MURS DE SOUTÈNEMENT DU YORKSHIRE ET DE L'ÉCOSSE

Retaining walls of Yorkshire and Scotland

Alan Brooks

Traduction par Christian Lassure

Source : pp. 89-92 du livre d'Alan Brooks, Dry Stone Walling. A Practical Conservation Handbook, The British Trust for Conservation Volunteers Ltd, 1977

Les murs de soutènement servent à retenir et stabiliser les terrains, les tranchées et les talus des routes, les berges des rivières et autres pentes abruptes où il existe un risque de glissement de terrain et d'éboulement de rochers. (...)

MURS DE SOUTÈNEMENT

Caractéristiques générales

La plupart des murs de soutènement sont bâtis à peu de choses près sur le même modèle que les murs isolés. Ils sont faits d'assises horizontales de pierres de parement, bien calées et retenues en arrière par de la pierraille, et ils ont un fruit rectiligne car ils vont en se rétrécissant progressivement de la base au sommet.

Le schéma ci-dessous donne les deux déclinaisons principales de cette forme "traditionnelle" (...).

Les murailleurs du Yorkshire ont l'habitude de construire un classique mur à deux parements, sauf que d'une part le parement intérieur, non visible, est moins soigné et a un fruit plus marqué que celui du parement extérieur, et que d'autre part les boutisses parpaignes et les grosses pierres de parement sont disposées de façon à saillir dans la cavité entre le mur et le talus.

Les murailleurs écossais se contentent d'un ouvrage à un seul parement, faisant appel pour le remplissage à des pierres de dimensions variées qui sont liaisonnées non seulement avec les pierres du parement extérieur mais aussi avec le talus de terre en arrière.

Dessin Roy Allitt

Légendage des coupes :

- (à gauche) : (le sommet du mur) peut recevoir un faîtage plat ou être prolongé plus haut que le talus

- (à droite) : (le sommet du mur) peut recevoir une couche de terre ou être prolongé plus haut que le talus

 

Ces deux méthodes donnent un mur solidement assis sur ses bases et semblent donner l'une comme l'autre de bons résultats. Le mur à la mode du Yorkshire convient peut-être mieux lorsqu'il y a pléthore de pierres de parement et de pierres de remplissage ou lorsque le mur est plus haut que le talus et a sa partie supérieure dégagée. Le mur à la mode écossaise serait, pour sa part, plus approprié lorsque les pierres de remplissage sont en majorité grosses et irrégulières et, de ce fait, s'ancrent bien dans le talus de terre.

Dans un cas comme dans l'autre, le fruit du parement extérieur est le même que pour un mur indépendant bâti avec le même type de pierre. La largeur de la base dépend du fruit et de la hauteur mais en général elle peut être un peu moins prononcée que dans un mur indépendant équivalent, la base étant soutenue, dans une certaine mesure, par le talus en arrière. Pour un mur de 90 cm de haut, une largeur à la base de 45 cm est généralement satisfaisante. Toutefois, si l'on a un mur haut soumis à des vibrations ou si le talus est instable comme par exemple en bordure de route ou sur un versant d'éboulis ou d'argile détrempée, on donnera au mur une largeur légèrement supérieure à la norme, par exemple 60 cm pour un mur de 90 cm de haut ou 90 cm à 1,20 m pour un mur de 1,50 m à 1,80 m de haut.

Déroulement des opérations

La marche à suivre pour édifier un mur de soutènement en pierre sèche est pour l'essentiel la même que pour un mur indépendant. Les points abordés ci-dessous indiquent comment adapter aux murs de soutènement les techniques de maçonnerie à sec classiques.

a/ Préparez le talus en l'excavant jusqu'à ce qu'il présente un front vertical de la hauteur du mur projeté. Creusez-le d'au moins 15 cm en arrière du plan du mur projeté de façon à avoir assez de place pour manœuvrer lors de la pose des pierres.

Dessin Roy Allitt

Légendage du croquis dans le sens des aiguilles d'une montre : (coupe) - terre et gravier -  pierres récupérées - pied du mur projeté

 

b/ Creusez une tranchée de fondation pour les pierres de soubassement jusqu'à ce qu'une couche de terre plus ferme ou le rocher soient atteints. Une profondeur d'environ 15 cm suffit habituellement.

c/ Edifiez le mur aux deux extrémités tout d'abord, surtout si celles-ci doivent être des têtes de mur. Choisissez pour les extrémités de grosses pierres ayant de préférence une assise horizontale et deux bons côtés.

d/ Si le mur se fond dans le talus aux deux extrémités, vous pouvez le bâtir sur toute sa longueur à votre guise. Veillez à ancrer les extrémités du mur dans le talus à la fois sur les côtés et en arrière.

Dessin Roy Allitt

e/ Montez le mur par assises horizontales en plaçant les pierres les plus grosses à la base. Les pierres seront posées de niveau ou avec une légère inclinaison vers le bas et vers l'extérieur et solidement calées si nécessaire. Même s'il est d'ordinaire peu pratique d'installer des gabarits, il n'est pas inutile de fixer un cordeau d'un bout du mur à l'autre et de le remonter de 30 cm en 30 cm approximativement.

f/ Pour bâtir le mur à la mode du Yorkshire, montez de conserve le parement intérieur et le parement extérieur, en intercalant de la pierraille entre les deux, comme pour un mur indépendant. Ne vous tracassez pas si le parement intérieur est irrégulier mais veillez à ce que les pierres aient une bonne assise. Rajoutez et bourrez de la pierraille entre le parement intérieur et le talus. Elle solidarisera le mur avec le talus et assurera un bon drainage. Maintenez le niveau de la pierraille à hauteur des pierres de parement.

Pour bâtir le mur à la mode écossaise, disposez et au besoin calez chaque pierre de parement et bourrez de pierraille le vide en arrière de façon à obtenir une structure parementée compacte. Quel que soit le style adopté, disposez les pierres de sorte que leur queue s'enfonce dans le talus : le mur en sera renforcé.

Une certaine quantité de terre glisse toujours du talus lors des travaux. C'est sans conséquence tant que vous tassez la terre au fur et à mesure que vous avancez et que vous ne lui faites pas jouer le rôle de pierraille de remplissage.

g/ Disposez les boutisses parpaignes au même niveau et selon le même espacement que pour un mur indépendant de même hauteur. Leur parement extérieur épousera celui du mur ou ne fera saillie que de 2,5 à 5 cm au plus tandis que l'autre bout s'enfoncera dans le vide entre le mur et le talus. Creusez le talus si besoin est pour y loger le bout des parpaignes plutôt que de raccourcir ces dernières. Faites de même avec les autres pierres longues. Plus il y a de pierres de parement qui s'enfoncent dans le talus, mieux c'est, du moins tant qu'elles ont une bonne assise.

h/ Si vous avez plein de grosses pierres, utilisez comme remplissage celles qui ont une forme très contournée plutôt que de les briser en plusieurs morceaux. En maçonnerie à l'écossaise, il est important d'avoir de grosses pierres de remplissage pour renforcer le mur, les petites pierres devant servir à relever et à caler les pierres de parement. Si après quelques essais une pierre de parement ne s'ajuste pas aux autres, servez-vous en pour bourrer l'intérieur du mur.

i/ Si le sommet du mur arrive au niveau ou en dessous du sommet du talus, finissez-le par une arase. En Ecosse, une assise terminale de boutisses est disposée à ce niveau tandis que dans le Yorkshire le mur est laissé sans chaperon (si l'on veut que la terre et les plantes recouvrent le sommet) ou bien reçoit un couronnement plat (s'il est aussi haut que le talus). Dans quelques endroits, une couche de mottes de gazon est prélevée dans le champ contigu pour être déposée et tassée sur le sommet du mur à la place du couronnement habituel.

j/ Si le sommet du mur dépasse celui du talus, montez la partie en saillie sur le modèle d'un mur indépendant à deux parements, même si cela n'a pas été fait pour la partie sous-jacente. Coiffez-là du type de chaperon que vous préférez.

k/ Finissez l'ouvrage en y jetant, à pleine pelle, les cailloux et la terre restés en arrière du talus, de façon à solidariser sommet du mur et sommet du talus et à vous débarasser des déblais. S'il reste encore de la terre après cela, répandez-là sur le haut du talus.

PROBLÈMES RENCONTRÉS

Pentes

a/ Commencez le mur à son extrémité en aval comme pour un mur indépendant. Veillez à ce que cette extrémité soit pourvue d'une tête de mur vraiment solide. Sur une pente abrupte, la pierre à la base du mur doit être massive et parfaitement stable pour soutenir le poids du matériau au-dessus. En cas de doute, bétonnez cette extrémité pour l'empêcher de bouger.

b/ Lorsque le mur est construit pour retenir des éboulis ou autres matériaux meubles sur une pente abrupte, plusieurs aménagements sont nécessaires. Le schéma en haut de la page suivante illustre la méthode qui a été adoptée avec bonheur par le National Conservation Corps à Cwm Idwal dans le massif du Snowdon ainsi que dans d'autres sites où il n'existe peut-être pas de surface plane pour servir de base et où l'on cherche à fondre le plus possible la maçonnerie dans la pente existante.

Dessin Roy Allitt

Légendage du croquis :

- side view : vue latérale 

- turf plugs : mottes de gazon fichées 

- foundation stone : pierre de fondation 

- bedrock ledge : rebord rocheux 

- loose scree / gravel : pierraille éboulée / gravillon 

- unstable turf : gazon instable 

- section : coupe

 

Il est important d'asseoir le mur sur le socle rocheux. Il faut donc le commencer bien plus bas dans la pente que prévu, du moins à certains endroits, et peut-être établir une plateforme horizontale en béton en employant des pierres de plus en plus grosses jusqu'à ce que les véritables pierres d'assise puissent être posées. On posera les pierres inclinées vers l'intérieur plutôt qu'à l'horizontale ou légèrement inclinées vers l'extérieur comme c'est la norme, cela pour attraper les débris qui migrent à la surface du mur. On fichera des mottes de gazon dans le mur lors de son édification, lorsque c'est possible, pour favoriser et accélérer la pousse de la végétation à la surface du mur et pour renforcer la stabilité de ce dernier. Cependant, on laissera libres de toute terre les surfaces porteuses des pierres pendant la construction pour qu'elles soient le plus stable possible.

c/ Lorsque vous retirez des pierres d'un flanc de colline pour les employer dans le mur, prenez-les en amont du mur pour pouvoir les déplacer plus facilement et pour éviter de fragiliser le versant en aval du mur. Là où les pluies et les eaux de ruissellement risquent d'entraîner l'érosion du terrain, comblez de pierraille, dans la mesure du possible, les creux laissés par l'enlèvement des gros blocs.

d/ Lorsque la base du mur est sur un chemin ou repose sur un sol mou ou de la tourbe, il est préférable d'enterrer les pierres d'assise entièrement pour fournir au mur une base solide.

e/ Lorsque le ruissellement risque d'affecter le mur, vous avez la possibilité de creuser, à une trentaine de cm au-dessus de celui-ci, un drain de protection parallèle. Donnez à la tranchée une profondeur de 30 à 60 cm, en fonction de l'épaisseur du sol, et une largeur à peu près égale à son ouverture. Si possible, remplissez le fossé de petites pierres pour éviter qu'il ne soit colmaté par de la terre et de la végétation.

Dessin Roy Allitt

f/ Lorsque le talus est en lui-même instable - du fait de la présence d'argile ou de sable qui tendent à s'étaler lorsqu'ils sont mouillés, il faut donner aux murs de soutènement habituels une largeur surdimensionnée pour les rendre plus stables. Dans une situation de ce genre, il est peut-être plus indiqué d'utiliser des gabions. Il s'agit de paniers en fil métallique remplis de pierre et disposés en rangées superposées à l'instar de cubes géants. S'ils sont flexibles et poreux et permettent de ce fait, en partie, le tassement de la terre et l'évacuation de l'eau, ils n'en demeurent pas moins extrêmement stables en raison de leur poids considérable. Des gabions sont commercialisés par la SARL River and Sea Gabion (à Londres), 2 Swallow Place, London W1R 8SQ, où l'on peut se procurer à la demande de la documentation. On peut également fabriquer des gabions par ses propres moyens avec du grillage à simple torsion ou du fil de fer galvanisé. On trouvera des informations sur le sujet dans un fascicule de la présente série, "Waterwayw and Wetlands" (BTCV, 1976).

Circulation et vibrations

a/ Lorsque le mur soutient un sentier ou une piste, il est conseillé d'utiliser de grosses pierres sommitales plates même lorsque leur présence n'est pas justifiée. Si l'on emploie des pierres trop petites, elles risquent d'être descellées ou éjectées du sommet du mur.

b/ Lorsque le mur soutient un talus qui reçoit des véhicules à moteur, une plus grande solidité est exigée en fonction de la densité et du type de circulation. Il faut qu'il y ait un intervalle d'au moins 50 cm de largeur entre la route et le haut du mur. Le chaperon aura peut-être besoin d'être scellé au mortier.

c/ Dans un mur haut soutenant une chaussée, plusieurs assises de boutisses parpaignes sont nécessaires et il est préférable de bâtir un mur à degrés en laissant une retraite d'environ 30 cm au-dessus de chaque assise de boutisses parpaignes. Le croquis en haut de la page suivante représente un témoin remarquable, construit il y a quelque 200 ans, de ce type de construction : un mur de 4,5 m de haut édifié en pierres carbonifères à Cawthorne dans le Yorkshire méridonal (carte d'état-major : SE258089). D'autres boutisses parpaignes sont employées en plus des pierres couronnant les degrés : chacune d'elles s'enfonce de 0,9 m à 1,5 m dans le talus. Le mur fait 1,80 m de largeur à la base, tandis que la partie supérieure est dégagée et a les dimensions habituelles d'un mur dans ces parages : 0,6 m de largeur au niveau de la route et 0,45 m au sommet. Il est couronné par un chaperon de pierres taillées en demi-cercle posées verticalement et liées au mortier.

Dessin Roy Allitt

On peut également faire appel à des contreforts pour soutenir un mur haut; ainsi, le mur décrit ci-dessus possède sur tout un côté une rangée de contreforts séparés par des intervalles d'environ 3,6 m. Le faîte de chaque contrefort culmine à environ 1,8 m par rapport au niveau du sol tandis que ses fondations s'enfoncent d'environ autant dans le sol. Le croquis montre comment les assises passent de la quasi-horizontalité au niveau du sol à un dévers fortement marqué au sommet, ce afin de résister au poids du mur principal. On a pris grand soin de liaisonner l'extrémité du contrefort avec le parement du mur.

Dessin Roy Allitt

NDLR : Une réédition du précieux ouvrage d'Alan Brooks est disponible auprès de The Dry Stone Walling Association of Great Britain, adresse postale / postal address : DSWA, PO Box 8615, Sutton Coldfield, West Midlands, B75 7HQ (tél./tele.: 0121 378 0493 - depuis l'étranger / International : +44 121 378 0493 - télécopie/fax  : idem / same number - courriel/email : j.simkins[at]dswa.org.uk) (Président/Chairman : Paul Webley - Secrétaire/Secretary : Jacqui Simkins)  - site Internet / Internet site : http://www.dswa.org.uk


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Référence à citer / To be referenced as :

Alan Brooks,
Murs de soutènement du Yorkshire et de l'Écosse,
traduction par Christian Lassure du chapitre Retaining walls of Yorkshire and Scotland du livre d'Alan Brooks, Dry Stone Walling. A Practical Conservation Handbook, The British Trust for Conservation Volunteers Ltd, 1977, pp. 89-92
http://www.pierreseche.com/ murs_de_soutenement.htm
 

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