COMPTE RENDU / REVIEW Camillo Crocamo, Le tipologie di architettura rurale nel Parco Nazionale del Cilento, Vallo di Diano e Alburni, Globus snc, Vallo della Lucania (Salerno), 2015 Sergio Gnesda
I - La publication À l’occasion de son séjour à Paris en novembre 2016, l’architecte Camillo Crocamo nous a remis le premier numéro de la série Le tipologie di architettura rurale nel Parco Nazionale del Cilento, Vallo di Diano e Alburni. Intitulé Le Microarchitetture (1), cet ouvrage est constitué de deux fascicules, intitulés pour le premier, Approfondimenti, et pour le second, Schede. Le Parc du Cilento, du Val de Diano et d’Alburni est un parc national italien situé dans la province de Salerne, en Campanie. Créé en 1991, il est inscrit depuis 1998 sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité établie par l'Unesco et il est reconnu en tant que réserve de biosphère depuis 1997. Il est le premier parc national italien à être devenu géoparc (2).
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les marchands et les artisans, après avoir acheté des terres aux nobles et au clergé, ont aménagé celles-ci pour y entreprendre des cultures. Cela s’est traduit par la construction principalement de terrasses de culture, de ponts, d’ouvrages de récupération de l’eau, de moulins, etc. Les habitants du Cilento ont exploité ces ouvrages jusqu'à la fin des années 1950, où l’agriculture a cessé d’être rentable. Le fascicule I (« Approfondissements ») présente les caractéristiques des ouvrages classés par type fonctionnel. Chaque ouvrage est étudié dans son cadre en identifiant la fonction pour laquelle il a été construit et en déterminant le statut social de la famille à laquelle il appartient. Le fascicule II (« Fiches ») rassemble les fiches individuelles des ouvrages propres à chacune des sept communautés de montagne du Parc (3). Le fascicule I – Approfondissements Le premier fascicule, de près de 200 pages, comporte 16 chapitres : 1/ les terrasses à mur de soutènement, les banquettes, les demi-ronds, les rayons, 2/ les chemins caladés, 3/ les ponts en pierre et les passerelles en bois, 4/ les lieux de culte isolés, 5/ les abris temporaires, 6/ les aménagements pour la récupération de l’eau, 7/ les moulins à eau, 8/ les moulins à huile, 9/ les fours à chaux, 10/ les fours de potier, 11/ les fours à pain et les fours de séchage de figues, 12/ les fouloirs à raisin, 13/ les aires à dépiquer, 14/ les clôtures et portails en bois, 15/ les jardins clos et 16/ les portails d'accès aux propriétés agricoles. Ces 16 chapitres sont suivis d’une bibliographie raisonnée (4). Le fascicule II – Fiches Le deuxième fascicule recueille les fiches, chacune d’elles étant divisée en trois sections : Chacune des sept communautés du Parc est identifiée dans une carte générale ; une deuxième carte identifie les communes de chaque communauté ; une troisième carte, de type carte routière, indique la position de chaque ouvrage. Les fiches, qui sont organisées de façon à montrer l’ensemble des ouvrages d'une commune, peuvent servir de guide pour visiter le Parc. Les fiches ci-dessous illustrent quelques ouvrages mentionnés dans le volume I.
NOTES (1) Par « microarchitectures », l’auteur entend les petits bâtiments ruraux (cabanes, bergeries, ateliers artisanaux, églises de campagne, etc.) et les ouvrages d’aménagement des terroirs (ouvrages de captation de l'eau, terrasses de culture, chemins, etc.). (2) Parc d’intérêt géologique, membre du réseau des géoparcs soutenu par l’Unesco ; un espace territorial présentant un patrimoine géologique d’importance internationale. (3) Les deux fascicules, édités sous la direction d’Elisabetta Floreano, sont imprimés sur papier glacé et d'une présentation très soignée. Le premier comporte des photos pleine page qui permettent d’apprécier la beauté des vestiges ainsi que leur intégration dans le paysage. Les relevés et les dessins sont d’une grande précision. (4) Des résumés en français et en anglais à la fin de l'ouvrage auraient été les bienvenus. II - Panorama des petits bâtiments et ouvrages ruraux du Parc national du Cilento, du Val de Diano et d’Alburni, province de Salerne, Campanie 1 - Les terrasses à mur de soutènement, les banquettes, les demi-ronds, les rayons (pp. 13-26) Les techniques d’aménagement des terrains pentus rencontrées dans la région du Parc du Cilento sont les terrasses (terrazze), les banquettes (gradoni), les demi-ronds (lunette), les rayons (ciglioni). Le choix de la technique est fonction de la morphologie du terrain et de la culture. Les terrasses des vignobles sont orientées de manière à recevoir l'ensoleillement maximum tandis que les banquettes ou les demi-ronds des oliveraies, qui n’occupent que de petites surfaces, correspondent à une bonne ventilation et une humidité plus élevée. Les terrasses les plus larges sont soutenues par de gros murs dont l’épaisseur dépasse parfois les 5 mètres à la base. Les demi-ronds se rencontrent en terrain pentu autour d'un arbre (voire de deux ou trois), ils retiennent la terre et évitent aux racines d'être dénudées par les eaux de ruissellement. Les rayons, qui sont formés par l'accumulation naturelle de terre sur des pentes douces, servent de terres arables et de pâturages.
2 - Les chemins caladés (pp. 27-32) Jusqu'aux années 1960, un réseau dense de chemins muletiers et de drailles reliait les agglomérations urbaines et les zones de la côte à celles de l'intérieur. Ce qui reste de ces anciennes routes, ce sont les ouvrages de drainage et d’évacuation des eaux de ruissellement. Tous les 50 mètres, il y avait des coupe-eau obliques qui interceptaient l'eau pour la diriger vers la pente en aval. La chaussée était composée de trois subdivisions de grandes dalles mises en place sur une couche de sable ou de gravier compactée. Pour escalader les pentes, on a aussi construit des marches ou on en a taillées dans des affleurements rocheux.
3 - Les ponts en pierre et les passerelles en bois (pp. 33-48) Pour les petites communautés agricoles du Cilento, la construction d'un pont de pierre constituait un effort financier important. Pour cette raison, les ponts en « dos d’âne », d’environ un mètre de large, enjambant des gorges profondes, sont assez rares.
Des passerelles en bois étaient suffisantes pour franchir les cours d’eau des zones de flysch (1) du Cilento. Ces structures précaires ont presque toutes disparu car elles nécessitaient un entretien continu et important (surtout après de fortes pluies).
4 - Les lieux de culte isolés (pp. 49-60) Ils se distinguent en fonction de leur emplacement et du rôle qu’ils jouent au sein du territoire. Les ermitages Les chapelles rupestres Les chapelles de campagne et de montagne Les églises de campagne Les chapelles nobles
5 - Les abris temporaires (pp. 61-68) On distingue : - les terrate, qui se composent d'un mur en pierre sèche au couronnement à deux pentes fait de grosses branches couvertes de terre ; ils servent d'abri par mauvais temps ; - les catuoi (sing. catuoio), qui sont en pierre sèche ou maçonnée et à couverture de tuiles canal ; ils servent à abriter les animaux et à héberger les bergers ; - les pagliari, qui sont en pierre sèche dans la partie inférieure, le haut étant constitué de tiges de jeunes plantes ; - les pagliarieddi, qui sont entièrement en paille. Dans les montagnes, les pagliari et les pagliarelli étaient des cabanes mais aussi des resserres où les bergers gardaient les outils de la transformation du lait.
6 - Les aménagements pour la récupération de l’eau (pp. 69-91) La répartition inégale des précipitations pendant l'année et l'absence d'un système rationnel et efficace de canaux a forcé les propriétaires des fonds agricoles et les bergers à construire divers aménagements. Le système de collecte des eaux de pluie provenant des toits (pp.
69-73)
Les réservoirs de collecte d'eau (pischere) (p. 73) Les canalisations (levate) (pp. 74-76) Les citernes (cisterne) (pp. 77-78) Les puits (pozzi) (pp. 79-80) Les abreuvoirs (abbeveratoi) (pp. 81-82) Les fontaines (fontanili) (pp. 82-87)
Les glacières (nevere) (pp. 90-91) 7 - Les moulins à eau (mulini idraulici) (pp. 92-119) Au cours du Moyen Âge, les moulins à eau se sont répandus, grâce aux moines basiliens (2), dans le Cilento en adoptant la même technologie que le reste de l'Europe. Le schéma de meulage est resté inchangé jusqu’aux années 1960. Cette longue durée a permis de trouver des spécimens en assez bon état. Les moulins étaient presque toujours situés à l'extérieur des zones résidentielles, mais pas trop loin. Les inondations ont détruit ceux qui étaient édifiés dans des gorges à proximité de cours d'eau, alors que nombre de ceux qui étaient au pied des montagnes et dans les zones à petites rivières sont encore debout. Les moulins étaient pour la plupart à roue horizontale, les systèmes à roue verticale étant utilisés dans les moulins à huile (trappiti). La taille de l’installation de mouture était proportionnelle au débit d’eau disponible et à la production locale de céréales. L'installation consistait en deux salles superposées placées au pied de la tour de chute. La salle du bas contenait le système hydraulique et celle du haut l’installation de mouture, dont les parties principales étaient les deux meules (palmenti) en pierre monolithique dure. Après dérivation, l'eau était amenée au moulin par un canal qui se terminait par une partie en pente très douce d’une longueur de 10 à 100 mètres. Cette partie terminale, avec vanne d'arrêt pour régler le débit d'eau, était soutenue par une série d'arcs et souvent équipée d’un ou de plusieurs réservoirs d'accumulation (refoli) situés en amont de la tour de chute. La tour de chute était une structure tronconique constituée de blocs de pierre taillés ou d'anneaux monolithiques superposés. L'eau sortait de la tour par un trou pratiqué à la base et frappait les aubes de la roue. Le parc accueille un seul moulin à vent (pp. 114-118).
8 - Les moulins à huile (trappiti) (pp. 120-144) Les moulins à huile sont des bâtiments ou des locaux d’une habitation servant à abriter l'équipement d’extraction de l'huile des olives. Ils se divisent en fonction du type de force motrice. Les moulins installés dans des maisons de campagne ou au rez-de-chaussée des maisons seigneuriales sont à traction animale (l'âne) ; ceux presque toujours construits en association avec les moulins à eau sont hydrauliques. Les anciens trappiti avaient une seule meule, les plus récents (entraînés par des moteurs à combustion interne ou électriques) sont à deux meules. Les meules étaient actionnées par des roues verticales ou horizontales.
9 - Les fours à chaux (carcare) (pp. 145-152) Les fours à chaux (carcare, sing. carcara) étaient situés le long des routes, pour faciliter le transport des pierres et de la chaux, et là où il y avait des affleurements de calcaire et assez de bois pour faire du feu. Souvent, ils se trouvaient à proximité des moulins, le meunier exerçant également cette activité. De forme cylindrique, ouvert vers le haut, le four avait la chambre de combustion dotée d’une voûte la séparant de la chambre de cuisson supérieure dans laquelle on plaçait la charge de roches calcaires. Les paysans construisaient des fours à chaux rudimentaires (carcamusci, sing. carcamuscio) pour produire de la chaux pauvre, utilisée en agriculture.
10 - Les fours de potier (pp. 153-161) Dans les fours de potier on produisait des tuiles creuses (irmici, sing. irmice), des briques pleines, des carreaux, des bouteilles en terre cuite (mummulieddi) remplaçant les briques dans les cloisons, et des tuyaux. Quelques régions étaient spécialisées dans la production de briques standard et de produits céramiques de qualité. Les éléments de base pour la production de la poterie étaient le réservoir pour le traitement de l'argile, le tour de bois, le bassin pour la préparation de la glaçure et le four de cuisson. Le four de cuisson était de forme circulaire, doté d’une chambre de combustion ayant une voûte en forme de cône apte à soutenir la poterie de la chambre de cuisson. Cette chambre, en briques réfractaires, était couverte d’une coupole en dôme. Les processus de cuisson et de refroidissement duraient environ dix heures chacun. Les fours pour la cuisson de briques étaient toujours à structure cylindrique et avaient les deux chambres partiellement souterraines. Les murs contre terre étaient en pierre plâtrés avec de l'argile. La chambre de combustion était délimitée par une voûte en briques creuses qui constituait le sol de la chambre de cuisson. Chargement et déchargement se faisaient par-dessus ; après le chargement le four était fermé par une voûte de déchets. Les pièces à cuire étaient disposées de manière à ne pas être en contact ni avec les parois ni avec la flamme et à laisser des interstices pour le passage de l'air chaud.
11 - Les fours à pain et les fours de séchage des figues (pp. 162-171) Les fours à pain étaient présents dans presque toutes les maisons isolées. Dans les villages, ils étaient souvent utilisés en commun et placés dans n’importe quelle pièce de l’habitation. Ils se trouvaient à l'extérieur dans les zones climatiques douces mais dans la cuisine, près de l'entrée, dans la montagne. Le four était constitué par une structure en bois sur laquelle on construisait la coquille avec des briques posées en longueur qui, en se rétrécissant, formaient la voûte. À l'intérieur, on disposait une couche isolante de mortier sur laquelle reposait le plan de cuisson en brique. À 10-15 cm du plafond était construit un autre mur de briques pour fermer et isoler la chambre de cuisson. La bouche du four se fermait avec une porte en fer qui pouvait avoir un volet pour l'inspection. La fumée était transportée à l'extérieur par la hotte et la cheminée qui montait, le long du mur d'enceinte, jusqu’au toit. Le four de séchage des figues était logé souvent sous l'escalier extérieur de la maison ; parfois, il se trouvait au rez-de-chaussée avec la bouche à l'extérieur ou il pouvait constituer un bâtiment indépendant parfois à deux étages. Le four de séchage était construit selon les mêmes techniques que celles du four à pain, mais avec une bouche plus large et une voûte surbaissée. Les figues blanches du Cilento, après avoir séché à l'air, étaient mises dans le four pendant une demi-heure.
12 - Les fouloirs à raisin (pp. 172-176) Ils se trouvent le long d'une route et desservent un ou plusieurs vignobles. Ils se composent d'un ou de deux bassins creusés dans des blocs de grès ou de brèche. Ces bassins sont placés à différents niveaux et communiquent entre eux par un trou. Ils sont de forme subcirculaire ou rectangulaire.
13 - Les aires à dépiquer (pp. 177-179) L’aire à dépiquer est une zone adjacente aux fermes et souvent bordée par un mur bas en pierre ou par une bordure de terre. Dans les métairies et les fermes céréalières, l’aire est rectangulaire ou carrée lorsqu’elle est contiguë à l’habitation, et circulaire si elle est en pleine champ. Le revêtement de l’aire est en pierre.
14 - Les clôtures et portails en bois (pp. 180-182) Les clôtures des parcs à ovins et caprins, aux alentours des bergeries, étaient faites de piquets et de traverses en bois. Elles étaient remontées chaque jour autour d'un nouvel olivier. Pendant la journée, les déjections des animaux fumaient le sol. Une fois les animaux sortis, la terre était retournée afin d’enterrer les déjections et d’éviter que celles-ci ne soient séchées par le soleil. Les portails en bois étaient fabriqués selon la même technique que les clôtures.
15 - Les jardins clos (pp. 183-188) Le jardin potager est une petite parcelle entourée d'un muret, d’une clôture en bois ou d’une haie, et située à proximité des maisons. On y cultive des produits pour la consommation familiale. Chaque maison rurale, isolée ou dans un village, avait son jardin potager, situé souvent à l’arrière et protégé du vent. Il était fertilisé avec du fumier, des cendres et des résidus de la transformation de produits agricoles. Le petit paysan cultivait des légumes et des herbes aromatiques ; le paysan riche avait en plus des arbres fruitiers. Le jardin potager de ce dernier était souvent disposé en terrasses et protégé par de hauts murs, la partie la plus proche de la maison faisant office de jardin d’agrément. Il avait une ou plusieurs entrées et était équipé d'un réservoir à eau (pischera) ou d’un puits. On y cultivait les agrumes, les fruits précieux et le raisin de table.
16 - Les portails des propriétés agricoles (pp. 189-193) Les portails en maçonnerie donnant accès à des parcelles agricoles étaient très répandus dans la région de Vallo della Lucania et, en fonction de leur forme et leur taille, témoignaient du prestige des propriétaires. Il en existe quatre types. - Le portail à élévation rectangulaire, bâti dans le même plan que le mur, est assez large pour permettre le passage des animaux de bât. La porte est à deux vantaux et pourvue d’un système de fermeture. - Le portail à arc en plein cintre, bâti en saillie, est couvert par un toit à deux eaux. Sur le plâtre sont gravées l'année de construction et les initiales de la famille. - Le même type que le précédent, sauf que l'arc est surmonté d'un fronton couvert par des dalles de pierre ou des tuiles. Presque toujours l'entrée est fermée par une porte en fer. - Le portail à développement en profondeur et voûté en berceau; à l'intérieur se trouvent les armes de la famille et des décorations. Les deux premiers types correspondent à des familles aisées et les deux derniers types à l'aristocratie foncière.
NOTES
(1) Le flysch est un dépôt sédimentaire détritique constitué par une alternance de grès et de marnes qui se sont accumulés dans un bassin océanique en cours de fermeture dans le cadre d'une orogenèse (formation de montagnes).
(2) Un moine basilien est, au sens strict, un moine suivant la règle de saint Basile. Cependant le terme désigne souvent, au sens large, tout moine d'origine byzantine.
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