UN CAS D'EMPLOI DU MOT « TERRASSE » EN ARDÈCHE MÉRIDIONALE An instance of the word « terrasse » being used in the Southern Ardèche in 1811 Christian Lassure Une idéee ayant cours chez certains spécialistes des terrasses de culture veut que le terme français « terrasse », à l'origine mot technique, vocable d'ingénieur, n'ait jamais servi localement à désigner ce type d'aménagement agricole (1). Cette affirmation n'est pas sans appeler quelques réserves (tout comme d'ailleurs son corollaire, la fable selon laquelle il y aurait autant d'appellations que de régions à terrasses). Ainsi, en cherchant bien, on découvre que le mot « terrasse » était employé par de riches propriétaires fonciers en Ardèche méridionale au début du XIXe siècle. C'est ce que révèle la lecture des livres de raison de la famille de Gigord, propriétaire de la métairie de Coussac en Ardèche méridionale. En 1811, à la date du 22 octobre, on trouve la mention suivante : « Si nous avons le temps favorable l'hiver prochain environ 500 toises de la grande terrasse dite de la Balme, qui vient d'être revêtue d'une bonne muraille de la longueur de 35 toises, sera défrichée profondément pour disposer d'un terrain destiné à recevoir une plantation d'environ 30 mûriers. Le bois qu'on y arrachera et la récolte qu'on y prendra devront payer au-delà des frais de cette entreprise ». Voilà qui est éclairant à plusieurs titres : - sur le plan du vocabulaire, c'est le terme « terrasse » qui est employé en ce début du XIXe siècle et non un éventuel terme « local »; - sur le plan technique, la dite terrasse est présentée comme antérieure à la « muraille » dont on la revêt, ce qui donne à penser soit qu'elle n'était pas soutenue par un mur et qu'elle se contentait par exemple d'un talus engazonné, soit qu'elle avait un mauvais revêtement de pierres qu'on a préféré refaire en vue de la plantation de muriers. En 1812, à la date du 14 octobre, nouvelle mention de « terrasses » : « On a poussé le défrichement sur le coteau où l'on a construit deux nouvelles terrasses avec leurs murs. Dans la première on plantera une ligne de mûriers après une récolte en pomme de terre. On plantera de même une ligne de muriers dans la terrasse inférieure faite l'année passée. Les terrasses supérieures sont destinées à former une vigne ». Cette deuxième mention nous montre que la construction de terrasses va de pair avec l'édification de mur de soutènement (« deux nouvelles terrasses avec leurs murs ») et que les cultures qui justifient ces aménagements sont, dans le cas présent, le murier et la vigne. En conclusion, force est de constater qu'il y a déjà près de deux siècles, soit bien avant que la majorité des terrasses encore visibles aujourd'hui aient été construites, le terme français « terrasse » était bel et bien employé dans son sens actuel. Source : Michel Rouvière, De pierre et d'eau. Architecture vernaculaire au Coussac, polycopié, s. d. (1998), 4 p. + 1 fig. h. t. Pour imprimer, passer en mode paysage Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure page d'accueil sommaire terrasses
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