQUE DU LUBERON VAUDOIS


Gabriel Audisio, en collaboration avec Alain Bouyala, Guide historique du Luberon vaudois, Les Alpes de Lumière / Parc naturel régional du Luberon, No 139, 116 p. (compte rendu / review : Christian Lassure)

Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt ce guide dont l'auteur est M. Gabriel Audisio, professeur d'histoire moderne à l'Université de Provence à Aix-en-Provence, lequel a publié, ces deux dernières décennies, une série d'ouvrages sur la question des Vaudois du Luberon dans le 2e quart du XVIe siècle. Nous ne saurions trop conseiller la lecture de cet ouvrage à ceux qui souhaiteraient se faire une idée de l'origine et des croyances de cette communauté hérétique qui fut persécutée sous François 1er.

Rappelons que les Vaudois, en bons disciples de Vaudès de Lyon, étaient soucieux de pauvreté évangélique, niaient le purgatoire et contestaient aux clercs l'exclusivité de la prédication. Leur implantation dans le Luberon remonte aux efforts des seigneurs du pays, au milieu du XVe siècle, pour attirer, sur leurs terres dépeuplées, des paysans de la Vallouise et des hautes vallées du Piémont. Si le labeur de ces colons devait transformer rapidement le paysage, leur contestation religieuse devait bientôt devenir insupportable à l'Eglise et au pouvoir royal, si bien qu'au printemps 1545, Jean Meynier d'Oppède, président du parlement d'Aix, exécuta sans pitié l'arrêt signé par le roi de France quelques années auparavant, plusieurs fois différé, et qui ordonnait "la totale extirpation des dits vaudois et luthériens" des villes et villages du Luberon. Les massacres qui s'en suivirent, en particulier à Mérindol et à Cabrières d'Avignon, constituent une page noire de l'histoire de la Provence.

Si ce n'est pas le lieu de faire un compte rendu détaillé de la riche matière fournie par le professeur Audisio dans la première partie de l'ouvrage ("Valdéisme et Luberon"), nous ne pouvons nous empêcher cependant de faire quelques remarques sur le concept de "guide historique" tel qu'il est mis en œuvre dans la deuxième partie ("Souvenirs vaudois en Luberon").

Premier point, juxtaposer des notices villageoises et des photos de paysages de la fin du XXe siècle, c'est courir le risque de l'anachronisme car si le relief ne change pas, le paysage ne saurait rester le même, surtout au bout de quatre siècles et demi de vicissitudes agricoles et autres. Heureusement, la mise en rapport du texte avec des gravures de différents villages exécutées à la fin du XVIe siècle, vient corriger cette première impression. Soit dit en passant, aucune de ces vues ne laisse voir un quelconque cabanon en pierre sèche.

Deuxième point, les photos de certains bâtiments (bastides, châteaux, etc.), manifestement postérieurs et de beaucoup à l'époque choisie, viennent encore renforcer l'impression d'anachronisme. Ainsi, la bastide de Plan d'Apt, grande bâtisse à l'architecture caractéristique du XVIIIe siècle (arc segmentaire des baies), ne saurait témoigner d'événements qui se sont déroulés deux siècles plus tôt. En revanche, les photos des ruines d'un moulin à eau de Gordes, attribué au Vaudois Jean de Marre, nous paraissent plus pertinents, les encadrements de porte et de fenêtre étant incontestablement plus proches du XVIe (entrée à arc tiercé en anse de panier avec chanfrein).

Troisième point, l'expression même de "Luberon vaudois" n'est-elle pas abusive vu la faible importance numérique des Vaudois, même à l'époque de leur plus grande extension : le pays était alors majoritairement catholique. N'y a-t-il pas là le risque d'accréditer un nouveau mythe, à l'instar de celui du "pays cathare" sous d'autres cieux, mais surtout de lier l'adjectif "vaudois" indissociablement à la région du Luberon ad vitam aeternam ?

Ceci dit, nous n'avons trouvé nulle part d'allusion, en bien ou en mal, aux divagations d'un Pierre Dessaule dans les années 1960 sur les prétendues "bories" vaudoises de Bonnieux, dernier refuge des religionnaires résistant à coups d'arquebuse au baron d'Oppède (cf. Christian Lassure, Les cabanes en pierre sèche de Bonnieux (Vaucluse) : affabulation et réalité, Etudes et recherches d'architecture vernaculaire, No 12, 1992). Nous ne pouvons que nous en réjouir et y trouver un motif supplémentaire de conseiller ce guide à ceux qui aiment arpenter le terrain à la recherche des traces, même ténues, du passé.

Adresse où se procurer l'ouvrage : Les Alpes de Lumière, Maison du patrimoine, 04300 MANE, tél. 04 92 75 71 44, télécopie 04 92 75 46 10 (prix : 15 euros, soit 98 francs et des poussières).


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