OBSERVATIONS SUR LES VESTIGES LITHIQUES AGRICOLES [1] DE BOUZIC DORDOGNE)
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Fig. 1 - http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/ |
2 - Les terres agricoles
Les cultivateurs pratiquent une polyculture comprenant plusieurs variétés de graines : froment, seigle (peu), orge, avoine, maïs, blé d’Espagne. Toutefois cette production ne permet pas d’exportation vers d’autres communes. On cultive également le chanvre. Les terres sont travaillées tantôt à la bêche tantôt à la charrue mais les nouveaux instruments comme la charrue [7] (nouvelle), les herses, les rouleaux ou semoirs ne sont pas encore présents sur le territoire. Il est intéressant de noter que la commune compte 15 chevaux, 35 ânes, 20 mulets pour seulement 2 vaches. Exception faite des deux vaches, on voit bien que ces animaux sont directement liés au travail de la terre, à la traction ou au portage. Pour le reste, sont mentionnés environ 500 moutons, 100 cochons, et seulement 5 chèvres.
3 - La vigne, le vin
On apprend que les vignes sont nombreuses, principalement dans les coteaux, que le mode de plantation consiste à « défricher et planter avec la pioche autant qu’on le peut, on couche la souche en entier et à un pied sous terre ». Nous savons que le cépage produisant du vin rouge, cultivée en 1835, est le « pied de perdrix noir ». Des variétés diverses sont cultivées pour le vin blanc. L’enquête nous apprend également que les terres viticoles sont « façonnées » [8] en avril et fin juin. Il est fait mention que ce travail est entièrement manuel, sans charrue, à la main.
Bouzic ne produit pas de grand cru et les paysans boivent « de la piquette et du vin quand ils en ont ». Tous aiment beaucoup le vin dont « 9 à 10 principalement », c’est-à-dire rentrant dans la catégorie « d’ivrognes reconnus comme tels dans la commune ». Le « faire chabrole » est une habitude très répandue dans la région, cet usage est pratiqué à Bouzic et les paysans en disent que « l’effet en est excellent ».
4 - La truffe
Des truffières sont présentes sur les coteaux. Au sujet de la truffe, Monsieur Gibert Aîné, maire de la commune, témoigne : « Il est difficile de pouvoir donner à ce sujet une suite juste, vu que les truffeurs ne trouvent jamais rien à leurs dires; mais il est réel qu’il s’en fait un grand commerce, et qu’il parait y en avoir beaucoup » (enquête de Cyprien Prosper Brard).
II - Le cadastre napoléonien – commune de Bouzic
Le cadastre de Bouzic n’est pas daté, mais les cadastres de plusieurs communes voisines le sont : Daglan 1836, Florimont-Gaumiers 1837, Domme 1836, Castelnaud-La-Chapelle 1836, Nabirat 1836.
Les cartouches des feuilles cadastrales de Bouzic comme ceux des communes voisines, qu’elles soient datées ou non, portent tous les noms de M. Romieu, Préfet, de M. Dazard, directeur des contributions et de M. Delay, ingénieur géomètre en chef. Nous savons que M. Auguste Romieu prit ses fonctions de préfet en Dordogne le 20 juillet 1833 et les quitta en 1843. On peut donc penser que le cadastre concernant Bouzic se situe, comme ceux des communes voisines, autour de l’année 1835 et ne peut, de toute façon, être antérieur à 1833 ni postérieur à 1843.
Le cadastre napoléonien de la commune de Bouzic se compose de 7 feuilles : 3 pour le Bourg, 2 pour les Sept-Frères, 1 pour Nadalie et 1 pour le tableau d’assemblage.
Le Bourg se situe dans la vallée, il est traversé en son milieu par le « Céou », une petite rivière que la fontaine de Bouzic alimente fortement. Les hameaux sont répartis sur les coteaux de chaque côté de la vallée. Ces hameaux sont : La Franquie (Lafranquie), Plavard, Vivinières (Viviniere), Langlade, Malecourse, Nadalie, Las Taillades (Lastaillades), Frajac, Les Eyrals (2 bâtiments sur l’ancien cadastre), Les Queyssiols (Quyssiols), Les Sept Frères, Les Igues (Les Ygues), Salpech (Salepech), La Derse (Laderse), Fordon.
L’objet de cette présentation est l’observation des constructions mentionnées sur l’ancien cadastre, hors hameaux.
Les bâtiments cadastrés sont représentés au carmin avec un trait forcé « du côté de l’ombre » [9]. En dehors des hameaux, dix-huit bâtiments sont ainsi représentés ainsi qu’une « masure », d’autres sont simplement représentés sous forme de petits cercles au trait noir continu. Trois « cabanes » sont également mentionnées sans être dessinées au carmin comme les autres bâtiments.
1er cas : Cabanes dessinées au carmin et numérotées
Cabane de Nadalie
Il s’agit d’une cabane bâtie à la terre dont la hauteur est particulièrement importante puisque, en 1993, j’avais relevé 6,20 m sous voûte. Cependant, sa forme circulaire présente, sur le plan napoléonien, un décrochement avec deux angles droits. Le tout est dessiné au carmin comme une seule construction et possède un numéro cadastral [10], le N° 409 sur la feuille section C.U. dite de Nadalie. Aucun terme n’indique la nature de cette construction. L’observation sur le terrain a débuté par la recherche de traces d’éventuelles modifications sur le parement orienté Nord-Est de la construction, à l’endroit du décrochement dessiné sur l’ancien cadastre. Rien n’indique de telles modifications. Par contre, au sol, existent bien les pierres formant la base d’une construction. Elles sont solidement ancrées et recouvertes de mousse (fig. N° 5 et 6). Cette construction était bâtie contre la cabane sans y être liée, sans jonction (fig. N° 7). Il existe sur le devant de la cabane, côté Sud, une petite construction qui n’est pas figurée sur l’ancien cadastre. À noter que ce lieu est appelé localement « Par les cabanes ».
Fig. 2 - Cabane de Nadalie - Cadastre napoléonien. |
Fig. 3 - Cabane de Nadalie N° 50 - cadastre actuel. |
Fig. 4 - Cabane de Nadalie, vue d'ensemble. |
Fig. 5 - Cabane de Nadalie, emplacement de la construction qui existait sur le cadastre napoléonien. |
Fig. 6 - Vue de derrière, sous les mousses, pierres de l'ancienne construction. |
Fig. 7 - Cabane de Nadalie : le parement ne présente aucune modification. |
Cabane des Igues
Cette cabane existe à l’état de ruine, elle est située le long d’un ancien chemin en bout des vignes récentes de Moncalou sur la commune de Florimont-Gaumiers et porte le numéro cadastral 1944. De l’autre côté de la parcelle N° 1943, une « masure » de proportion sensiblement identique à la cabane ruinée, est dessinée sur la parcelle N° 1939 qui correspond actuellement à la parcelle N° 161. Cette « masure » n’existe plus, à cet endroit un passage permet d’accéder aux terres. Les restes d’une guérite sont visibles sur la muraille en limite du chemin.
Fig. 8 - Cabane des Igues, ruinée, avec une « masure » signalée sur l’ancien cadastre. |
Fig. 9 - Ruine visible sur cette vue aérienne et emplacement de la « masure » de la Fig. 8. |
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Fig. 10 - Ruine des Igues sur le parcours balisé des vignes de Moncalou. |
Cabanes de Frajac
Située sous le hameau de Frajac, en redescendant vers Bouzic, cette cabane ruinée porte le N° 945. De plan rectangulaire, elle est bâtie à sec et il ne reste plus que les murs gouttereaux et la base des murs pignons. Une niche est encore bien visible.
Fig. 11 - Cabane de Frajac - Cadastre napoléonien. |
Fig. 12 - Cabane de Frajac, situation sur le parcellaire actuel. |
Fig. 13 - Cabane de Frajac. |
Cabane des Sept Frères
Cabane ruinée et numéroté 1515. La parcelle est délimitée tout autour par des murs de pierre sèche. Elle est divisée en deux parties, l’une comportant la cabane et la longueur de terrain se trouvant devant elle, l’autre se situant en contrebas de la cabane. Le tout se trouve sur un terrain en pente, cependant la parcelle du bas constitue une terrasse. À partir la cabane, l’accès semble avoir été aplani de façon à pouvoir descendre facilement jusqu’à à la terre de la parcelle inférieure (N° 1513) en contournant la partie de la parcelle située en contrebas. L’ancien cadastre présente une seule construction quadrangulaire située sur la limite des N° 1515 et N° 1516. Actuellement, trois constructions ruinées sont présentes sur le site. Un mur pignon se situe en limite avec deux retours et sépare deux constructions, une petite cellule bâtie à l’angle du mur pignon et du retour du mur gouttereau et une cabane construite derrière le mur pignon. Le mur, les deux retours, les murailles en limite de parcelles et celles formant l’enclos, constituent les vestiges de l’ancien cadastre. À une vingtaine de mètres, sur la même courbe de niveau, une autre ruine existe (Fig. N° 22).
La petite cellule angulaire a été construite dans la ruine en se servant judicieusement du pignon et du retour. Suivant l’ancien cadastre, la cabane en butée derrière le pignon n’existait pas ainsi que la ruine située à une vingtaine de mètres. Il semble, d’après la configuration du terrain et l’orientation des murailles qui subsistent, que la cabane était liée à l’exploitation de la terre N° 1513 qui constitue une grande parcelle dont nous ne voyons qu’une petite partie ci-dessous. La deuxième cabane juxtaposée mais non encore existante se situe sur la parcelle N° 1516 mentionnée en vigne. Nous voyons que la parcelle N° 1517 en taillis n’a pratiquement pas été modifiée depuis l’ancien cadastre.
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Fig. 14 - Cabane des Sept Frères - Cadastre napoléonien. |
Fig. 15 - Emplacement de la cabane ruinée sur le cadastre actuel. |
Fig. 16 - Cabane N° 1515 : au premier plan couvrement effondré de la cellule bâtie à l’angle du retour d’un mur gouttereau et du mur pignon. |
Fig. 17 - Vue sur la cellule angulaire. |
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Fig.18 - Mur pignon avec une niche en hauteur et les retours des deux murs. |
Fig. 19 - Vue sur la cabane bâtie contre le mur pignon sur la parcelle N° 1516, construction postérieure à l’établissement de la feuille de l'ancien cadastre. |
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Fig. 20 - Vue de la partie existante du mur gouttereau en retour du pignon côté enclos. La hauteur du mur donne une idée des volumes de la construction, relativement haute vers le bas de la pente. |
Fig. 21 - Vue de l'enclos vers la cabane en haut et à gauche de la photo. On aperçoit nettement que ce terrain forme une terrasse, la partie gauche sur la photo semble plus pentue mais de nombreuses pierres de la muraille supérieure jonchent le sol. En contrebas, une muraille est bâtie contre la muraille formant enclos. |
Fig. 22 - Cabane en ruine située à une vingtaine de mètres de la cabane relevée sur l'ancien cadastre. |
Cabane des Sept Frères en bas du château d’eau
Construction située en bordure d’un ancien chemin, menant aux Sept Frères. Il reste un mur pignon et le mur gouttereau opposé à l’entrée, le sol est jonché de pierres tombées des murs. Le mur gouttereau de l’entrée est partiellement démoli, il reste les premières pierres des deux jambages. Cette construction à pierre sèche porte le numéro 1588.
Fig. 23 - Cabane des Sept Frères sous le château d’eau - Cadastre napoléonien. |
Fig. 24 - Emplacement de la ruine de la cabane sur le cadastre actuel. |
Fig. 25 - Reste du mur pignon au niveau de la route actuelle. |
Fig. 26 - Intérieur de la cabane : les murs sont encore visibles sur le pourtour de la construction. |
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Fig. 27 - Vue de l'intérieur, mur pignon. |
Cabane de Fordon
Cette construction a été rebâtie sur les bases d’une ancienne bâtisse. Elle porte le numéro 1299 sur l’ancien cadastre et le numéro 226 sur le cadastre actuel. On voit très nettement le niveau de l’ancienne construction servant d’arase pour accueillir les nouvelles pierres. On remarque sur le plan ci-dessous un tas d’épierrement en trait noir pointillé. Sur le cadastre actuel ce tas est intégré à une nouvelle parcelle qui le contourne.
Fig. 28 - Cabane de Fordon - Cadastre napoléonien. |
Fig. 29 - Cabane de Fordon et tas d’épierrement sur le parcellaire actuel. |
Fig. 30 - Cabane de Fordon, nouvelle construction sur les bases des ruines de l'ancienne cabane. |
Fig. 31 - On voit très bien l'endroit de la reprise pour la nouvelle construction. |
Cabanes de Bouzic
On a ici un ensemble de trois constructions distinctes : les numéros 935, 936 et 921. Il existe maintenant sur la parcelle N° 934 une grande maison. Il reste cependant les bases de la construction No 921 en ruine. Les propriétaires ont utilisé la construction No 935 pour bâtir une petite dépendance sur les anciens murs. On voit parfaitement l’ancienne construction sous la bâtisse plus récente. Une partie du couvrement de lauze avec un houteau est conservé du côté du mur gouttereau possédant l’entrée. La construction N° 936 n’existe plus mais deux autres petites cabanes en mauvais état sont présentes, l’une en dessous de la No 935 et l’autre au-dessus. Elles ne sont pas représentées sur l’ancien cadastre.
Fig. 32 - Groupe de trois constructions sur le cadastre napoléonien. |
Fig. 33 - Emplacements des constructions sur le cadastre actuel. |
Numéro 935
Fig. 34 - Vue du mur pignon en contre-plongée à partir de la muraille en limite de parcelle. |
Fig. 35 - Vue des aménagements réalisés à partir de l'ancienne construction. |
Numéro 921
Fig. 36 - Ruine de la construction N° 921. |
Ci-dessous deux autres cabanes, sur le site, qui n’existaient pas sur l’ancien cadastre.
Fig. 37 - Cabane située en dessous de la cabane N° 935. |
Fig. 38 - Cabane située au-dessus de la cabane N° 935. |
2e cas : Cabanes dessinées au carmin non numérotées
Cabane de Bayargal, dite « du juge » [11]
Une autre construction, non numérotée, dessinée au carmin, existe sur l’ancien cadastre, section B2 dite des Sept Frères, sur la parcelle N° 1133 et à l’angle de la parcelle N° 1122. Il s’agit d’une cabane circulaire à la taille imposante que j’avais également recensée en 1993. Cette cabane ne possède pas de numéro sur l’ancien cadastre mais porte le numéro 17 sur le cadastre actuel. L’entrée est particulièrement large, 1,50m, ce qui n’est pas très fréquent mais donne la possibilité d’abriter du matériel assez large. Il y a quelques années, j’y avais vu une vieille petite faucheuse équipée de son timon.
Fig. 39 - Cabane de Bayargal sur l’ancien cadastre. |
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Fig. 40 - Cabane de Bayargal N° 17 sur le cadastre actuel. |
Fig. 41 - Cabane de Bayargal dite « Cabane du Juge ». |
Cabane de Nadalie à la sortie du hameau
Cabane rectangulaire, ruinée, non numérotée sur le cadastre ancien. Deux niches intérieures sont encore visibles.
Fig. 42 - Cabane sous le hameau de Nadalie - Cadastre napoléonien. |
Fig. 43 - Emplacement de la cabane sur le cadastre actuel. |
Fig. 44 - Cabane ruinée à l’emplacement de la construction mentionnée sur le cadastre napoléonien. |
3e cas : Les constructions mentionnées avec le terme « cabane » sur l’ancien cadastre sont au nombre de quatre.
Si le terme « cabane » est écrit à ces endroits, c’est sans doute en raison de leur position sur des lignes de divises entre sections ou limites communales. Elles sont alors identifiables, comme les bornes, les murs, murailles, chemins, ravins, etc. Mais ceci ne vaut pas pour toutes les cabanes, il existe sur le plan cadastral de Daglan, la commune voisine, des cabanes dessinées au carmin, cadastrées et numérotées et portant la mention « cabane » qui ne sont pas sur les divises.
1. La première cabane observée se situe sur la divise entre Campagnac-lès-Quercy et Bouzic, sur la feuille Section B2 dite des Sept Frères à l’angle de deux parcelles Nos 1090 et 1091. Cette cabane est en bout d’une muraille servant aussi de ligne de division et mentionnée sur l’ancien cadastre. Même si cette cabane est encore en place, son état est mauvais au niveau du couvrement qui risque de s’effondrer.
Fig. 45 - Cabane mentionnée sur le cadastre napoléonien sous le nom vernaculaire de « cabane ». |
2. La seconde cabane se situe également sur la divise entre Campagnac-lès-Quercy et Bouzic, sur la feuille section B1 dite des Sept Frères, à l’angle d’une terre N° 1084 et de la limite communale avec Campagnac-lès-Quercy, trois cabanes existent dans un rayon de quelques dizaines de mètres des coordonnées géodésiques correspondant à cet endroit. Il existe aussi de nombreuses murailles et tas d’épierrement mais rien n’est visible au point précis en angle et limites des deux communes.
3. La troisième cabane, mentionnée sur la 3e feuille Section A3 dite du Bourg, se situe le long d’un chemin reliant Malecourse à Florimont et en bout d’une ligne de partage entre deux sections représentées par une muraille. La parcelle, mentionnée en vigne, porte le numéro 2639. Sur le terrain il n’existe plus de cabane.
4. La quatrième cabane, zone du hameau de Plavard (fig. Nos 46, 47, 48, 49, 50) se situe aux confins des communes de Bouzic et de Saint-Martial de Nabirat à l’angle des parcelles N° 248 et N° 249. C’est une toute petite cabane dont il ne reste que la base des murs et le linteau, elle était vraisemblablement utilisée comme poulailler. Elle se situe le long d’un ancien chemin reliant « Lol » à « Leyfsales » aujourd’hui « Lol-haut » et « Leyssales ».
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Fig. 46 - Voir ci-dessous. |
Fig. 47 - Petite cabane ruinée aux confins des communes de Bouzic et Saint-Martial de Nabirat. |
Fig. 48 - Détail de la cabane des figures Nos 46 et 47 sur l’ancien cadastre. |
Fig. 49 - Parcelle actuelle N° 300 où se situe la petite cabane ruinée. |
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Fig. 50 - Vue aérienne avec mise en évidence du parcellaire sur la photo du haut et du paysage sur celle du bas. On remarque bien, malgré l’abondance de la végétation, la présence des pierres au cœur de la parcelle N° 300. Ces pierres constituent la parcelle N° 248 de l’ancien cadastre. L’ensemble des parcelles 248 et 249 correspond à la N° 300 actuelle. |
Fig. 51 - En bas à gauche, extrait du Cadastre napoléonien de Daglan (1836), deux cabanes sont représentées au carmin avec la mention sur la nature de la construction. |
4e cas : Cabanes symbolisées sous forme de cercle noir en ligne continue
Une cabane au lieu-dit Les Queyssiols sur la feuille Section B2 dite des Sept Frères est représentée sous forme de cercle noir en ligne continue. Cette petite cabane circulaire, ayant servi de poulailler, existe toujours. Une dizaine de mètres plus loin, un autre cercle plus petit est représenté de la même façon sur la fin d’une muraille mais rien ne subsiste si ce n’est la muraille couverte de broussailles.
Fig. 52 - Cabane des Queyssiols sur le cadastre napoléonien. |
Fig. 53 - Cabane des Queyssiols représentée sur le cadastre actuel. |
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Fig. 54 - Cabane des Queyssiols. |
5e Cas: Tas d’épierrement (amas de pierres)
Sur la parcelle No 1308 un tas d’épierrement est dessiné au trait noir discontinu. Cet exemple se situe à proximité de la cabane citée plus haut. Ce qui est très intéressant, c’est la présence d’un autre tas sur l’ancien cadastre qui est situé à 300 m et l’existence actuelle de tas sur les parcelles voisines qui, eux, ne sont pas mentionnés sur l’ancien cadastre. Ces tas sont aussi importants par leur taille et parfois plus grands que celui qui est mentionné sur le cadastre ancien. Il est donc très probable que ces tas n’existaient pas ou que leurs dimensions n’excédaient pas deux perches métriques [12], mesure au delà de laquelle les tas devaient être levés et parcellés suivant la méthode. Localement, j’entends souvent dire que les plus « gros tas » sont les plus anciens (plus gros, plus grands = plus vieux) et que des siècles[13] ont été nécessaires pour réaliser de telles constructions. Au regard du cadastre ancien, la plupart des tas, même de grandes dimensions, n’existaient pas encore au début des années 1830. La figure N° 55 montre un tas de grandes dimensions dont le volume se situe autour des 400 m3. Ce qui revient à dire qu’un homme seul mettrait 400 jours à le bâtir à raison d’un mètre cube par jour. Évidemment, dans la réalité cela ne se passe pas de cette façon, on n’épierre pas tous les jours de l’année, mais il n’y a pas non plus qu’un seul homme à l’ouvrage, cela suffit simplement à donner un ordre de grandeur et à relativiser le temps de construction de ces tas d’épierrement [14].
Fig. 55 - Tas d'épierrement bien bâti sur la commune de Daglan, le volume approximatif de ce tas est d’environ 400 m3. |
Fig. 56 - Tas d’épierrement symbolisé en pointillé à proximité de La Cabane Fordon. |
Fig. 57 - Tas d’épierrement inclus sur une parcelle du cadastre actuel. |
Fig. 58 - Tas d'épierrement situé sur la parcelle N° 1308 désignée en « terre » sur l’ancien cadastre. Une recherche dans les archives permettrait sans doute de connaître le propriétaire de cette parcelle et des parcelles voisines et peut-être de comprendre le « mouvement » de ces pierres. |
III - Occupation du sol
Les coteaux de la vallée du Céou ayant été très marqués par la viticulure, j’ai souhaité visualiser et quantifier le pourcentage de celle-ci sur l’ensemble de la commune de Bouzic..
Ces parcelles sont identifiées par les abréviations suivantes : v (vigne), t (terre), ta (taillis), p (pré), f (friche). Des parcelles ne sont pas légendées.
J’ai tracé et créé des sélections de chaque ensemble de ces parcelles. J’ai ensuite converti chaque sélection en blanc pur pour l’intégrer à un gabarit composé d’un fond noir pur. Le gabarit est commun à l’ensemble des sections et mesure 10400 px x 7200 px. Plus la quantité de pixels blancs obtenue est importante, plus la surface de la sélection analysée est importante. Je rappelle qu’un noir pur a une valeur de 0 et un blanc pur une valeur de 255. Les graphiques traduisent l’intensité représentée par la couleur blanche sur le fond noir (fig. N° 59). Les zones d’habitation qui sont développées en marge ne sont pas intégrées car elles sont à une échelle différente et comportent peu de terrains légendés.
Fig. 58 - Exemple de la sélection des parcelles désignées en vigne, convertie en blanc pur pour être analysée. |
Fig. 60 - Exemple d’une section du cadastre napoléonien colorisée. |
Résultats obtenus, après analyse des parcelles, sur l’ensemble des 6 sections :
Fig. 61 - Tableau des résultats obtenus de l’occupation des sols sur chaque section du cadastre napoléonien de la commune de Bouzic (colonnes des hameaux). |
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Fig. 62 - Tableau des résultats obtenus de l’occupation des sols sur chaque section du cadastre napoléonien de la commune de Bouzic (colonnes par nature des sols). |
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Fig. 63 - Totaux des résultats obtenus sur l’ensemble du territoire de la commune. |
La proportion de culture en terre est la plus élevée sur l’ensemble des terrains. Les vignes et les parcelles non légendées arrivent ensuite. Les prés (prairies), occupent les zones de la vallée, de part et d’autre du Céou.
Ces terrains très inondables se prêtaient mal aux cultures comme l’atteste l’enquête de Cyprien Brard à propos du Céou (fig. N° 64). Le reste des terrains se divise en friches et taillis.
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Fig. 64 - « ...ce ruisseau déborde plusieurs fois l’année ; les eaux s’élèvent alors sur tout le vallon de trois à quatre pieds de hauteur au-dessus de son lit et nuisent aux récoltes. Une très belle fontaine connue sous le nom de fontaine de Bouzic, arrosant une belle prairie et faisant moudre un moulin à deux meules tournantes et débordante aussi quelques fois, le débordement nuit également aux récoltes. » |
IV - Conclusions
1 - Petit inventaire des termes rencontrés sur le cadastre ancien
Cabane, murs, murailles gros tas, terrier bordé de chênes, vieux chemin abandonné bordé de chênes, vieux chemins, muraille écrasée, muraille ou ravin, murs ou tas, grosse vieille muraille... La plupart de ces termes sont liés à la description lithique du parcellaire établi sur la commune. Les murailles, tas d’épierrement et chemins constituent souvent les limites des parcelles situées en bordure de chaque feuille cadastrale. On trouve souvent écrit une brève description pour les chemins et murailles, « vieux chemins », « murailles écrasées », « grosse muraille », « gros tas », « chemins bordé de... ». Le mot « cabane » est utilisé comme terme pour toutes les constructions que ce soient des constructions à voûte d’encorbellement ou à toiture de lauze[15]. Le terme « masure » est mentionné une fois. Le mot « borie »[16] n’existe pas pour ces constructions. Il est mentionné deux fois sur la commune voisine de Saint-Martial de Nabirat pour désigner un ensemble de bâtiments d’une propriété, « Laborie ». Ce terme est très fréquent dans la région mais n’est jamais utilisé pour désigner ce qui s’appelle une « cabane ». L’utilisation inappropriée du terme « borie(s) » se rencontre sur les cartes IGN au 1/25000, voir l’exemple que nous trouvons sur Bouzic à proximité du hameau des Sept Frères et qui désigne deux petites cabanes (fig. N° 65).
Fig. 65 - En haut, une petite cabane dont le couvrement est en mauvais état, en bas un poulailler encore en bon état général. Deux cabanes qui possèdent une identité, une culture, une histoire locale, rurale, mais dont le nom vernaculaire ne devait pas satisfaire certaines personnes aux intérêts bien éloignés du respect de la mémoire locale. |
2 - La densité
Le parcellaire est important mais la quantité de constructions levées sur l’ancien cadastre est faible. Beaucoup de constructions actuellement présentes sur cette commune ne sont pas représentées. Si de telles constructions avaient existé avant 1835, pourquoi ne sont-elles pas sur le cadastre ? D’autres cabanes existent, de tailles imposantes (Nadalie et la cabane du Juge) mais d’autres bien plus modestes également (poulaillers, cabanes en limite de chemins et murailles). Certaines sont cadastrées et numérotées, d’autres simplement représentées d’un trait noir. Certaines cabanes sont aussi nommées par le terme générique pour toutes ces constructions : « cabane ». Comme nous l’avons vu précédemment, des tas d’épierrement sont aussi levés et représentés sur l’ancien cadastre.
Deux solutions semblent possibles : soit les géomètres n’ont pas tout levé et cadastré, soit ces constructions n’existaient pas encore. Les cabanes cadastrées étant de tailles très modestes jusqu’à des dimensions beaucoup plus importantes (Nadalie ou Bayargal), rien ne peut justifier l’absence, sur le cadastre ancien, de la majorité des constructions actuellement connues si ce n’est qu’elles n’existaient pas encore.
Les guérites ont constitué les premiers abris très simples durant l’édification des murailles. La mise en culture des terres labourables et viticoles s’est déroulée jusqu’à l’arrivée du phylloxéra autour des années 1886. À la fin du premier quart du XIXe siècle, il restait encore énormément de travail à réaliser, de nombreuses terres à défricher, à épierrer. C’est le résultat de tous ces travaux agraires qui constitue le paysage de vestiges lithiques qui caractérise les coteaux de Bouzic. Les cabanes sont liées directement au travail des paysans sur leurs terres. Tout comme les cabanes, la plupart des tas d’épierrement, même de volume important, furent construits entre le premier et le dernier quart du XIXe.
Le cadastre ancien, ici à Bouzic au début des années 1830, offre une photographie d’une période précise, en un lieu précis. Les observations de terrain présentées dans cet article sont guidées à partir de ce cadastre. Le cadastre ancien est une mine d’informations essentielles, d’une grande richesse, pour une période précise, mais il ne nous renseigne pas sur l’évolution des parcelles. D’autres études pourraient être réalisées à partir de ces éléments en utilisant les matrices cadastrales et les états de sections.
Notes
[1] Christian Lassure : « Par cette expression, il faut comprendre toute construction provenant d'une pratique humaine d'épierrement, de clôture et d'édification d'abris sur des terres agricoles encore actives ou anciennement cultivées. Le terme de « vestige » renvoie plus précisément au fait que la plupart de ces constructions sont aujourd'hui à l'abandon ou sans usage même si la parcelle où ils se dressent est encore exploitée. L'expression a été popularisée par Christian Lassure au début des années 1970 à propos du haut Quercy puis reprise par Pierre Haasé à propos de la Bourgogne ». Source : http://pierreseche.com/definition_lithiques.html
[2] Le cadastre napoléonien, dressé entre 1807 et 1850, se compose de plans parcellaires, des matrices cadastrales et des états de section.
[3] Archives Départementales de la Dordogne, 1835, Enquête statistique de Cyprien Brard (1786-1838) : « En 1835, un préfet entreprenant, Auguste Romieu, confiait à Cyprien Prosper Brard, homme de science et industriel, la tâche d'organiser une enquête statistique sur le département de la Dordogne... ». Toutes les informations sont issues des trois questionnaires de l’enquête sur la commune de Bouzic.
[4] Rencensement du canton de Domme (Dordogne) : première phase 1991 - 1992 : commune de Daglan 171 constructions, financée par la Mairie de Daglan et le CAUE de la Dordogne, seconde phase 1994 - 1995 : canton de Domme (14 communes dont Daglan), financée par le Conseil Régional d’Aquitaine.
[5] Archives Départementales de la Dordogne, Recensement -Bouzic- 1836.
[6] Les sabots étaient fabriqués en bois de noyer et vendus sur les marchés des communes voisines.
[7] Vraisemblablement « la charrue véritable à soc et à versoir en fer, dont l'usage s'est généralisé à partir du 2e tiers du XIXe siècle. Contrairement aux araires dont le soc était encore souvent en bois renforcé par du fer et ne faisait qu'égratigner le sol... ». Source : Christian Lassure, La genèse des paysages lithiques d'origine agricole : les faiseurs de murailles et de cabanes en pierre sèche dans la France des XVIIIe-XIXe siècles, http://www.pierreseche.com/la_genese_des_paysages_lithiques.htm
[8] Opération consistant au travail des terres comme le labourage, le sarclage. Ici, les travaux étant entièrement manuels, il s’agit d’un sarclage pour aérer et enlever les mauvaises herbes.
[9] Recueil méthodique des lois, décrets, règlements, instructions et décisions sur le cadastre de la France approuvé par le ministre des Finances.
[11] M. Rauzet, propriétaire de la cabane, me raconte que « d’après l’ancienne propriétaire, un juge rendait, autrefois la justice dans la cabane », c’est l’explication locale de toutes les pierres posées en débord à l’intérieur de la cabane, formant des sièges à « auditoire » où les gens étaient assis en cercle. Il existe une autre « cabane du juge » aux mêmes caractéristiques morphologiques [où ?]. Il est intéressant de constater que des éléments semblables d’architecture récupèrent les mêmes petites histoires locales qui tentent de donner à ces constructions de la force, de la valeur supplémentaire autre que l’histoire paysanne à laquelle ces constructions sont liées.
[12] Une perche métrique égale 10 mètres sur 10 mètres.
[13] Il est fréquent, localement, d’entendre des périodes de 300 ans. Nous sommes encore dans les affirmations ou les « on dit que », des rumeurs qui se colportent de façon remarquable, qui plaisent, qui sont agréables à entendre et imaginer mais qui pour la plupart des tas visibles aujourd’hui n’ont aucun fondement, ce qui est le principe même de la rumeur.
[14] David Fontayne, murailler à Castels en Dordogne, se base sur des valeurs comprises entre 0,6 m3 et 0,7 m3 en moyenne allant jusqu’à 1 m3 environ de pierres bâties à sec par jour et par personne. Ces chiffres sont très variables suivant la nature du matériau utilisé.
[15] Dans le langage courant des vieux paysans locaux, les grangettes ou maisonnettes de vigne sont toujours désignées par le mot « cabane » tout comme les guérites et constructions à encorbellement.
[16] Le terme « gariote » a commencé son apparition récente sur les sites internet locaux de certaines communes de la vallée du Céou. Une commune le
mettait en légende sous chaque photo d’un article intitulé « Cabanes », ce qui est pour le moins paradoxal. Cet article reprenait ce que le bulletin municipal devait publier. Après un petit entretien, tout est rentré dans l’ordre. Pour une autre commune, nous trouvons le mot « cabane » suivi de « gariote » entre parenthèses. Un conseiller municipal du département voisin m’a dit « Pour moi les cabanes, c’est au fond du jardin », je crois que cela montre bien sur quelle
pente nous sommes.
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© CERAV
16 mai 2015 / May 16th, 2015
Référence à citer / To be referenced as :
Jean-Marc Caron
Observations sur les vestiges lithiques agricoles de Bouzic (Dordogne) d'après le cadastre napoléonien (Observations on the agricultural dry stone-built vestiges of Bouzic, Dordogne, in the light of the Napoleonic land register)
http://www.pierreseche.com/bouzic_vestiges_lithiques.htm
16 mai 2015
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