Cabane-roulotte de Ternant à Orcines (Puy-de-Dôme) A shepherd's caravan at Ternant, Orcines, Puy-de-Dôme Roger Laubignat Un film tourné par le Dr Jean Piollet (1910-1988) et mis sur Internet grâce à l’amabilité de ses enfants sous le titre Ternant notre village (1) a ému et intéressé bon nombre d’internautes. Ce sont de courtes séquences, prises sur le vif, moments de la vie quotidienne, travaux des champs, travaux d’artisans, fêtes… au village de Ternant (commune d’Orcines), proche du Puy de Dôme, dans les années 1950. Un témoignage touchant de l’attachement d’un homme à son village et à ses habitants, un document précieux sur ce monde villageois qui allait bientôt disparaître dans les bouleversements du mode de vie de nos campagnes. Une séquence sur les activités pastorales a particulièrement retenu notre attention : on y voit une intéressante cabane de berger ainsi que le berger et ses deux chiens. Si l’on ne peut estimer qu’approximativement ses dimensions, compte tenu des autres cabanes de la même époque elle pouvait avoir environ 1,90 m de long, 1 m de large, 1,30 m de haut. Mais elle présente quelques aspects qui lui semblent propres.
C’est tout d’abord son isolation très soignée qui nous frappe : le toit est recouvert de paille de seigle aux tiges longues et souples, maintenue sur chaque pente par deux liteaux qui semblent chevillés ou boulonnés. Le faîtage est protégé par des planches de bois, et les rives forment des bourrelets se terminant joliment en deux gros pompons serrés à leur base. La paroi avant est entièrement habillée de paille fixée par quatre liteaux, et l’on peut supposer qu’il en est de même pour la paroi arrière. Les très grandes roues métalliques (1 m de diamètre environ) à douze rayons semblent peintes de couleur claire. Elles ont été récupérées pour équiper la cabane plus spacieuse qui a remplacé la présente et que l’on peut voir parmi les cabanes-roulottes de bergers dans la chaîne des Puys (document n° 9) (2). Leur grand diamètre et leur solidité rendaient plus aisés les déplacements en terrain difficile. De telles roues ne permettent qu’une porte d’entrée coulissante, peut-être suspendue à un système de glissière, car on n’aperçoit pas de glissière d’appui inférieure.
Près de la cabane, est posée la niche des chiens avec ses deux ouvertures en arc. Deux anneaux, assez visibles, fixés solidement sur le dessus, servaient à la suspendre à l’arrière du véhicule durant les déplacements d’un pacage à l’autre. Les cabanes anciennes étaient pourvues à cet usage de deux forts crochets sur leur paroi arrière. Le timon pour attelage de bovin est muni d’un système difficile à préciser permettant de mettre l’habitacle, et donc le couchage, à l’horizontale, comme c’est le cas sur la photo. Sur la paroi avant, est accrochée la volumineuse « musette » de toile contenant le repas du berger et, peut-être, un tricot de laine ou un vêtement de pluie. À côté, on aperçoit un long bâton terminé par une boule, « la boulade », utile autrefois pour se défendre des loups, et qui, de nos jours, sert d'appui pour les mains et le menton du berger obligé de rester debout, immobile, à surveiller son troupeau. La longueur de la boulade correspond à cet usage. Traditionnellement, la boule est tirée de la souche d'un rejet, si bien qu'elle fait corps avec le bâton pour constituer un solide instrument de travail ... et de défense. Quant au berger, un béret noir sur la tête, vêtu d’une veste de toile fort rapiécée (appelée improprement « gilet » dans cette région ), d’un pantalon foncé probablement en velours côtelé, il est chaussé de bottes de caoutchouc protégeant des broussailles… et des vipères. Les plus anciens habitants du village l’ont identifié comme étant Marius Geneix, surnommé « Popige », surnom venant d’un verbe du patois local qui signifie « piétiner » et pouvant donc s’appliquer assez naturellement à un berger. Né dans une famille paysanne de Ternant en 1899, on le retrouve comme cultivateur à travers les recensements bien qu’il ait gardé le troupeau de moutons du village plusieurs années consécutives. Il est décédé en 1970.
Très habilement, le Dr Jean Piollet a réussi à regrouper sur une même image la cabane du berger et le troupeau quittant son parc dont on voit, sur la droite, un de ses côtés : un alignement de claies maintenues verticales par le biais de « tenailles » obliques fixées au sol par des piquets. Une jolie scène que nous contemplons comme les deux petites filles du premier plan ! Nos remerciements à M. Paul Piollet qui nous a aimablement autorisé à utiliser ces photographies pour cet article. NOTES (1) Films visionnables sur YouTube : (2) Cf. Roger Laubignat, Cabanes-roulottes de bergers dans la chaîne des Puys (Puy-de-Dôme), L'Architecture vernaculaire (en ligne), tome 40-41 (2016-2017), 3 juin 2016. Pour imprimer, passer en mode paysage © CERAV Référence à citer / To be referenced as : Roger Laubignat
Série : La roulotte de berger I - La roulotte de berger d'après des cartes postales et photographies anciennes II - La roulotte de berger d'après des enluminures de la fin du Moyen Âge III - La roulotte de berger d'après des spécimens subsistants IV - Cabane à roues tirée par une paire de bœufs à Saint-Léger-du-Malzieu (Lozère) dans les années 1950 V - Berger et sa cabane à roues à Saugues (Haute-Loire) dans les années 1950 VI - Un fabricant de roulottes de berger : Vasseur X., à Sancourt (Somme) VII - Cabanes-roulottes de bergers dans la chaîne des Puys (Puy-de-Dôme) VIII - Cabane-roulotte de Ternant (à Orcines, Puy-de-Dôme) IX - La roulotte de berger vue par les artistes
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