LES SYSTÈMES DE RUPTURE DE LA STRUCTURE MACONNÉE À PIERRES SÈCHES

DESTINÉS À L'ENTRETIEN DES OUVRAGES DE SOUTÈNEMENT (*)

Louis Cagin

 

Les techniques décrites ci-dessous ont été observées sur des murs de soutènement « paysans » à Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) et à Fayence (Var).

 

I - Brève analyse de la structure maçonnée des murs de soutènement en pierre sèche

Il y a quatre règles lors de la pose des pierres :
- l’assise,
- le croisement,
- le blocage,
- le fruit.
Il y a un seul liant : le poids et les forces internes et externes au mur.

Lié par les forces qui s’exercent sur les pierres – si ces règles sont respectées pour chacune – un mur en pierre sèche est une construction se comportant comme un monolithe. Une structure monolithe souple capable de rupture au niveau de chaque joint entre les pierres. Enlever une pierre de cette structure équivaut à « filer » un tissu, c’est le début de la ruine du mur.

Le rôle du drain

À l’arrière de la maçonnerie du soutènement proprement dite, est installé un drain. Il optimise la durée de vie du mur en remplissant les fonctions de :

- tampon entre le sol et le mur, il désolidarise les poussées du sol ;

- filtre à particules, il retarde le remplissage des joints par le sol ;

- drain, il évacue l’eau et assèche l’ouvrage.

Le profil et le volume du drain varie selon les terroirs et leurs ressources en pierre. Nos deux exemples ici développés sont représentatifs de cette variation, de quasi inexistant à Ganagobie à surdimensionné à Fayence.

 

II - Il est autant de façons de construire des soutènements en pierre sèche qu’il existe de terroirs.

Si l’application des quatre règles est universelle, les ressources lithiques propres à chaque terroir s’imposent au maçon. Les pierres conditionnent les solutions techniques adéquates pour obtenir cet équilibre. Le maçon adapte donc la structure maçonnée et les divers éléments composant le mur dans le but d’optimiser la durée de vie de son ouvrage et de rendre son entretien le plus léger possible.

 

III - Les systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches

Ce sont des solutions développées pour pallier les défauts induits par les ressources lithiques de certains terroirs et sont un outil efficace pour alléger l’entretien des ouvrages de soutènement. Ils sont utilisés lors de la conception ou de la restauration des murs.

Ils servent à diviser un même mur en plusieurs segments indépendants, créant des ruptures dans la structure monolithe afin d’arrêter le « filage » du mur lors de son usure.

 

IV - Étude des systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches destinés à l’entretien des ouvrages à Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence)

 

 

 Le chaînage d’angle intégré : technique pour la première fois décrite dans un article publié en août 2007 sur le site du CERAV.

 

Il apparait à l’analyse de ce mur que le chaînage ne renvoie pas à une étape antérieure de sa construction ou à un vestige d’aménagement mais qu’il a été la solution apportée lors de la restauration partielle du soutènement.

Cette solution permet de gérer de façon optimale la reprise d’un mur de soutènement partiellement ruiné. 

Il agit au niveau de la maçonnerie au point de rencontre entre la partie neuve et l’ancienne. En effet l’ancien mur est un facteur de fragilisation du mur nouvellement construit. Cette fragilisation est renforcée par la difficulté de croiser correctement les pierres du nouveau mur avec celles de l’ancien. La partie neuve du mur est arrêté par le chaînage qui la désolidarise de l’ancienne. Ainsi, lors de l’écroulement ou la destruction de l’ancien morceau de mur, le mur restauré reste debout et n’est pas emporté.

 

Le chaînage stoppe l’éboulement en longueur…

 

… et en profondeur.

 

Le chaînage permet également de gérer le raccord de fruit et le différentiel d’angle.

 

Il permet de travailler en sécurité lors des reprises ultérieures du mur, le mur ancien est alors démoli jusqu’au chaînage et repris sans danger d’éboulement.

 

C’est une solution simple à mettre en œuvre et très économique en temps de travail à long terme pour l’entretien des soutènements. Je la mets personnellement en œuvre lors de restaurations partielles de murs.

 

IVa - Deux exemples de mise en œuvre de chaînages d’angle intégrés

À Forcalquier, observez le chaînage d’angle désolidarisant le mur assisé sur le roc du mur fondé sur l’arc de décharge :


 

À Nyons, vue d’ensemble, avec, dans la partie droite de la photo, le mur ancien non restauré :

 

 

Détail du chaînage d’angle de rupture intégrant l’installation d’une niche :

 

 

V - Étude des systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches destinés à l’entretien des ouvrages à Fayence (Var)

 

Les piliers de rupture.

 

Partant du même principe de rupture de la structure maçonnée, le dispositif de pilier observé sur deux murs de soutènement à Fayence a été installé dès la conception.

Ces piliers sont espacés, dans les murs observés, d’environ 5 mètres les uns des autres et sont conçus comme des points forts dans le soutènement. Ils arrêtent la ruine du mur et permettent un entretien léger se limitant à des portions ponctuelles de soutènement.

Par leur présence, ils entrainent également la présence de chaînages d’angles dans la maçonnerie lorsque celle-ci est contigüe avec les faces des piliers, ce qui a pour effet de renforcer encore le soutènement.

Ce dispositif de pilier s’explique par la composition du soutènement. Il pallie en fait la ressource insuffisante en pierre à bâtir sur place. Les murs sont en effet des « murs gabions », maçonnés peu profondément en parement et doublés d’une grande épaisseur de drain pouvant aller jusqu’à 2m de profondeur.

 

 

 

Le dispositif de drain est suffisant pour contrecarrer les poussées du sol. La fragilité des murs tient à la faible épaisseur de l’espace maçonné qui, avec l’usure des pierres, se déstabilise. Le parement tombé, le drain, qui n’est plus maintenu, coule au sol.

 

Le mur-drain coule.   

 

 Parement maçonné et drain profond (vue de dessus).

 

Restauration du mur structuré par deux piliers.

                 

Restauration du mur structuré par deux piliers.

 

Quelques photos du pilier observé lors de la restauration : il est composé de blocs empilés de 60cm de côté.

 

Autre pilier du mur.

 

Pilier composé de blocs plus petits, de structure maçonnée croisée.

 

 

Sur la longueur des murs on trouve également des chaînages d’angle.

 

V a -

On peut observer des dispositifs de pilier ailleurs qu’à Fayence sans confirmation que l’intention du bâtisseur soit celle développée plus haut. Ces piliers confirment néanmoins leur qualité de renfort et de stabilité.

 

À Taulignan (Drôme), ce pilier structure et retient un bout de mur ruiné.

 

À Nyons (Drôme), ce pilier reste le seul vestige d’un soutènement ruiné.

V b -

Pour élargir le champ d’utilisation des ruptures latérales de la structure maçonnée : un exemple à Crevoux (Hautes-Alpes), où l’installation d’un système de clôture en mélèze structure la maçonnerie selon un dispositif de ruptures latérales.

 

 
 

 

(*) Exposé présenté le samedi 22 septembre 2012 à Talana (Sardaigne) dans le cadre du XIIIème congrès international sur la pierre sèche.

 


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©  CERAV
5 octobre 2012  / October 5th, 2012

Référence à citer / To be referenced as :

Louis Cagin
Les systèmes de rupture de la structure maçonnée à pierres sèches destinés à l'entretien des ouvrages de soutènement
http://www.pierreseche.com/systemes_de_rupture.htm
5 octobre 2012

Site de l'auteur : http://pierreseche.over-blog.com

 

Du même auteur : Le drain dans la maçonnerie du mur de soutènement à pierre sèche

 

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