RESTAURATION DE LA CABANE DE BERGER DE L'HIVERNET À EMBRUN, HAUTES-ALPES :
Initial stages of the restoration of L'Hivernet shepherd's hut Louis Cagin Une restauration partielle de la cabane de berger en pierre sèche de L’Hivernet sur les alpages d’Embrun (Hautes-Alpes) a eu lieu à l’initiative du Parc National des Écrins, encadrée par Le Gabion, les 24 et 25 août 2016. Elle a été effectuée avec Maxime Pottier, chargé de mission architecture du patrimoine du Parc des Écrins, Sandrine Raymond, architecte, Louis Cagin, murailleur, Laurent Rippert, Frédéric Sabatier et Yohann.
1. LOCALISATION SUR GÉO-PORTAIL 1.1 Hier Sur la carte d’État-Major de 1866 (section Gap), le versant est nommé L’Uvernet et il n’est fait mention d’aucune cabane.
Des vues aériennes de 1952 sont visibles sur le site de Géo-portail, je n’ai pu les interpréter. Il serait également intéressant de consulter le fonds de l’aérophotothèque à Aix-en-Provence. De mémoire orale, ce cabanon aurait servi d’abri jusqu’à la construction du nouveau vers 1950.
1.2 Aujourd’hui
Sur la vue aérienne http://geoportail.fr/url/7FBFsa on peut voir, non loin de la cabane, trois rectangles qui semblent indiquer des fondations d’enclos ou de cabanes (fig. 4).
La carte IGN actuelle indique cette cabane : http://geoportail.fr/url/7FB7cJ, ainsi que la nouvelle.
Lien vers la carte géologique :
http://geoportail.fr/url/7FB7cH.
Les recherches cadastrales restent à faire.
1. 3 La pierre Il s’agit a priori de pierres d’origine micro-locale [1], grès jaune, calcaire, lauzes, toutes semblent venir de la falaise qui surplombe la cabane. 2. ÉTAT DES LIEUX ET DIAGNOSTIC 2.1 La voûte La cabane de berger de L’Hivernet est composée d’une voûte en plein cintre en pierre sèche partiellement enterrée. Le demi-cylindre qu’elle dessine est orienté nord-sud et définit l’espace de la cabane. La partie nord est partiellement enterrée, la partie sud largement ouverte aux rayons du soleil. La voûte en elle-même ne présente pas de signe de ruine ni d’affaissement. Elle est très saine même s'il est possible qu’elle présente une légère déformation aux coins nord-ouest et sud-est de l’intrados (fig. 8). L’intrados ne présente aucun signe de présence de crépi ou de liant, non plus que de terre, la cabane est bien construite en pierre sèche. L’extrados est composé de pierres en saillie (fig. 7), les joints de la moitié sud sont exempts de terre et granulat à notre arrivée, la moitié nord, quant à elle, est entièrement recouverte de terre engazonnée.
La question se pose de l’utilisation de cette terre comme isolant entre la voûte et les lauzes composant la toiture, et comme protection contre le pas des bêtes en recouvrement de ces mêmes lauzes pour la partie nord qui est de plain pied dans la pente de la montagne. Rien ne nous indique cependant que cette présence de terre corresponde à une étape constructive de la cabane, non plus qu’à une étape de son exploitation. Une réponse claire et définitive n’a pu être donnée lors de ces deux journées.
La voûte est entièrement autoporteuse et désolidarisée des murs qui l’encadrent et qui ferment la cabane : au fond (fig. 8) et en façade (fig. 7) mais également sur les deux autres côtés. Il est ainsi certain que la voûte a été construite indépendamment et avant tous les autres appareillages qui la recouvrent où s’y accolent. Cette voûte est ainsi la structure première du bâtiment. L’unité de son appareillage indique qu’elle n’a été ni restaurée ni retouchée depuis sa création. Il est donc possible d’imaginer que la construction initiale était peut-être destinée à être non pas une cabane de berger, mais par exemple une bergerie couverte près d’une cabane aujourd’hui disparue.
2.2 Les murs extérieurs Les quatre murs extérieurs sont d’appareillage et de nature très différents. Le mur nord (fig. 7) est un soutènement en pierre sèche classique, il est accolé à la pente et retient le sol (fig. 8). Il est en très mauvais état et menace de s’effondrer, il fait ventre. Lors de sa réfection, il sera intéressant de récolter les artéfacts qu’il livrera afin de mieux dater son installation. Il s’inscrit sous la voûte, avec laquelle il ne croise pas et qui se poursuit sous l’espace qu’il ferme, il a de fait été érigé après la construction de celle-ci..
2.3 Les deux murs latéraux Ils sont en mauvais état à notre arrivée mais sont toujours en place (fig. 2). Ils sont en pierre sèche. Peu hauts, ils jouent le rôle de contreforts en encadrant la voûte à l’endroit où elle pousse latéralement. Ils ont également l’utilité de préparer la pose des lauzes de toiture et d’éloigner le ruissellement des eaux d’intempéries de l’intérieur de la cabane. Lors de leur réfection, aucun indice de croisement structurel avec la voûte n’a été trouvé. Les deux murs ont été restaurés lors de ces journées (fig. 12).
2.4 Façade C'est un mur à double parement installé au sud de la voûte (fig. 2, 3, 5 et 6). Il est jointif avec celle-ci mais la voûte s’arrête net à son endroit et son appareillage ne croise en aucun endroit avec elle (fig. 7). 2.5 Ouverture centrale Elle permet d’accéder à l’intérieur de la cabane. Aucun indice retrouvé ne permet de dire si une porte était installée et quel système a été employé pour ce faire. Cette ouverture est encadrée par deux chaînages d’angle, qui ont été renforcés et recalés lors de notre intervention, et par un linteau monolithe recouvert de graffitis gravés et millésimés (cf. § 5) sur lequel nous ne sommes pas intervenus. 2.6 Fenestron Les traces d’un fenestron étaient encore décelables à notre arrivée, il a été restauré selon les dimensions encore observables en façade grâce à son linteau gravé (fig. 13). De mémoire orale, ce fenestron a servi à faire passer le tuyau du poêle [2] (fig. 14).
L’angle sud-ouest était très fortement endommagé, à la suite d'un affaissement et
d'un basculement avec pendage avec contrefruit de la pierre d’angle en fondation.
Tout l’angle sud-ouest avait été emporté et était ruiné au-dessus de 60 cm, ce
qui impliquait la partie sud du mur latéral, le pignon ouest du mur de façade,
intérieur et extérieur. Il a été restauré entièrement à l’exception du jambage
de l’ouverture qui est resté en place et à juste été recalé (fig. 13).
2.7 L’intérieur Le sol est recouvert d’une épaisse couche de terre très humifère (fig.8). Un sondage permet de découvrir qu’une ancienne installation de dalles est encore en place un peu plus profondément. Retrouver ce niveau ancien reste à faire (il faut également noter que l’extérieur de la cabane semble lui aussi avoir été dallé, aménageant ainsi une terrasse devant la porte). Plusieurs niches sont aménagées dans la voûte, elles semblent avoir été construites simultanément, certaines ont été bouchées en raison de la fragilité de leur linteau. Nous en avons bouché une pour les mêmes raisons. Deux niches sont encore opérationnelles après notre passage (fig. 18). Plusieurs bouts de bois plantés dans les joints de la voûte semblent indiquer d’anciennes fixations ou patères. La présence de manques dans l’appareillage des pierres de la voûte à une certaine hauteur de chaque côté pourrait indiquer la mise en place de petites poutres pour aménager une couchette ou autre en « mezzanine ». À noter une pierre percée en sommet de voûte.
La couverture semble avoir été composée de lauzes placées directement sur la voûte, aucune trace d’appareillage ou d’installation de pierres n’a été retrouvée en interface voûte/couverture à notre arrivée. La possibilité de pose sur lit de terre reste une hypothèse crédible si l’on se base sur la partie nord-est de la toiture où un appareillage de lauzes placées en couverture était encore lisible (fig. 9 et 19). Le doute est néanmoins permis quand l’on observe l’état de « propreté » de la voûte partie sud, où seuls les claveaux de la voûte sont présents et où des traces très résiduelles de terre bouchent les fond de joints (fig. 2). Si l’on se réfère à la partie nord-est, il est également possible d’émettre l’hypothèse d’un recouvrement des lauzes par de la terre engazonnée, protection et/ou isolation ? [3]
Notre action a permis d'entamer le travail de couverture de la cabane, il est à noter que nous avons consommé la totalité des lauzes présentes sur site et n’avons couvert que la moitié de l’ouvrage. Il sera donc certainement nécessaire de procéder à un approvisionnement pour finir le travail (cf. fig.10 et 16). Sur le point de l’approvisionnement, il est possible d’imaginer que depuis
l’abandon de cette cabane comme refuge vers le milieu du XXe siècle,
une partie de ses pierres et notamment des lauzes aient été réemployées pour d’autres
ouvrages ou usages. Plusieurs objets sans grand intérêt ont été trouvés dans l’appareillage lors de la réfection de l’angle sud-ouest, une clé à ouvrir les boîtes de conserves, un demi bocal en verre, un tesson de poterie vernissé jaune, deux lauzes fines taillées en cercle. Autour de la cabane, quelques tessons de bouteille en verre épais soufflé, un galet oblong venant certainement de la vallée, une pierre de grès à la forme d’un fusil à affûter. Ces objets ont été laissés sur place dans une niche de la cabane, nous ne les avons pas photographiés.
3.2 Les graffitis De très nombreux graffitis ont été gravés à même la pierre. Nous n’en avons pas rencontrés à l’intérieur de la cabane mais la prospection reste à faire sérieusement avec une lumière adaptée. Ils sont présents
L’inventaire reste à faire, ces graffitis correspondent à des initiales, des noms complets et sont parfois millésimés. Un doute sur l’un des millésimes (1617 ?), les autres témoignent d’une occupation du milieu du XIXe siècle aux années 1940.
Trois pierres graffitées, récoltées autour de la cabane, ont été réemployées dans l’appareillage lors de notre restauration : le double linteau de la porte (fig.17), la lauze d’appui du fenestron en façade (fig. 20), une pierre de l’appareillage sous cette lauze (fig. 21).
3.3 Les graffitis de l'ancienne cabane Il est intéressant de noter la continuité de la pratique sur la façade de la nouvelle cabane (fig. 31 à 33). Les graffitis attestant a minima la présence d’un berger ou d'une
bergère sur l’alpage. Marion Molina nous a par ailleurs éclairé sur la présence de cette accumulation de marques pour les bergers en nous racontant son arrivée dans la nouvelle cabane du bas. Toute neuve et avec juste la table de l’ancienne cabane comme mobilier attestant la continuité de l’alpage, « elle était couverte de graffitis », nous dit-elle, « j’étais la première à utiliser la nouvelle cabane, mon graffito est tout seul, heureusement il y avait
la table ».
NOTES [1] Les pierres constituant la cabane sont originaires de couches géologiques différentes ; l’investigation de leur origine, notamment sur la falaise proche, reste à faire. [2] Source : un des éleveurs de Caléyère, dont le père utilisait déjà cet alpage. [3] Sandrine Raymond nous signale la bergerie dite « Gauthier » sur la commune des Orres. Elle se compose de murs n pierre sèche à demi enterrés dans la pente avec un toit en lauzes recouvert d’une couche de terre végétalisée. Par contre le toit est porté par une charpente en mélèze. L’ensemble a été reconstitué. Il se dit qu’un autre bâtiment serait situé en amont et présenterait les mêmes caractéristiques. [4] Les pierres graffitées ont été découvertes par Marion Molina dans le vallon juste à côté de l'abri, là où il y a les traces d'un grand enclos en demi-cercle. De plus près, il y a également les restes d'une seconde cabane en pierre sèche (reste de mur appareillé et gros volume de pierres). On voit bien l'arc de cercle sur la photo aérienne Géo-portail, plein ouest par rapport à l'abri. Pour imprimer, passer en format paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Louis Cagin Sites de l'auteur sur la Toile : http://pierreseche.over-blog.com et ttp://unepierresurlautre.wordpress.com
Restauration de la cabane de berger de L'Hivernet à Embrun (Hautes-Alpes) : première étape Restauration de la cabane de berger de L'Hivernet à Embrun (Hautes-Alpes) : suite Restauration de la cabane de berger de L'Hivernet à Embrun (Hautes-Alpes) : troisième étape
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