DISPOSITIFS D'IRRIGATION À NONZA AU CAP CORSE (HAUTE-CORSE) Irrigation devices at Nonza in the Cap Corse region, Haute-Corse Jean-Pierre Guillet
13 - LES RÉSERVOIRS (1re PARTIE) Le réservoir No 3 dit de la vache On y accède en suivant, depuis la chapelle de Ste Julie, le chemin dit de Nonza à Ogliastro sur le cadastre de 1975. À environ 200 m sur la gauche on trouve une entrée de terrasse encadrée de deux piliers (figure 1). Un escalier d’une dizaine de marches mène ensuite au réservoir (figure 2). La figure 3 en donne une image en plongée depuis l’est et la 4 depuis l’ouest.
Ses dimensions sont d’environ L 3,1 x l 2,2 x h 2,25 soient 15 m3. On note au fond, à gauche, un fort volume cimenté qui correspondait peut-être à une saillie rocheuse qu’il aurait été difficile d’éliminer. Un escalier à cinq marches en lauzes – assez étroit à mon sens – permet de descendre pour assurer l’entretien de la cuve.
Les différentes amenées et départs d’eau intriguent (en rouge sur la figure 5); en A, un tuyau en terre cuite apparaît à travers le mur en pierre sèche délimitant la parcelle mitoyenne au sud et pouvait assurer une amenée d’eau. Mais à peu de distance, en B, une autre tuyau en terre cuite surgit du mur Est en pierre sèche et – lui aussi placé à quelques décimètres au-dessus de la margelle du réservoir – ne pouvant qu’assurer une amenée d’eau. On en trouve un troisième au coin sud-ouest, toujours en haut mais là situé du côté de l’aval de la pente et donc peu suspect d’amener de l’eau. Enfin une ouverture de conduit localisée en fond de cuve en D permettait de vidanger le réservoir.
Hypothèses : a) A et B ont permis d’amener de l’eau à des périodes différentes
et selon des connexions amont modifiées au cours du temps; b) elles ont permis
des amenées d’eau depuis des réseaux amont différents pour assurer une
redondance en cas de dégradation d’une des voies d’amenée. c) C était une «
sécurité » en cas de remplissage imprévu du réservoir (l’utilisateur n’étant pas
venu arrêter l’arrivée d’eau parce qu’il s’était fait une entorse) et envoyait
le flux vers les utilisateurs aval.
Le qualificatif que j’ai attribué à ce réservoir dans le titre est dû au fait qu’une vache (ou un taureau, parité oblige) a autrefois conclu son existence terrestre dedans. Il a été apparemment impossible de la (le) sortir de là et on peut encore contempler ses restes mortels à demi enfouis dans le tapis d’humus et de feuilles mortes comblant peu à peu le fond. Cette constatation anecdotique incite à songer à la dangerosité des réservoirs de ce genre, certains enfants étant nettement imprudents et même certains touristes adultes aussi inconséquents que les bovidés. Le réservoir No 4 En continuant à suivre, après le réservoir 3, le chemin de Nonza à Ogliastro sur quelques dizaines de mètres, on rencontre sur la gauche une autre entrée de parcelle encadrée de piliers, cimentés ceux-ci (figure 10). Elle menait apparemment à sa droite à un petit réservoir (Figure 11) maintenant très entouré de broussailles. On ne le découvre qu’en continuant à suivre le chemin sur quelques mètres et en regardant en contrebas. Mon accès jusqu’à lui a nécessité un solide débroussaillage mais a conduit à des détails intéressants.
Tout d’abord cet ouvrage est doté d’une arrivée d’eau empruntant un tunnel qui s’enfonce sous le chemin dans le mur est (Figure 12). Il s’agit en fait d’une source privée comme il en existait dans nombre d’autres endroits. Au-delà d’une profondeur de 1,5 m environ, un effondrement a clos le tunnel. Comme on ne repère pas d’affaissement correspondant du chemin, il est probable que l’incident s’est produit à une date assez ancienne et que les dégâts causés à la voie ont été réparés sans qu’on envisage de restaurer le tunnel. La source fournissait-elle encore de l’eau par la suite ? Peut-être mais on notera, en haut à gauche du mur, la sortie d’un tuyau en terre cuite. Solution de rechange ou, comme pour le réservoir 3, redondance dans l’approvisionnement ? On pourrait penser à un conduit provenant du réservoir 7 décrit plus bas.
Cette citerne mesure L 2,4 x l 1,8 x h >1 = > 4,6 m3. L’incertitude sur la
hauteur tient à l’épais encombrement du fond par de gros cailloux que je n’ai
pas eu le courage de déblayer.
Le réservoir No 5 L’entrée à piliers près du réservoir 4 était probablement plutôt un accès privatif (une porte la fermait, dont il subsiste les gonds) à un chemin desservant un ensemble de terrasses. Ce chemin en pente moyenne mène, à une trentaine de mètres vers l’ouest, à un petit réservoir qui le flanque en contrebas sur sa droite (Figure 15). Ses dimensions sont L 2,4 x l 1,55 x h 1 = 3,7 m3.
Un peu avant de l’atteindre, un tuyau en terre cuite apparaît dans un mur de
soutènement en pierre sèche (Figure 16). Visiblement, il servait à alimenter le
réservoir 5 à partir du 4.
En poursuivant le chemin vers la terrasse inférieure, on reconnaît dans les
broussailles la ruine d’un abri de jardin que je n’ai pas encore dégagé. Le sol
alentour est jonché de tessons de tuyaux.
Le réservoir No 6 Depuis l’entrée à piliers qui jouxte le réservoir 4, on suit sur une trentaine de mètres le chemin principal qui tourne vers la gauche. En contrebas et à deux mètres du bord, on trouve un assez grand réservoir (Figure 17). Il mesure L 4 x l 2,2 x h 1,3 = 11,5 m3. C’est donc un gros bassin qui devait irriguer une bonne surface des terrasses situées en aval et peut-être un ou des bassins de redistribution plus petits. Mais la densité du maquis broussailleux ne m’a pas permis d’explorer cette zone à ma convenance. La caractéristique la plus inattendue de cet ouvrage réside dans le fait que ses margelles ont été dallées avec des carreaux de terre cuite non vernissée (Figure 18). Ce souci, qu’il est difficile de qualifier d’un autre mot que « esthétique », a été à ma connaissance réservé à cet unique réservoir. Il est d’autant plus surprenant que le souci correspondant de vivre avec son temps n’a pas été suivi pour un élément beaucoup plus utilitaire, je veux dire l’amenée d’eau.
On en trouve une vue dans la figure 19. Ce déversoir a été rustiquement réalisé avec des lauzes de schiste à peine équarries et jointoyées au ciment. Presque vertical, mesurant près de 2 m de hauteur, il est appuyé au mur de soutènement du chemin. Ce dernier point pouvait d’ailleurs lui conférer une certaine fragilité à cause des mouvements de la pierre sèche. Il pourrait être intéressant d’étudier les systèmes d’irrigation en mettant en vis-à-vis leurs paramètres strictement utilitaires (techniques et économiques) et ceux relevant du culturel (esthétique et/ou richesse affichée). J’y reviendrai dans la synthèse.
Adresses utiles : (1) Association des amis du site de Nonza, siège social : 20217 NONZA (2) jeanpierreguillet[at]free.fr Pour imprimer,
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