LES CINQ « CABANONS POINTUS » DE FORCALQUIER (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE)

À TRAVERS LES CARTES POSTALES ANCIENNES

 

The five 'cabanons pointus' at Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence,

as seen through vintage postcards

(nouvelle version / new version)

Christian Lassure

Introduction

Ces cinq édifices en pierre sèche formaient un groupe, d'orientation nord-est sud-ouest, situé au lieu dit La Ponchère sur un terrain pentu faisant face à la ville de Forcalquier dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ils servaient, pour quatre d'entre eux, de grangettes et de resserres-à-outils, et, pour le cinquième, de citerne.

Signalés « en mauvais état » en 1953, ils sont décrits comme étant « totalement ruinés » en 1980 (Christian Bromberger, Jacques Lacroix, Henri Raulin, volume Provence du Corpus de l'architecture rurale française, Berger-Levrault, 1990, monographie PR 25, pp. 302-305, en part. p. 304).

On en trouvera ci-dessous le plan, publié en 1980 dans le volume Provence du Corpus et réalisé à partir du relevé dressé par l'architecte Louis Miquel en 1943 et des observations des enquêteurs du Musée national des arts et traditions populaires venus sur le site en 1977.

L'examen des cadastres (le napoléonien et le moderne) devrait permettre de situer à quelle époque précise du XIXe siècle ces édifices ont été construits.

Avertissements :
- dans les cartes étudiées, par commodité, le côté portant l'illustration – celui qui nous intéresse au premier chef – est appelé « recto », l'autre étant appelé « verso » ou « dos » ;
- autre point : pour que le lecteur puisse s'y retrouver, nous avons regroupé les cartes d'après le côté (amont ou aval) d'où la vue est prise.

Les cabanons vus depuis l'amont

 

Carte postale de type nuagique (verso réservé à l'adresse, correspondance confinée au recto), donc antérieure à 1904, date à laquelle le verso est divisé en « correspondance» à gauche et « adresse » à droite. Le sujet est indiqué en bas du recto : FORCALQUIER (Basses-Alpes) – Cabanons pointus. L'éditeur est mentionné dans la bordure gauche : A. GAUDIN, édit. à Forcalquier.

La vue, prise en amont, est de trois-quarts à droite. La citerne est le bâtiment à l'extrême droite près duquel se tiennent ce qui semble être un garde-champêtre avec son chien et un visiteur assis sur un contrefort.  La dame en tenue de ville regarde, avec une lunette, non pas le cabanon en face d'elle mais  la colline de Forcalquier se dessinant dans le lointain dans l'intervalle entre deux toitures. Le cinquième cabanon (à l'extrême gauche) est caché par le quatrième à l'exception d'un pan de toiture.

 

Cate postale en noir et blanc de la première décennie du XXe siècle. Aucun renseignement quant au dos. En fait, la photo est du photographe Saint-Marcel Eysseric et date des alentours de 1890.

On y voit quatre et non pas cinq cabanons pointus, car le cinquième, le plus à droite, celui abritant une citerne, est hors champ. Le cabanon à l'extrême gauche semble avoir perdu le haut de sa toiture ou ne pas avoir été achevé. Il est engoncé dans un contremur qui recouvre les deux tiers de la hauteur de son corps de base. La grosse bâtisse au centre est l'archétype du cabanon pointu avec son cône à coyau et rive saillante. À son sommet, un empilement de blocs repose sur ce qui semble être une épaisse plaque circulaire de tôle (?). La pointe du troisième cabanon à partir de la gauche présente une brèche et celle du quatrième semble, elle aussi, avoir été trafiquée.

 

Carte postale noir et blanc de la première décennie du XXe siècle. Dos divisé, signe d'une édition postérieure à 1903. Légendage : en haut à droite : FORCALQUIER - Les Cabanons pointus; dans l'angle inférieur droit, Papeterie Reynaud Forcalquier.

Cette vue, prise depuis le nord-ouest, avec la ville de Forcalquier se dissimulant à l'arrière-plan, montre des « cabanons pointus » encore en bon état à l'exception de la pointe émoussée des deuxième et troisième cabanons à partir de la gauche. Le cône de la citerne se termine apparemment par une dalle en forme de disque.

 

Carte postale noir et blanc de la première décennie du XXe siècle. Dos divisé. Légendage : au recto, en haut, l' inscription centrée FORCALQUIER - Les Cabanons Pointus.; dans l'angle inférieur gauche, une inscription illisible (sans doute le nom de l'éditeur).

L'ensemble est photographié depuis le nord-ouest. La citerne se trouve à l'extrême droite. Le cône de la deuxième cabane à partir de la droite est fortement émoussé.

 
 
 

Les cabanons vus depuis l'aval

 

 

Prise depuis le sud-est, cette vue est la plus ancienne de toutes car figurant sur une carte postale de type nuagique (verso réservé à l'adresse, correspondance confinée au recto), donc antérieure à 1904, date à laquelle le verso est divisé en « correspondance » à gauche et « adresse » à droite. Légendage : sous le nuage, Forcalquier - 4 - Les Cabanons Pointus ; le long du bord gauche, Libr. Pap. A. Crest à Forcalquier.

L'ensemble est en bon état de conservation, les toitures sont intactes. De droite à gauche, c'est-à-dire du nord-est au sud-ouest, on aperçoit quatre cabanes et une citerne couverte accolées les unes aux autres. Les trois premières cabanes à droite sont réparties autour d'un petit renfoncement, sur lequel donnent leurs entrées respectives. La quatrième a son entrée qui donne au sud-est. L'édifice à l'extrême gauche est la citerne.

 

Prise également depuis le sud-est, cette vue remonte à la première décennie du XXe siècle et au plus tôt à 1904, dson dos étant dos étant divisé par un double filet en partie CORRESPONDANCE et partie ADRESSE. Légendage : dans l'angle inférieur gauche, " Hugon, Tabacs ".

On reconnaît, de droite à gauche, les trois premières cabanes mais la cabane No 4 est  cachée par un arbre. La citerne à l'extrême gauche a son entrée donnant sur l'aval.

 

Carte postale noir et blanc des années 1900, au dos divisé par un double filet en partie CORRESPONDANCE et partie ADRESSE, donc postérieure à 1903. Légendage : sous la vue, dans une bande blanche, l'inscription 400. FORCALQUIER – Les Cabanons pointus.

Cette vue rapprochée des quatre cabanes de droite, prise depuis le nord-est, est de la même époque que la précédente : les toitures n'ont guère bougé, à l'exception de celle du quatrième édifice, qui s'est arrondie. L'intérêt de cette vue est de montrer la piètre qualité du matériau calcaire employé : de petites plaquettes lenticulaires qui ne se prêtent pas à une maçonnerie sèche ayant une bonne cohésion et une grande longévité. On note que deux cabanes sont enveloppées d'un contrefort arrivant à la hauteur de la rive de leur toiture ou juste en dessous.

 

Carte postale à bordure blanche chantournée, signée André au recto (années 1950). Dos divisé. La même vue existe en teinte sépia avec une bordure blanche non dentelée, sans doute plus ancienne (années 1940 ?). Légendage au verso : en haut à gauche, FORCALQUIER (B.-Alpes) / Les Cabanons Pointus ; par le milieu, verticalement : COMBIER IMP. MACON.

Dans cette vue prise depuis l'aval, l'état de dégradation des édifices s'est accentué : de grandes plages d'éboulement mangent les toitures au-dessus des entrées de la  deuxième et de la quatrième cabanes à partir de la droite. C'est que le couvrement des entrées était formé de traverses de bois qui, avec le temps et le pourissement, ont dû céder.

 

Carte postale en noir et blanc signée André. Dos divisé.

Le cabanon servant de citerne à l'extrême gauche est réduit à ses parois verticales, la toiture de lauses du deuxième cabanon à partir de la gauche continue de s'ébouler, les trois autres ne semblent pas avoir beaucoup bougé. La disparition du cône de la citerne révèle à la vue un bâtiment en pierre sèche du type remise à voûte clavée en berceau, à deux versants de lauses et ouverte en pignon.

 

Photo privée des années 1950 (bordures blanches, bords denticulés).

Pignon-façade de la remise à charrette aperçue dans la carte postale précédente. La voûte clavée en berceau est faite non pas de lauses mais de gros blocs.

 

Carte postale noir et blanc des nnées 1950 (bords denticulés, non reproduits ici pour des raisons de commodité). Aucun renseignement sur le dos.

Les cinq cabanons sont réduits à quatre dans cette vue prise depuis le sud-est. Les dentelures de la carte (non figurées ici) postulent la décennie 1950. Le couvrement de la citerne à l'extrême gauche a complètement disparu. Le cône tronqué du 4e cabanon à partir de la droite, s'est arrondi en dôme, les cônes des trois autres sont encore un peu plus rongés, des pierres jonchent le sol devant les constructions, signe caractéristique que les visiteurs ont une part dans la dégradation des cabanons.

 

Carte postale noir et blanc remontant sans doute aux années 1950 (bordures dentelées, supprimées par commodité dans la reproduction). Légendage au verso : dans la partie correspondance, en bas, FORCALQUIER (Basses-Alpes) 21, Cabanons pointus, en haut, LA PROVENCE PITTORESQUE / vue par Mario ANSALDI ; verticalement, dans l'axe médian, Charles Testanière, Editeur, Forcalquier.

On peine à reconnaître nos cabanons pointus, vus ici depuis le sud sud-ouest : la citerne est écroulée, la toiture de la quatrième cabane est tronquée, celles de la troisième et de la première ne sont guère mieux loties. Sous l'arbre, on distingue l'amie des murets en pierre sèche, dame Chèvre. Si l'animal monte sur les murs, pourquoi ne manifesterait-il pas la même aptitude pour escalader les cabanes ? En fait, la déchéance progressive du groupe de bâtiments semble due – ainsi que l'affirme Pierre Martel – moins au passage des humains et des animaux qu'à la piètre qualité de la pierre.

 

Carte postale semi-moderne, à large bordure blanche et aux bords chantournés, de l'éditeur Cap.  Légende au recto, Forcalquier – Cabanons pointus ; légende au verso : (dans l'angle inférieur gauche) 20 - HAUTE PROVENCE ; (dans l'axe médian vertical) (5) - Real-Photo  –  Cie des Arts Photomécaniques / 44 rue Letellier - Paris (15e). Les bords chantournés ont été supprimés par commodité de reproduction. 

Datant des années 1950-1960, cette carte confirme le constat de la précédente. On peut s'étonner que les édifices, dans un état aussi déplorable, aient pu encore faire l'objet d'une carte postale. Ce sera sans doute la dernière. Aujourd'hui, la ville de Forcalquier est privée d'un site qui avait contribué à son renom dans la première moitié du XXe siècle.

 

Épilogue

En 2011, les cinq cabanons ne sont plus que des amas de pierres informes. Ce qui restait des cabanes écroulées a été regroupé en tas par un bulldozer. À proximité s'élèvent désormais quatre antennes relais... curieusement bien pointues !

Ce qui reste des cinq cabanons pointus en 2011 © Stéphane Ledoux


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Le 21 janvier 2005 / January 21st, 2005 - Complété le 18 mars 2008 - 12 mai 2008 - 21 mars 2010 - 17 juillet 2011 - 30 août 2020 - 12 juillet 2023 / Augmented on March 18th, 2008 - May 12th, 2008 - March 21st, 2010 - July 17th, 2011 - August 30th, 2020 - July 30th, 2023

Référence à citer / To be referenced as :

Christian Lassure
Les cinq « cabanons pointus » de Forcalquier (Alpes-de-Haute-Provence) à travers les cartes postales anciennes, nouvelle version (The five 'cabanons pointus' at Forcalquier, Alpes-de-Haute-Provence, as seen through vintage postcards, new version)
http://www.pierreseche.com/cabanons_pointus_forcalquier_nv.htm
Mise en ligne : 30 août 2020

L'ancienne version de la présente page est consultable ici

 

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