POUR LA SAUVEGARDE DE L’ARCHITECTURE DE PIERRE SÈCHE DE LA GARRIGUE NÎMOISE A plea for protecting the dry stone architecture of the Nîmes garrigue Christian Lassure (1) Texte publié initialement dans la revue L'Architecture rurale, t. 3, 1979, pp. 150-151 Décrite par Maurice Louis, Paul Marcelin, Paul Marres, entre autres auteurs, la garrigue de Nîmes est réputée tant localement que nationalement pour être un des hauts lieux de l’architecture de pierre sèche en France. Le paysage bâti de la garrigue, avec ses innombrables murs, pierriers, édifices et aménagements divers en pierre sèche, est indiscutablement un patrimoine précieux, digne d’être sauvegardé, pour sa valeur architecturale, son intérêt archéologique et historique et ses qualités esthétiques. La garrigue exhibe des centaines de « capitelles » et de « tines » dont le recensement, l’étude architecturale et historique sont en train d’être menés à bien par un chercheur nîmois, M. Bernard Artigues. Ces petits édifices, bâtiments agricoles à usage temporaire dont les spécimens datables les plus anciens remontent au début du XVIIe siècle, témoignent des ressources d’invention architecturale de leurs bâtisseurs – maçons à pierre sèche, paysans auto-constructeurs – mais aussi des besoins et des modes de vie de leurs utilisateurs, générations passées de Nîmois dont on retrouve les noms mentionnés sur tel vieux compoix ou sur telle dalle faîtière d’une capitelle. Tout comme les autres témoins de l’architecture rurale de pierre sèche en France, les « capitelles » souffrent aujourd’hui abandon et destruction. Les raisons en sont connues : elles sont liées à l’évolution économique des campagnes depuis la fin du siècle dernier, évolution marquée par l’exode rural, la régression des surfaces cultivées, le déclin et l’abandon de l’habitat rural, etc., mais aussi l’urbanisation galopante de terres anciennement agricoles à la périphérie des villes.
Est-ce à dire qu’il faut se résigner à voir ce capital architectural et historique disparaître sous nos yeux ? Certes pas ! Sa préservation est affaire de choix culturel. Au même titre que l’on protège l’architecture prétendument « noble » par tout un arsenal législatif, juridique et matériel, il faut organiser la protection de l’architecture dite « mineure » ou « populaire » dont relèvent les constructions en pierre sèche. Cela suppose un changement des mentalités (abandon de l’indifférence ou du mépris où l’on tient ces édifices, reconnaissance de leur valeur et de leur intérêt) et la manifestation de groupes de pression assez importants et unis pour être entendus. C’est là un des buts que s’est fixés le Centre d’Etudes et de Recherches sur l’Architecture Rurale (CERAR), éditeur depuis 1977 d’une revue qui a publié une cinquantaine d’articles, études, notes, etc., sur le sujet, contribuant à le populariser auprès du public français tant spécialiste que non spécialiste (2). L’étude scientifique de l’architecture de pierre sèche est un préalable indispensable à une prise en considération de cette dernière pour des mesures de protection et de sauvegarde par les administrations habilitées à ce faire. Dans le Gard, la publication sous peu d’un inventaire aidera à la prise de conscience que la garrigue doit être non pas une réserve foncière mais un patrimoine naturel – végétal et bâti – qu’il convient de protéger et de mettre en valeur pour le bien de tous et de soustraire aux intérêts financiers et mercantiles. Plus que jamais s’imposent l’inscription de certains édifices à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques; la constitution d’un fonds départemental pour la réfection des constructions menacées de ruine; la création de zones protégées, inconstructibles, formant un « parc à capitelles », véritable réserve naturelle, archéologique et muséologique. À défaut de ces mesures, les témoins d’une des plus belles architectures populaires du domaine occitan auront vécu et ce sont des fonds de cabanes dans un décor de banlieue pavillonnaire que les Nîmois laisseront à leurs enfants. NOTES (1) Le présent texte a été rédigé à la demande de M. Aimat Serre, animateur de la Section du Gard de l’Institut d’études occitanes. Il a été publié, à quelques modifications près, dans le Midi Libre du 2 juin 1979, en tant que prise de position de notre Association sur le sort futur de l’architecture de pierre sèche en garrigue nîmoise menacée par l’urbanisation (en-tête : Nos capitelles et murailles de garrigue : une prise de position du Centre national d’études et de recherches sur l’architecture rurale). (2) CERAR, 45, rue des Favorites, 75015 Paris; une section gardoise vient d’être créée, avec pour délégué M. Bernard Artigues, 2, rue Childebert, 30000 NIMES. [NDLR : Ces informations sont obsolètes]. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure
page d'accueil cabanes du Gard la capitelle pointue de Nîmes sommaire inventaire
|