LA MAÇONNERIE À PIERRES SÈCHES : VOCABULAIRE A VOCABULARY OF DRY STONE MASONRY Christian Lassure A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z MAÇONNERIE À JOINTS VIFS La maçonnerie à joints vifs désigne une maçonnerie de pierres de taille appareillées sans liant. Les pierres, extraites de carrière, ont leurs faces soigneusement dressées pour s'ajuster aux pierres qui les jouxtent. Ce type de maçonnerie est propre aux architectures savantes.
Angl. : dry-joint masonry/stonework MAÇONNERIE À PIERRES CRUES (OU ÉCRUES) L'expression « à pierres crues » (ou encore « écrues ») n'est pas tout à fait synonyme de « à pierres sèches », cette dernière formulation mettant l'accent sur l'absence de mortier et non sur le côté naturel, brut, non élaboré du matériau. Dans un acte notarié de 1788 concernant la création d'un champ à Saint-Jean-le-Minier dans le Gard, il est question de « construire 12 murailles à pierre crue », dont « 10 en traversiers pour soutenir le terrain », ainsi que de « construire un canal à pierre crue », c'est-à-dire en pierres brutes, telles qu'elles sont retirées du terrain défriché (A. Durand-Tullou, A propos de la sériciculture dans le secteur de Saint-Laurent-le-Minier (Gard), dans Le lien du chercheur cévenol, No 81, 1990, pp. 5-8). De même, dans un document de 1744 qui règle les détails de l'aménagement d'une plantation de muriers près de Valleraugue, toujours dans le Gard, il est question de « 180 cannes de murailles simples à pierre crue » à faire construire le long d'un vallat (cf. P. Blanchemanche, Les terrasses de culture des régions méditerranéennes - terrassement, épierrement et dérivation des eaux en agriculture - XVIIe-XIXe siècles, mémoire de doctorat de 3e cycle en ethnologie, E.H.E.S.S., Paris, 1986, 275 p., en part. p. 105). On ne confondra pas par ailleurs « construction à pierres crues » avec « construction à cru », qui désigne seulement une construction reposant à même le sol, sans fondation. Angl. : rough stonework - construction à cru : building without foundation MAÇONNERIE À PIERRES SÈCHES (OU À SEC OU SÈCHE) La maçonnerie à pierres sèches (ou à sec ou sèche) est la pose de moellons, de plaquettes, de blocs, de dalles, bruts ou ébauchés, sans recourir à un quelconque mortier à liant, pour monter un mur, un voûtement. On ne la confondra pas avec la maçonnerie à joints vifs, qui désigne une maçonnerie de pierres de taille sans mortier. La maçonnerie à sec se trouve employée pour la confection d'une part de murs extérieurs (de clôture, de démarcation, de soutènement, d'épierrement, etc.), d'autre part de murs d'habitations rurales et de bâtiments annexes. Le matériau d'élection de ce type de maçonnerie est généralement un matériau provenant de zones proches de la surface du sol, soit issu du dérochement lors de la construction de champs ou de terrasses, soit fourni par l'épierrement des parcelles cultivées; plus rarement, c'est un matériau extrait de découvertes ou de carrières. Lors des travaux agricoles (défonçage, labour, piochage, etc.) en terrain à substrat rocheux affleurant, le paysan débarrasse sa parcelle de la pierre qui est remontée, en la portant à un tas ou à un mur. En région calcaire, ce matériau provient de la partie superficielle du socle rocheux, laquelle, sous l'effet du gel périglaciaire il y a plusieurs dizaines de millénaires, s'est clivée en strates et fracturée en blocs arrondis, en dalles, en plaquettes, etc., en conformité avec sa structure (phénomène de macrogélifraction). Ce n'est donc pas un matériau de qualité comme la pierre de taille qui vient de bancs plus profonds : il est, en règle générale, friable, gélif, peu résistant. Il serait toutefois illusoire de croire qu'un mur en pierres sèches, même bien fait, est inférieur de très loin à une quelconque limousinerie. Simplement, sa construction, du fait de l'absence de mortier et, partant, d'adhérence entre les éléments, doit obéir à plusieurs règles dont le respect exige davantage de travail et de soin : - l'emploi, comme assise, du socle rocheux lorsqu'il affleure, après l'avoir préalablement dégagé et assaini; - la disposition, lorsque le sol est de terre ou de cailloutis, de fondations de gros blocs; - le ménagement d'un fruit au parement (dans le cas principalement d'un mur de soutènement, lequel doit résister à une poussée latérale); - l'édification d'assises horizontales autant que le matériau le permet (puisque la charge transmise, correspondant au poids propre de la maçonnerie, est verticale); - la pose des pierres dans le sens du lit de carrière et jamais en délit, de manière à ce qu'elles n'éclatent pas sous le poids de la maçonnerie; - un ajustage serré des pierres de façon à avoir des joints réduits au minimum; - le remplissage des interstices entre les pierres par des éclats de calage, voire de la terre; - l'imbrication verticale des pierres de façon à obtenir des joints croisés (ou découpés); - un enchevêtrement transversal des pierres : boutisses, carreaux et parpaings; - le pendage intérieur ou extérieur des pierres selon que l'on veuille une meilleure résistance aux poussées latérales (pour les murs de soutènement) ou une meilleure imperméabilité du parement (pour les murs de soutènement également); - la pose de blocs plus lourds et plus allongés dans les deux dernières assises de façon à renforcer le liaisonnement (ce rôle peut être tenu également par une faîtée de grandes dalles posées à plat ou transversalement sur la tranche).
Une maçonnerie en pierres sèches est comme un jeu de patience en volume, un puzzle dans l'espace. Elle requiert un choix et un positionnement judicieux du matériau, un ajustage minutieux et un emboîtement précis des éléments. Le maçon à pierre sèche, paysan ou spécialiste, doit avoir un bon coup d'œil pour trouver une place à chaque pierre et une pierre pour chaque place. En règle générale, le matériau employé dans les murs extérieurs est laissé à l'état brut, naturel (matériau d'épierrement). Il peut être toutefois sommairement rectifié ou ébauché à coups de marteau. La pierre sèche ne fait l'objet d'une préparation plus soignée – équarrissage de moellons – que pour les murs d'habitations. Sources : C. Lassure, Essai d'analyse architecturale des édifices en pierre sèche, dans L’Architecture rurale en pierre sèche, suppl. No 1, 1977, pp. 1-60 + 20 fig. h. t. - Andrew Young, A case for one up and two down, dans The Sunday Times, 18 octobre 1981. Angl. : 1/ (l'activité) dry masonry, dry stone masonry, dry stone walling - 2/ (l'ouvrage) dry stonework MAÇONNERIE AVEC MORTIER Certaines cabanes et granges, aux murs prétendument à pierres sèches, sont en réalité bâties à l'aide d'un mortier de terre ou « mortier d'hirondelle », invisible en parement. Ce mortier a davantage un rôle d'étanchéisation à l'air qu'une fonction de liaisonnement. Il ne dispense pas de souder entre eux les deux parements à l'aide de boutisses traversantes. Voûte encorbellée et voûte clavée se rencontrent combinées à l'emploi d'un mortier (d'argile, de terre argileuse, de marne, voire de chaux) dans un type d'architecture populaire situé un cran au-dessus de la simple cabane : le pigeonnier, la bergerie, l'habitation saisonnière, etc. La voûte encorbellée acquiert alors, pour sa part, une petite force de tension au lieu de travailler principalement par la compression engendrée par la pesée verticale. Parfois même, le mortier sera non plus du mortier d'argile mais du mortier de chaux. Outre une nécessité d'étanchéisation (à la pluie ou à l'air), on peut invoquer comme raisons une commodité et une rapidité d'exécution plus grandes : il n'est plus nécessaire d'être minutieux dans le choix, l'agencement et l'équilibrage des pierres et, qui plus est, on s'évite un travail fastidieux de calage des moellons. Source : C. Lassure, Essai d'analyse architecturale des édifices en pierre sèche, dans L’Architecture rurale en pierre sèche, suppl. No 1, 1977, pp. 1-60 + 20 fig. h. t. Angl. : 1/ (l'activité) masonry/walling with (binding) mortar - 2/ (l'ouvrage) mortared stonework MAÇONNERIE BROUILLÉE Maçonnerie mélangeant les pierres de toutes dimensions. Syn. maçonnerie mélangée. Angl. : composite stonework MAÇONNERIE DE BLOCAGE Cf. blocage MAÇONNERIE EN LIAISON Maçonnerie où les pierres sont disposées de manière qu'une pierre d'une assise couvre le joint vertical de deux pierres de l'assise inférieure. Cf. liaison - déliaison Angl. : bonded stonework MAÇONNERIE LIÉE Maçonnerie dont les éléments sont assemblés à l'aide d'un mortier avec liant. Le contraire d'une maçonnerie sèche. Syn. : maçonnerie avec mortier - liant Angl. : mortared stonework MAÇONNERIE ÉLANGÉE Maçonnerie composée de pierres de différentes grandeurs. Syn. : maçonnerie brouillée. Angl. : composite stonework MARNE Roche sédimentaire argileuse comportant une quantité importante de calcaire. Elle est peu utilisée dans la construction en pierre sèche car trop tendre et friable. Angl. : marl - marneux : marly MASSE Gros marteau de carrier à deux pannes carrées et plates et à long manche semi-flexible. Il est employé pour frapper les coins dans les emboîtures lors du tranchage des blocs. Il sert également à briser des blocs trop lourds à soulever, ou à dégrossir des pierres trop difficiles à mettre en place. L'intérêt de fendre une pierre eu deux d'un coup de masse vient de ce que cette méthode donne généralement une coupe rectiligne et donc une face plane facilitant la mise en place et l'emboîtage des moellons obtenus. Poids : de 7 à 12 kg. Angl. : (stonemason's) two-handed hammer
MASSETTE Petit marteau de tailleur de pierre dont la masse métallique consiste de deux pannes carrées et plates et épouse un profil soit rectiligne, soit cintré. Il est employé avec un poinçon ou un ciseau en percussion posée. Il sert à dresser, ou aplanir, la face vue d'une pierre. Il sert également à caler en force certaines pierres ou à bien tasser un éventuel remplissage intérieur de caillasse. Poids : de 2 à 2,5 kg. Angl. : (stonecutter's) hammer, sledge hammer
MOELLON Au sens large, un moellon est une pierre de construction aisément manipulable du fait de son poids et de sa forme. En maçonnerie traditionnellle on distingue : Les moellons bruts sont, par définition, non taillés. Ils peuvent être : Les moellons ébauchés sont sommairement taillés de façon à avoir leurs quatre arêtes de parement d'équerre, vives et bien dressées, et des retours d'équerre en face de lit et de joint. La taille de leur parement peut être (entre autres possibilités) :
Théoriquement, en maçonnerie sèche, ne sont employés que des moellons bruts ou ébauchés. Source : Jean Le Covec, Exécution des maçonneries, t. 2, J.-B. Baillière & fils, Paris, 1967, en part. pp. 376-378. Angl. : moellon brut : unworked stone, ruubble stone - moellon ébauché : roughly worked stone, rough-cut stone, trimmed stone - moellon équarri : squared stone MOELLON DE (LONGUE) QUEUE Moellon qui pénètre fortement dans l'épaisseur du mur, autrement dit boutisse. Angl. : header MORTIER Mélange de sable, de liant (chaux ou ciment) et d'eau qui durcit en séchant et sert à solidariser les différents éléments d'une maçonnerie liée. Angl. : mortar MORTIER D’HIRONDELLE Mortier de terre parfois employé dans la maçonnerie à sec, en particulier pour bâtir les murs des granges, dans le Périgord. Source : Jean-Paul Simon, Denis Soulié, L’Architecture paysanne en Périgord et sa restauration, Ed. P. Fanlac, Périgueux, 1991, 208 p., p. 46. Syn. : mortier d'agasse - mortier de pie Angl. : clay mortar MUR À DEUX PANS Expression synonyme de mur à double parement. Angl. : wall with double facing MUR À DOUBLE PAREMENT ET À PENDAGE DES PIERRES VERS L’INTÉRIEUR Dans les murs en pierre sèche à deux parements opposés enserrant un blocage, la technique du pendage, en sens contraires et vers l’intérieur du mur, des deux parements opposés, vise à mieux solidariser le blocage interne et les parements.
Lorsque le mur n’est pas trop épais, les parements peuvent être solidarisés entre eux par la pose de boutisses parpaignes traversant le mur de bout en bout. Lorsque le mur est trop épais ou que les boutisses parpaignes font défaut, il peut être fait appel à la technique de la clé horizontale : la queue d’une boutisse non parpaigne d’un parement est enserrée verticalement entre les queues de deux boutisses non parpaignes du parement opposé. Cf. fourrure (entre deux parements) - clé horizontale. Source : C. Lassure, La pierre et le bois dans la technologie de construction des Fontbuxiens : essai de restitution des superstructures de leurs édifices à plan bi-absidial et à plan circulaire, dans Actes des journées d'étude de Viols-le-Fort (Hérault) des 2 et 3 octobre 1982 sur « l'évolution des techniques de construction à sec dans l'habitat en Languedoc du Néolithique à la période contemporaine », dans L'architecture vernaculaire, suppl. No 3, 1983, pp. 43-56. Angl. : wall with double facing and inward-inclining stones MURAILLEUR Ce néologisme, inspiré du provençal « murailhaire », bâtisseur de murs en pierre sèche, a été proposé en 1983 par Christian Lassure pour traduire le terme anglais « waller » désignant un maçon à pierre sèche spécialisé dans la construction de murs de clôture. « Murailleur » a été repris depuis par les membres de l'association provençale L'A.P.A.RE et les gens dans sa mouvance, qui s'intitulent « maçon et murailleur ». On note toutefois de leur part une hésitation entre la francisation complète « murailleur » et la francisation partielle « murailler ». Source : Geoffrey Young, Apologie du métier de « murailleur » (traduction de Christian Lassure), dans L'architecture vernaculaire, suppl. No 3, 1983, p. 123 Angl. : (dry stone) waller, stone waller MUR DE SOUTÈNEMENT Mur servant à soutenir la poussée des terres d'un terrain en surplomb ou d'un remblai. Il est enterré sur sa face située en amont. Angl. : retaining wall MUR EN PIERRE(S) SÈCHE(S) Ouvrage de maçonnerie sèche édifié dans un plan vertical. Il peut être soit séparatif, soit porteur. Syn. : mur sec. Angl. : dry stone wall MURET (OU MURETTE) Petit mur bas servant de clôture ou de séparation, sans rôle porteur. Angl. : low wall, dwarf wall MUR SEC Expression ancienne, employée par X. Thiriat en 1866 à propos des vignobles vosgiens implantés sur des pentes proches de 45° et soutenues par des murs. On la trouve déjà en 1571, dans « Secrets de la vraye agriculture et honnestes plaisirs qu'on reçoit en la mesnagerie des champs », traduction française par A. de Belleforest de l'ouvrage de l'agronome italien A. Gallo, « Le vinti giornate dell agricoltura e de piaceri della villa », paru en 1569. Syn. : mur en pierre(s) sèche(s) Sources : - Xavier Thiriat, L'agriculture dans les montagnes des Vosges, extrait du Journal de la ferme et des maisons de campagne, No du 30 juin1886 et numéros suivants, E. Martinet, Paris, 43 p., en part. p. 7 - François de Belleforest, Secrets de la vraye agriculture et honnestes plaisirs qu'on en reçoit en la mesnagerie des champs... Traduit de l'italien de Messer Augustin Gallo, Nicolas Chesneau, Paris, 1571, 376 p. Angl. : dry stone wall © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Christian Lassure page d'accueil sommaire maçonnerie
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