REMONTAGE DE TROIS BRÈCHES DANS UN MUR DE SOUTÈNEMENT LONGEANT L'ANCIEN CHEMIN MENANT À RÉALLON DEPUIS EMBRUN (HAUTES-ALPES)
Repairing three gaps in the retaining wall Louis Cagin Ces observations ont été faites les 9,10 et 11 août 2018 lors d’un stage de maçonnerie à pierre sèche proposé par l’Association de sauvegarde du patrimoine réallonnais, financé par le Parc des Écrins et encadré par l'association Le Gabion. Ce stage, dirigé par l'auteur de ces lignes, est le troisième depuis 2016. Ce stage, qui a regroupé une quinzaine de personnes, a été conçu comme ouvert à tous dans une démarche d’auto-construction pour permettre à chacun de restaurer lui-même ses murs.
Les trois brèches, quoique appartenant au même mur de soutènement de terrain agricole longeant le chemin, ne sont pas identiques dans leur coupe. Malgré leurs différences constructives, elles partagent de nombreuses caractéristiques qui pourraient déterminer un type de mur de soutènement local. Il y a un talus à la base du mur pour les trois brèches. Comme il ne nous a pas été nécessaire de creuser sous le niveau de ce talus nous ne pouvons donc pas connaître la profondeur du mur en fondation ni la nécessité de ce talus et le rapport de celui-ci à l’équilibre du soutènement. Nous l’avons laissé en place (cf. fig. 2).
Les trois brèches étaient dues à l’affaissement en parement d’une ou de plusieurs pierres de fondation sous le poids du mur chargé par la poussée des terres, affaissement qui avait entraîné un ventre sur toute la hauteur, puis un écroulement. Les effondrements n’étaient pas dus a priori au système constructif lui-même. Il serait même possible de poser l’hypothèse que celui-ci intègre un allègement du mur-poids pour éviter ces affaissements sur la pente instable (la brèche 1 menaçait mais n'était pas encore effondrée). Au niveau des trois brèches un simple talus composé de terre enherbée finit le mur de soutènement (cf. fig. 2). Les trois brèches partageaient également la particularité de n’être composées d’un mur en profondeur que sur la partie basse de leur élévation. La partie haute ne consistait que de pierres appareillées en parement sans aucun autre dispositif dans la coupe du mur que le sol taluté, dispositif que l’on peut rapprocher de la technique du « muret fleuri ». L’appareillage est assisé mais introduit un pendage latéral afin d’assembler la totalité des pierres disponibles sans y revenir par action de taille, ce qui fait la particularité micro-locale de cet assemblage. Les couronnements sont pour leur part installés avec des pierres bloquées latéralement, voire en délit. BRÈCHE 1 La brèche 1 indique un mur appareillé de pierres en parement sur 1,20 m de haut avec appareillage en profondeur en partie basse jusqu’à 70-75 cm de la hauteur, soit environ jusqu’au bas de l’assise de la pierre de couronnement.
Les pierres de parement sont de gros volumes d’une épaisseur minimum de 10 à 20 cm et d’une profondeur comprise entre 30 et 50 cm. Elles sont bien appareilléés en assises avec léger pendage latéral. Elles sont aussi bien bloquées latéralement entre elles. Les pierres de l’appareillage en arrière sont d’une granulométrie beaucoup plus petite, de 50 à 120 mm (rarement 150 mm), beaucoup moins serrées et avec beaucoup de vide entre leurs faces mais poursuivant les assises des pierres de parement. Le couronnement de ce mur était toujours en place et nous l’avons démonté et réinstallé. Sur ce couronnement, en rehaussement de parement sur 40 cm, viennent trois assises de pierres avec un fruit légèrement plus important directement comblé à l’arrière par le sol arable. Puis, pour finir la hauteur, un talus enherbé de sol arable sur 15-20 cm. Il est difficile de déterminer la raison de ces rehaussements. Il peut s'agir BRÈCHES 2 ET 3 Les brèches 2 et 3 sont légèrement différentes, elles sont appareillées sans rupture de couronnement en parement sur toute leur hauteur de 1, 20 m environ. Appareillage et grosseur des pierres sont de même caractéristique que la brèche 1.
Sur leurs premiers 50 cm, elles sont poursuivies en profondeur par un drain appareillé composé de petits volumes de pierres (granulométrie de 40 à 100 mm). À l’évidence, pour la brèche 2, la pose de ce drain est techniquement très bien maîtrisée par la personne qui a construit le mur (fig. 5). Cette maîtrise est un indice convaincant que la coupe observée semble due non pas à un hasard ou à une méconnaissance technique du constructeur mais bien à un profil constructif réfléchi et mis en place consciemment.
Nous n’avons pas pu vérifier la profondeur du drain car cela aurait nécessité un temps de terrassement impossible dans notre action, mais il est à noter que l’épaisseur minimum découverte du mur à ce niveau est de 80-85 cm alternant selon les assises : 35 à 50cm d’appareillage pour 35 à 50 cm de drain. Au niveau de la longueur de mur restaurée, plusieurs choses se remarquent. Une pierre de volume important surmonte le couronnement du mur entre les brèches 1 et 2. Ce bloc pourrait indiquer une ancienne limite et avoir été posé comme borne. Outre le fait que les murs sont construits différemment de part et d’autre, il est aussi à noter que le profil de la pente du champ derrière le soutènement n’est pas la même de chaque côté de la pierre. Seule une recherche sur les cadastres anciens pourrait confirmer cette hypothèse d’observation de terrain (fig. 6).
Les pierres ne manquent pas sur le site car de nombreux clapiers, dont un très proche, contiennent de très grandes quantités de pierres. Les coupes des murs, si économes en pierres, ne sont donc pas liées à une pénurie de pierres comme cela s’observe dans d’autres terroirs. Nous émettons l’hypothèse double d’un dispositif allégé des soutènements en pierre pour éviter le poinçonnement en parement de fondation, ce qui a simultanément pour effet d’augmenter la surface de culture en l’étendant jusqu’à l’aplomb de la dernière pierre de couronnement. Un seul artéfact a été retrouvé lors de la restauration, il s’agit d’un tesson de poterie vernissée, retrouvé au niveau des fondations possiblement du XIXe siècle, à noter également un éclat de pierre gardant la trace d’une carotte de dynamite utilisée dans l’appareillage (fig. 7).
CONCLUSION
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